Richard Basque, Nikon D7500, 30 mm, F/8, 4 s., ISO 125
22 juin 2020Auteur : Pierre Deslières, SPPQ

La photo de nuit: une réalité tout autre

Cessez-vous de photographier à la tombée de la nuit? Si oui, vous vous privez d’une excellente occasion de révéler une vision complètement différente et de donner une perspective totalement inattendue à vos photos!



En photo de nuit, les lieux sont vus sous un angle nouveau. Les volumes, les perspectives et les textures sont sublimés. Le sujet est mis en valeur par la lumière artificielle. Les zones noires occultent les détails inintéressants.

Vous pouvez vous amuser avec les éclairages des lampadaires, les lumières des tours de bureaux, les reflets de la pluie sur le pavé. Vous pouvez montrer des paysages urbains différents: des viaducs ou des ponts avec la traînée lumineuse des voitures, des graffitis amplifiés par un clair-obscur, des édifices publics illuminés, des places publiques partiellement éclairées, des ruelles sombres, etc.

Envie d’essayer? Bonne nouvelle: la plupart des appareils photo numériques permettent aisément de faire de la photo de nuit, moyennant certains réglages.

En photo de nuit, les lieux sont vus sous un angle nouveau. Photo: Bernard Leprohon, Nikon D5300, 17mm, F/8, 1 s., ISO 1000, exp. +1,3

Équipement requis

Vous aurez besoin d’un minimum d’équipement pour réaliser vos photos de nuit:

  • Un trépied solide et léger, car votre temps de pose sera allongé d’une seconde à quelques minutes.
  • Une deuxième pile, car le boîtier sera très sollicité, surtout s’il fait froid.
  • Un déclencheur à distance, peu dispendieux (environ 35$), pour éviter des flous accidentels. Sinon, utilisez le retardateur pour déclencher.
  • Une lampe de poche, particulièrement utile pour réaliser certains réglages dans l’obscurité.
  • Un pare-soleil, même s’il ne fait pas soleil, pour empêcher des reflets disgracieux.
  • L’écran LCD arrière de votre appareil photo plutôt que le viseur pour le cadrage et la mise au point, parce qu’il est plus facile à utiliser dans la noirceur.
Bonne nouvelle: la plupart des appareils photo numériques permettent aisément de faire de la photo de nuit, moyennant certains réglages. Photo: Bernard Leprohon, Nikon D5300, 17mm, F/2,8, 2,5 s., ISO 200

Les principaux réglages

Les réglages suggérés peuvent être adaptés pour créer des effets particuliers. Voici ce qui est communément recommandé.

Format

Le format RAW est à privilégier pour la photo de nuit parce qu’il permet d’enregistrer toute l’information du capteur. Cela vaut le coup, même si les photos sont plus «lourdes» et que cela requiert un logiciel de développement (p. ex., Lightroom) pour exporter dans un format plus facile à partager.

Mode

Pour conserver l’ambiance nocturne de la scène, choisissez le mode manuel, qui vous permet de contrôler l’exposition et le temps de pose.

Même en mode manuel, votre appareil vous guide pour le choix du temps de pose. D’abord, fixez l’ouverture. Puis, en appuyant légèrement sur le déclencheur, activez la cellule du boîtier pour visualiser l’indicateur de durée d’exposition. Il est souvent nécessaire de sous-exposer d’un stop (-1 sur l’échelle apparaissant sur l’écran LCD arrière) pour garder l’ambiance nocturne et éviter un ciel délavé. Il est recommandé de faire plusieurs clichés avec des expositions variées pour obtenir le rendu souhaité.

Le temps de pose peut être long et même très long: des secondes ou même des minutes. Les temps de pose longs permettent de faire des filés des plans d’eau, donnant une douceur aux scènes de nuit. C’est pour cela qu’un déclencheur à distance s’avère nécessaire.

Au-delà de 30 secondes, les boîtiers offrent:

  • le mode «Bulb»: l’obturateur reste ouvert tant que vous appuyez sur le déclencheur;
  • le mode «Time»: l’obturateur s’ouvre au moment du déclenchement et reste ouvert jusqu’à ce que vous appuyiez à nouveau sur le déclencheur.
Pour conserver l’ambiance nocturne de la scène, choisissez le mode manuel, qui vous permet de contrôler l’exposition et le temps de pose. Photo: Richard Basque, Nikon D7500, 30 mm, F/8, 4 s., ISO 125

Ouverture et profondeur de champ

Optez pour une petite ouverture (p. ex., f/22) pour obtenir une grande profondeur de champ et avoir une netteté étendue ou un joli effet d’étoile des points lumineux (p. ex., les lampadaires).

Avec une grande ouverture (p. ex., f/1,8), vous aurez une faible profondeur de champ pour un sujet net et un arrière-plan flou des éclairages (effet bokeh).

