La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Escapade dans l’Aveyron, en Occitanie

De l’Occitanie, région administrative créée en 2014 pour englober 13 départements des Pyrénées et de la Méditerranée, je ne connaissais que Carcassonne, Toulouse, Albi et Sorèze. La semaine dernière, le Salon des blogueurs de voyage m’a amenée à découvrir l’Aveyron, plus particulièrement Laguiole, l’Aubrac et Millau. Coups de cœur à l’horizon!


Des couteaux mythiques

Impossible de passer à Laguiole sans s’intéresser à ses célèbres couteaux. Après une nuit de sommeil réparateur au Best Western Le Relais de Laguiole Hôtel et Spa – Laguiole se trouve à 1000 mètres d’altitude et on y venait jadis pour faire des cures «de bon air» –, je rends visite à Benoit l’Artisan, à quelques pas du restaurant argentin La-Ba, où je me suis régalée la veille. Comme dans bien des villages français, on peut se balader à pied, tout se trouvant à proximité. Si les rues sont plutôt calmes en cette journée d’avril, en plein été, elles sont prises d’assaut par les touristes.

L'Atelier de Benoît l'Artisan à Aveyron. Photo: Marie-Julie Gagnon
Selon Benoit Mijoule, le couteau Laguiole doit rester dans la ville qui l’a vu naître. Photo: Marie-Julie Gagnon

Créés dans les années 1820, les couteaux Laguiole ont évolué selon les besoins des gens. Celui de poche, par exemple, était l’accessoire de prédilection des bergers. Depuis la fin des années 1980, les artisans de Laguiole, qui font tout à la main, tentent de redorer le blason de ces véritables œuvres d’art, produites massivement à Thiers, en Auvergne.

Ces couteaux peuvent être bons pour plusieurs générations. Photo: Marie-Julie Gagnon
Créés dans les années 1820, les couteaux Laguiole sont faits à la main par les artisans de la région. Photo: Marie-Julie Gagnon

Pour Benoit Mijoule, qui a entre autres effectué un stage avec Jacques Jobin à Lévis, au Québec, avant de lancer sa propre entreprise en 1999, le couteau Laguiole doit rester dans la ville qui l’a vu naître. Ce qui fait sa particularité? «On en a fait des couteaux robustes, explique ce fils de coutelier. Si on en prend soin, on peut les garder pendant plusieurs générations. Ce sont des couteaux qui se transmettent.» En prendre soin signifie de ne pas les mettre au lave-vaisselle, d’huiler régulièrement le manche et d’entretenir la lame.

Différents matériaux sont utilisés pour sculpter ces manches uniques, du bois d’ébène à l’ivoire de mammouth en passant par l’os de girafe (le site Web en présente même en ivoire de phacochère!). En 2018, certains matériaux traditionnellement utilisés ont toutefois moins la cote. «Nous avons cessé d’en produire avec de l’ivoire d’éléphants», mentionne, à titre d’exemple, ce père de famille.

Regarder l’artisan affiner le manche d’un couteau donne un aperçu du travail à abattre. Pas étonnant que l’objet ne soit pas à la portée de toutes les bourses! En plus des modèles traditionnels, Benoit a élaboré sa propre interprétation. «Le tribal», composé de trois courbes et de trois angles, reste l’une de ses plus grandes fiertés.

Je résiste difficilement à l’envie de m’offrir l’une de ses créations avant de quitter la boutique.

Benoit l'Artisan dans son atelier à Laguiole. Photo: Marie-Julie Gagnon
Benoit Mijoule dans son atelier à Laguiole. Photo: Marie-Julie Gagnon

Vaches et aligot

Folle de fromage ET de pommes de terre, je salivais depuis des jours à l’idée de goûter enfin à l’aligot, à base de ces deux ingrédients. Avant d’aller me sustenter au restaurant Le Buron de l’Aubrac avec mes compagnons de route, nous arrêtons saluer Haute, égérie du Salon International de l’Agriculture de Paris 2018, qui a séduit tout le monde avec ses yeux parfaitement maquillés. La star est peut-être considérée comme une reine de beauté, n’empêche, ses copines et ses veaux sont plutôt destinés à ravir… les papilles des gourmands. Réputée pour son goût affirmé, la viande d’Aubrac fait aussi partie des incontournables de la région. Pour obtenir le Label Rouge, qui garantit la qualité de la viande, les éleveurs doivent pratiquer la transhumance.

Haude et son veau Olympe. Photo: Marie-Julie Gagnon
Haute et son veau Olympe. Photo: Marie-Julie Gagnon

Au Buron de l’Aubrac, le chef ajoute de la tomme fraîche de fromage Laguiole à une purée de pommes de terre contenant crème et beurre. Il «file» ensuite la mixture, provoquant instantanément les réactions des convives. Si c’est bon? Et comment!

Photo: Marie-Julie Gagnon
L'aligot dégusté au Buron de l’Aubrac, miam! Photo: Marie-Julie Gagnon

Le bonheur est dans le pré

Histoire de faire descendre le tout, nous parcourons une partie du mythique chemin de Compostelle, près de Saint-Chély-d’Aubrac. Avant de le rejoindre, nous gambadons dans le pré (bon, d’accord, JE gambade dans le pré, ne pouvant m’empêcher de transformer l’aventure en comédie musicale et pastorale – il y a SI longtemps que je n’ai pas vu de fleurs et de soleil!).

