Placemaking: dessiner la ville pour les citoyens
De la reconfiguration des rues à l’émergence de places publiques éphémères, le placemaking (que l’on pourrait traduire librement par «création d’espaces») permet aux citoyens et aux organismes municipaux de travailler ensemble pour rendre la ville meilleure. Aperçu de cette tendance, qui va au-delà d’un mot à la mode.
Le placemaking, vous connaissez? Affligées par la pauvreté, le désinvestissement gouvernemental ou la criminalité, certaines communautés se retroussent les manches pour améliorer la qualité de vie dans leur quartier et renforcer le sentiment d’appartenance, souvent avec trois fois rien. Ces gestes de revitalisation urbaine donnent lieu à la création d’espaces publics imaginés par et pour les citoyens. L’endroit peut être détenu par des intérêts privés, mais il doit absolument être ouvert à tous.
C’est ainsi qu’un terrain vague fait place à un cinéma en plein air improvisé, que des moutons remplacent les tondeuses dans un parc pour amener la campagne en ville ou qu’un îlot de chaleur se recouvre de vert. À plus petite échelle, on pourrait dire que les croque-livres qui poussent dans plusieurs municipalités font aussi partie de ce mouvement.
L’idée est loin d’être nouvelle. L’organisme américain Project for Public Spaces (PPS) a été créé en 1975. Depuis sa formation, PPS a mené à bien des projets dans plus de 3 500 communautés dans plus de 50 pays et a laissé sa marque dans les cinquante États américains. C’est entre autres grâce à eux que Times Square, à New York, a cédé la place aux piétons, après le long règne de la voiture. PPS utilise systématiquement le terme placemaking depuis le milieu des années 1990. Le concept s’étend aujourd’hui à l’échelle de la planète.
Voici quelques exemples d’espaces bien conçus, ici et ailleurs.
New Freedom Park (Denver)
Dans un quartier de Denver, des réfugiés venus d’Afghanistan, du Myanmar, de Somalie, du Burundi et du Népal cherchaient un lieu où ils pourraient cultiver des aliments, célébrer leur culture et où leurs enfants pourraient jouer en toute sécurité. Grâce aux efforts de la communauté (et aux partenariats avec la Ville et des organismes locaux), un terrain vacant de deux acres a été complètement transformé. On y retrouve désormais un terrain de football, un terrain de jeux, un lieu de rassemblement ombragé et cinquante parcelles de jardin pour les familles.
Jardin Barnabé (Montréal)
La Pépinière, à qui l’on doit notamment le Village au Pied-du-Courant et les Jardins Gamelin, compte depuis le mois d’avril un nouveau programme. Vivace vise à soutenir et à accompagner les citoyens qui veulent prendre en main l’amélioration de leur quartier en développant un espace public. Quatre projets ont été sélectionnés parmi plus de cinquante dossiers déposés lors du premier appel à participation.
C’est le cas du Jardin Barnabé, qui prend place sur le parvis de l’église Saint-Barnabé-Apôtre dans Hochelaga. Piloté par l’organisme Cap Saint-Barnabé, qui œuvre en sécurité alimentaire et en sécurité du logement, le potager en bacs est accessible à tous. «Plusieurs enjeux sont à l’origine du projet: offrir des légumes, lutter contre les déserts alimentaires, faire un lien avec les gens du quartier et embellir le centre», explique une des porteuses du projet.
Every One, Every Day (Londres)
En 2017, la Participatory City Foundation (en partenariat avec diverses organisations) s’est associée à l’arrondissement de Barking et Dagenham pour mettre en place une plateforme permettant aux résidents de transformer le paysage urbain. Celle-ci les invite à suggérer des projets et des entreprises qu’ils souhaitent créer ensemble, en favorisant les projets simples qui améliorent immédiatement la vie des gens.
Jusqu’à maintenant, trois magasins et un entrepôt de 3300 pieds carrés ont vu le jour. Les boutiques ne vendent rien. Ce sont plutôt des lieux où les citoyens se rencontrent, discutent et lancent des idées. Le programme a également commencé à ouvrir des «espaces de fabrication», équipés de découpeuses au laser, de machines à coudre et d’autres outils. Les lieux, occupés en majorité par des femmes, sont aussi devenus une garderie informelle. L’initiative a fait boule de neige, et les habitants du quartier ont depuis mis sur pied des comités d’accueil pour les nouveaux arrivants, des cours d’agriculture urbaine, des ateliers d’informatique, des heures du conte pour les enfants…
Lentement, à coup de projets à échelle humaine, bâtis sur mesure pour les résidents, la ville devient elle aussi plus vivante et répond mieux aux besoins des citoyens.