La chronique Voyage de Marie-Julie Gagnon

Auteur(e)
Photo: Mélanie Crête

Marie-Julie Gagnon

Auteure, chroniqueuse et blogueuse, Marie-Julie Gagnon se définit d’abord comme une exploratrice. Accro aux réseaux sociaux (@mariejuliega sur X et Instagram), elle collabore à de nombreux médias depuis une vingtaine d’années et tient le blogue Taxi-brousse depuis 2008. Certains voyagent pour voir le monde, elle, c’est d’abord pour le «ressentir» (et, accessoirement, goûter tous les desserts au chocolat qui croisent sa route).

Autour de la baie des Ha! Ha!

À la fin septembre, je me suis arrêtée à La Baie, au Saguenay­–Lac-Saint-Jean. J’ai posé mes valises à l’Auberge des 21, charmant établissement de 31 chambres en bordure du fjord qui accueille les visiteurs depuis 1989.



Rares sont les hôtels et les restaurants à traverser le temps, dans ma région natale. Celui-ci m’intriguait depuis longtemps à cause de sa longévité et de son restaurant, Le Doyen, réputé pour être l’une des meilleures tables du coin, mais aussi de son nom, qui fait référence à la Société des vingt-et-un, formée en 1837 à La Malbaie pour exploiter les ressources forestières de la région.

Le restaurant de l'Auberge des 21, Le Doyen, est réputé pour être l’une des meilleures tables du coin. Photo: Marie-Julie Gagnon

À l’époque, aucun colon n’était encore venu s’installer au Saguenay–Lac-Saint-Jean. L’année suivante, 27 hommes sont débarqués à L’Anse-Saint-Jean et à La Grande Baie et ont construit des moulins à scie. «Nous avons tous un ancêtre qui faisait partie de ce groupe, m’explique Marcel Bouchard, chef propriétaire de l’Auberge des 21. Moi, je suis le descendant d’un Boudreault.»

Voyage dans le temps

C’est plus fort que moi: chaque fois que je m’arrête quelque part, je me demande qui était là avant. Qui a occupé ma chambre les jours, les mois, les années précédents? Qui vivait dans les parages il y a 10, 50, 100 ans? Parfois, mon imagination s’emballe et me garde éveillée jusqu’à tard dans la nuit. Mais la plupart du temps, je me retrouve à bombarder mes hôtes de questions et à appeler l’ami Google à l’aide.

Bien avant l’arrivée des colons, le secteur de La Baie, sur les rives de la baie des Ha! Ha!, était déjà un lieu d’échange des Premières Nations. «Le plus gros port d’attache était Tadoussac, m’explique Marcel Bouchard, mais les gens venaient aussi ici de partout par le lac Saint-Jean: des Montagnais, des Cris…»

Les eaux profondes de la baie, même près de la rive, deviennent rapidement un atout. Après l’arrivée du chemin de fer, en 1910, les installations portuaires se sont rapidement développées.

Bien avant l’arrivée des colons, le secteur de La Baie, sur les rives de la baie des Ha! Ha!, était déjà un lieu d’échange des Premières Nations. Photo: Marie-Julie Gagnon

Je sors me balader le long de la rive, jusqu’au port. Impossible de manquer les deux immenses navires amarrés et les petits bateaux remplis de passagers prêts à partir en excursion. Je vois même un hélicoptère décoller! Depuis 2008, année de la construction du port destiné à accueillir les bateaux de croisière, ils sont de plus en plus nombreux à déverser leurs flots de passagers aux origines diverses. Le quartier du port s’est peu à peu transformé. De petites boutiques de souvenirs mettent en valeur des produits régionaux. En été, en plus des croisiéristes, on peut apercevoir les Navettes maritimes du fjord – un de mes gros coups de cœur touristiques des dernières années –, qui font plusieurs escales, dont une au Parc Aventures Cap-Jaseux, et se rendent jusqu’à Tadoussac.

Je remarque les très instagrammables lettres «Saguenay». Non loin de là, la Cantine Boivin concocte des poutines avec le légendaire – et si bon! – fromage en grains du même nom. Dommage qu’on nous les serve dans des bols de styromousse, même quand on les déguste sur place… O’Gelato & Cacao constitue un autre arrêt incontournable pour les amateurs de glace comme de chocolat.

O’Gelato & Cacao constitue un arrêt incontournable pour les amateurs de glace comme de chocolat. Photo: Facebook O' Gelato & Cacao

Art et nature

Un drôle de monument attire aussi l’attention à La Baie: la Pyramide des Ha! Ha!. Érigée afin de commémorer le déluge du Saguenay de 1996, le monument imaginé par l’artiste Jean-Jules Soucy est composé de 3000 panneaux de signalisation «Cédez le passage» et a été édifié par les citoyens. J’ai toujours adoré l’humour de cet artiste contemporain né à La Baie, qui utilise des objets du quotidien pour créer ses œuvres. Bien avant que la cause soit à la mode, l’environnement était au cœur de ses créations, comme le rappelle ce documentaire de l’ONF de 1994. Il faut le voir remettre un collier «hawaïen» fait de pelures d’oignon au premier magistrat de la ville…

L'art n'est point sans Soucy, Bruno Carrière, offert par l'Office national du film du Canada

En automne, les couleurs ne sont peut-être pas aussi flamboyantes à La Baie que dans d’autres régions du Québec, mais les conifères permettent en toute saison de contempler le véritable «vert forêt».

Je rentre me réfugier à l’auberge en me disant qu’au fond, les images qui s’imprimeront dans la mémoire des croisiéristes seront sans doute dans les mêmes tons que celles découvertes par les 27 premiers habitants. Parce qu’au-delà de toutes les attractions et autres distractions qui ont poussé au fil du temps, les plus grandes richesses de la région restent celles qu’avaient aussi sous les yeux les autochtones et les coupeurs des bois.

Pratico-pratique:

  • Le restaurant Le Doyen propose une cuisine régionale évolutive et met en valeur certains produits du terroir ainsi que du gibier, notamment.
  • L’Auberge des 21 compte aussi un spa nordique et un centre de santé.
  • L’auberge fait partie d’Ôrigine artisans hôteliers, première coopérative hôtelière et plus grand réseau d’établissements indépendants au Québec.

J’étais l’invitée de Tourisme Saguenay–Lac-Saint-Jean.