Sur le chemin de Compostelle. Photo: Marie-Julie Gagnon
Au soleil sur le chemin de Compostelle. Photo: Tuni Maal

À 1300 mètres d’altitude, la végétation du plateau de l’Aubrac se fait changeante. Les jonquilles sauvages jaune vif tapissent le sol. Plus loin, des anémones sylvie et des crocus de printemps confirment que l’hiver est bien terminé. «Il y a trois crocus mauves pour mille blancs», lance notre guide, Gonzalo Diaz, qui connaît le secteur comme le fond de sa poche.

Notre guide et les fleurs! Photo: Marie-Julie Gagnon
Notre guide Gonzalo Diaz dans les jonquilles. Photo: Marie-Julie Gagnon

Nous marchons sur des cailloux, avant de descendre vers le chemin mythique. «C’est de la pierre volcanique», poursuit-il, avant de rappeler que la région fait partie de l’ensemble volcanique de l’Auvergne.

Un paysage qui donne envie d'y retourner. Photo: Marie-Julie Gagnon
Un paysage de l'Aubrac. Photo: Marie-Julie Gagnon

La toute petite heure passée ensuite à déambuler sur la route empruntée par les pèlerins me convainc de revenir, malgré la grande popularité du trajet. Le projet m’interpelle non pas dans une perspective spirituelle, mais plutôt dans une perspective contemplative et historique. À chacun sa manière de se réapproprier le temps.

Nous reprenons la route vers Millau, où se déroulera la cinquième édition du Salon des blogueurs de voyage. À peine partis, un embouteillage nous immobilise quelques instants. Un embouteillage, vraiment? Soudain, un enfant d’environ huit ans apparaît, suivi de ses moutons. Oui, nous nageons en plein folklore!

Un embouteillage... de moutons! Photo: Marie-Julie Gagnon
Un embouteillage... de moutons! Photo: Marie-Julie Gagnon

Millau et son viaduc

À Millau, je m’installe pour trois nuits dans un chalet du Domaine Saint Estève, avec vue sur le viaduc. Érigée en trois ans après 14 années d’études (!), l’œuvre de l’architecte Norman Foster collectionne les statistiques impressionnantes. Quelques-unes: sa hauteur maximale est de 343 mètres, soit 19 mètres de plus que la tour Eiffel, et son poids, 36 000 tonnes, équivaut à celui de 5100 éléphants d’Afrique. Rien que ça!

Le viaduc de Millau. Photo: schiiiinken, Flickr
Le viaduc de Millau, une impressionnante œuvre de l’architecte Norman Foster. Photo: schiiiinken, Flickr

Il faut le voir de plus près pour constater l’ampleur de l’exploit. Aménagée dans une ancienne ferme, l’Aire du Viaduc de Millau permet d’en savoir un peu plus sur cette construction colossale, mais aussi d’avoir un point de vue unique sur l’œuvre, qui s’intègre parfaitement au paysage.

Alors que le printemps tarde à arriver au Québec, je savoure pleinement ces moments sous le soleil du sud de la France. Quelle belle période pour découvrir les environs! Je serais bien restée quelques jours de plus à scruter l’horizon près de la piscine infinie du Domaine Saint Estève…

Photo: Marie-Julie Gagnon
Je serais bien restée quelques jours de plus à scruter l’horizon près de la piscine infinie du Domaine Saint Estève… Photo: Marie-Julie Gagnon

Pratico-pratique:

  • «Laguiole» signifie «petite église».
  • Il faut prononcer «Laïole», comme le patois de jadis.
  • Des visites sont offertes aux voyageurs chez Benoit l’Artisan.
  • «L’abeille représentée sur le ressort des couteaux est le symbole du couteau de Laguiole. Il proviendrait d’un sceau impérial offert par NapoléonIerà la ville de Laguiole pour marquer sa reconnaissance envers les hommes de la ville ayant fait preuve de courage au combat.» (Source: Futura-sciences)
  • La majorité des touristes qui s’arrêtent à Laguiole sont Français, m’apprend Séverine Dijols-Valenq, directrice de l’Office de tourisme Aubrac-Laguiole. Seuls 7% des visiteurs proviennent de l’étranger. De ce nombre, on compte 18% de Canadiens.
  • Pour parcourir le chemin de Compostelle en entier, il est recommandé de prévoir entre dix semaines et trois mois, selon les guides et représentants de l’industrie touristique interrogés sur place. La plupart des gens le parcourent en plus d’un séjour.
  • Une partie du chemin de Compostelle, dont le tronçon en Aubrac, est inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 20 ans.
  • L’aéroport le plus proche est celui de Montpellier. L’auteure de ces lignes a particulièrement aimé ses douaniers souriants et détendus!

Notre chroniqueuse était l’invitée de Tourisme Aubrac-Laguiole et du Domaine Saint Estève. Merci!


Pour en savoir plus

De Toulouse à Barcelone en 6 escales

Marie-Julie Gagnon

10 mai 2016

Avenues.ca