Photo: Armour Landry, Bibliothèque et archives nationales du Québec

Sept-Îles: l’hôtel de ville de la discorde

Alors que l’hôtel de ville de Sept-Îles semblait promis aux bulldozers le mois dernier, l’abandon d’un projet d’agrandissement du stationnement de l’hôpital local pourrait finalement entrainer la préservation de cet édifice d’une valeur patrimoniale supérieure. Retour sur un débat architectural plein de rebondissements.


Une lutte contre un… stationnement

L’avenir de l’hôtel de ville de Sept-Îles fait parler depuis 2019. Un technicien en architecture à la retraite sonnait l’alarme par rapport au fait que la ville considérait démolir ce bâtiment commandé en 1959 aux architectes Affleck, Desbarats, Dimakopoulos, Lebensold, Michaud et Sise, qui ont notamment posé leurs signatures sur des édifices comme la Place Ville Marie et la Place des Arts à Montréal.

La ville souhaitait faire d’une pierre deux coups: vendre son terrain au CISSS de la Côte-Nord pour qu’il agrandisse le stationnement extérieur de l’hôpital, et construire un nouvel hôtel de ville plutôt que de rénover l’ancien.

La question a fait couler beaucoup d’encre depuis. La fondatrice du Centre canadien d’architecture, Phyllis Lambert, est notamment venue à la défense de l’édifice, et la ville a commandé quelques mois plus tard une étude sur la valeur patrimoniale de l’hôtel de ville.

L’étude déposée au printemps 2020 a été rendue publique en décembre. Même si cette dernière évalue que l’hôtel de ville est d’«une valeur patrimoniale supérieure», le conseil municipal de Sept-Îles ne lui a pas attribué de statut patrimonial lors d’un vote tenu en janvier, et le maire de Sept-Îles a annoncé son intention d’aller de l’avant avec son projet de construction d’un nouvel hôtel de ville.

Coup de théâtre: le plan annoncé ces dernières semaines pourrait finalement tomber à l’eau. Le CISSS de la Côte-Nord a en effet dévoilé dimanche son intention de ne pas acheter le terrain de l’hôtel de ville, mais de construire un stationnement à étages pour l’hôpital de Sept-Îles. L’hôtel de ville n’est pas encore sauvé, mais sa destruction n’est plus inéluctable.

Photo: Google Maps

Un bâtiment à l’image de son époque

Inauguré en février 1961, l'hôtel de ville est un exemple d’architecture moderne, comme le sont la Place Ville Marie et le Westmount Square à Montréal, ou encore l’hôtel de ville de Val-d’Or.

«L’hôtel de ville de Sept-Îles est représentatif de ce courant par son toit plat sans corniche et son esthétique sobre qui réside surtout dans l’utilisation de murs-rideaux, les jeux de volumes, dans la composition des ouvertures et dans l’utilisation des matériaux de prédilection de la modernité (béton, acier et aluminium, verre). L’hôtel de ville présente une volumétrie franche et épurée dictée par les préceptes modernes et fait ainsi appel au développement technologique, à la mise en œuvre des matériaux industrialisés et aux nouvelles méthodes de construction pour exprimer l’émergence d’une ville nouvelle projetée vers l’avenir», note à ce sujet l’étude patrimoniale de l’hôtel de ville de Sept-Îles.

Notons qu’à l’époque, le bâtiment était en fait un centre civique, abritant aussi une place publique, une bibliothèque municipale, un poste de police et un poste de pompiers.

Photo: Mario Dufour, Facebook

Quel avenir pour l’hôtel de ville?

Malheureusement, les modifications apportées à l’édifice et le temps n’ont pas été cléments envers l’hôtel de ville. «L’immeuble a souffert de plusieurs modifications effectuées dans les 60 dernières années», note l’étude patrimoniale, ajoutant aussi qu’«au niveau de son état physique, l’immeuble a atteint la fin de sa vie utile en vertu des normes actuelles». Même s’il ne sera pas transformé en stationnement pour l’hôpital, le statu quo ne sera pas une option.

Pour la firme Patri-Arch, qui a rédigé le rapport patrimonial, l’option idéale serait de conserver, restaurer et réhabiliter l’immeuble, et que sa fonction initiale d’hôtel de ville soit préservée.

Le rapport offre aussi d’autres options moins coûteuses: rénover l’hôtel de ville, recycler le bâtiment à d’autres fins publiques et démolir partiellement le bâtiment, afin de ne conserver que la partie principale dotée du mur-rideau, par exemple. La ville pourrait aussi décider de démolir complètement le bâtiment, ce qui entrainerait toutefois «une perte importante d’un élément du patrimoine moderne de Sept-Îles».