Sensibilité ISO

La montée de l’ISO amène un bruit numérique (c’est-à-dire un effet granuleux ou des taches de couleurs). Lorsque le sujet est statique, optez pour un ISO de 100 ou 200 en augmentant la durée de l’exposition en conséquence. Si le sujet est en mouvement, et pour le figer, vous devrez vous résoudre à augmenter la sensibilité à 1600 ou 3200 (cependant, les capteurs récents réduisent de beaucoup la présence de bruit).

Balance des blancs

Vous aurez à composer avec plusieurs sources de lumière: le crépuscule (naturelle), les lampadaires (artificielle-incandescente). La plupart du temps, le réglage automatique s’acquittera fort bien de la tâche et il sera possible d’ajuster l’ambiance à la postproduction (photos RAW). En présence de lampadaires seuls, réglez la balance des blancs à incandescente / tungstène.

Mesure de la lumière

Le réglage à «Matricielle» permet au capteur de prendre en compte l’ensemble de la scène.

Réduction du bruit

Activez la réduction du bruit par votre boîtier: les appareils numériques font généralement un bon travail. Notez que le processus de réduction du bruit (localisé principalement dans les zones d’ombre) peut durer aussi longtemps que l’exposition elle-même (c’est-à-dire plusieurs secondes/minutes).

Mise au point

En situation de faible éclairage, l’autofocus (AF) aura de la difficulté à détecter les sujets; vous devrez alors passer en mode manuel. Le «Live View» sur l’écran LCD arrière vous aidera à faire la mise au point si vous utilisez le bouton zoom. Autre option, mettre l’autofocus à «One-shot / Point sélectif» et choisir le collimateur le mieux placé.

Finalement, il est préférable de désactiver la stabilisation si vous utilisez un trépied: lors de pose longue, le stabilisateur peut créer de la vibration.

Sujets privilégiés

Certaines scènes sont particulièrement intéressantes lorsque le soleil disparaît.

L’heure bleue (crépuscule)

Il s’agit des dernières lueurs d’une «lumière du jour», mêlée aux lumières artificielles (quelques dizaines de minutes pendant lesquelles le soleil est couché et la nuit commence à tomber). Le ciel encore bleu est très esthétique: les silhouettes noires se profilent sur un ciel bleu dégradé.

La ville

Les sujets, banals le jour, prennent un tout autre aspect la nuit venue, comme le «skyline» d’une ville (p. ex., Montréal, port et centre-ville).

Les sujets, banals le jour, prennent un tout autre aspect la nuit venue. Photo: Pierre Deslières, Nikon D5300, 22 mm, F/6,3, 1/15 s., ISO 3200

La texture de la chaussée, les reflets des lampadaires, les formes, les couleurs, les matériaux de la ville moderne offrent des images graphiques (p. ex., la Biosphère, les tours de bureaux illuminées). L’éclairage artificiel change complètement notre perception des structures.

Le filé des voitures à partir d’un point de vue dominant une route est un classique à revisiter. Les plans d’eau en pose longue offrent des reflets très esthétiques.

Pour garder l’atmosphère mystérieuse, la présence humaine est souvent à exclure. Les lieux touristiques après le départ des touristes prennent une tout autre allure.

Light painting

Le «light painting», c’est «peindre» littéralement avec la lumière. Vous pouvez expérimenter cette technique pour éclairer une scène ou dessiner des «traces» avec une source lumineuse pour des effets plus abstraits.

La technique consiste à balayer l’avant-plan avec le faisceau lumineux de votre lampe de poche comme si vous peinturiez. Chaque balayage ajoutera une couche de lumière, donc augmentera la luminosité. À l’inverse, pour des traits colorés, votre source lumineuse doit apparaître directement devant l’appareil photo.

Postproduction

En postproduction, il y a beaucoup de possibilités de donner à vos photos l’ambiance que vous souhaitez.

En couleur, les principaux réglages se situent au niveau de la balance des blancs, de l’exposition (blancs, noirs, tons clairs, tons foncés), des détails, de la netteté.

Vous voudrez peut-être transformer la photo vers le noir et blanc pour mettre en relief les textures, les formes, les contrastes (voir l’article Faire de la photo noir et blanc… et 255 nuances de gris).

Vous voudrez peut-être transformer la photo vers le noir et blanc pour mettre en relief les textures, les formes, les contrastes. Photo: Richard Basque, Nikon D5200, 20 mm, F/8, 6 s., ISO 200

Vous le constatez, la photo de nuit vous offre une toute nouvelle perspective du paysage urbain, une exploration du réel imprégné de mystère et une mise en valeur de détails jusque-là passés inaperçus. Alors, plongez dans la nuit et découvrez-y un nouveau visage de la réalité!

Références (parmi d’autres)

Il existe une foule de livres ou de sites que vous pouvez consulter pour parfaire vos connaissances; en voici quelques-uns:

À propos de l’auteur et des contributeurs

Pierre Deslières est un amateur de photographie, membre du Club Photo Évasion de Saint-Bruno-de-Montarville.

Bernard Leprohon et Richard Basque, qui ont gracieusement fourni des photos, sont aussi membres du Club Photo Évasion de Saint-Bruno-de-Montarville.