Impulsion au Quartier des spectacles en 2015-2016. Photo: Ulysse Lemerise
21 février 2017Auteure : Emilie Laperrière

Ludification: quand la ville devient un terrain de jeu

Quelles sont les meilleures façons d’animer les espaces publics et de favoriser les interactions entre les citoyens? Le 10 février dernier, créateurs, urbanistes et chercheurs se sont donné rendez-vous à Montréal pour le colloque «Ludifier la ville», organisé par le Partenariat du Quartier des spectacles en collaboration avec l'Université du Québec à Montréal.



D’ici 2050, 70% de la population mondiale vivra en milieu urbain. Les villes ont donc tout intérêt à réfléchir à de nouvelles manières d’encourager le vivre-ensemble. Et si le jeu pouvait venir à leur rescousse?

La ludification (l’application des mécaniques du jeu à divers domaines pour inciter de façon ludique les utilisateurs à adopter un comportement souhaité, dixit le grand dictionnaire de l’Office québécois de la langue française) pourrait notamment permettre de favoriser les rencontres et les échanges entre citadins, tout en améliorant les services publics offerts.

Des exemples bien montréalais

Dans ce domaine, Montréal a attiré l’attention partout dans le monde avec quelques projets innovants. C’est le cas des 21 balançoires du Quartier des spectacles créées par Daily tous les jours. Plus récemment, l’installation interactive lumineuse Loop a aussi fait jaser.

Au cours des dernières années, plusieurs œuvres du Quartier des spectacles ont d’ailleurs brillé à l’étranger. Les 30 bascules géantes qui formaient Impulsion se sont par exemple retrouvées à Bruxelles après un arrêt à Londres. Le champ de lumières Entre les rangs, lui, a séjourné dans l’agglomération française de Cergy-Pontoise.

Le festival Montréal en lumière (du 23 février au 11 mars) sera l’occasion de découvrir d’autres activités interactives. L’UQAM présentera notamment Instance, un circuit expérientiel réparti en cinq lieux dans le Quartier des spectacles.

Photo: Ulysse Lemerise.
Installation interactive lumineuse Loop au Quartier des spectacles. Photo: Ulysse Lemerise.

Bristol, une ville pionnière

Malgré les bons coups sur la feuille de route de la métropole, Bristol a tout de même une longueur d’avance. La municipalité britannique est celle qui a lancé l’idée de ville ludique au pays en 2012. Depuis, les habitants ont pu descendre une glissade d’eau de 95 mètres de long sur l’une des principales artères commerciales, converser par message texte avec un lampadaire et d’autres objets urbains ou encore partir à la chasse aux zombies au centre-ville.

Hilary O’Shaughnessy, productrice de Playable City, un organisme de Bristol qui place le jeu et les gens au cœur de la ville du futur, était présente au colloque montréalais. Selon elle, il n’y a pas de formule toute faite. La ludification est différente pour chaque ville et doit s’adapter à la culture. En plus d’encourager les projets novateurs à Bristol, son organisme a mis des initiatives en branle à Tokyo, à Lagos et à Recife. Au Nigéria, l’équipe essaie d’améliorer l’expérience des déplacements urbains, qui sont souvent très longs.

Le jeu pour améliorer les services publics

Le jeu peut parfois aussi être sérieux. À Oslo, l’application Traffic Agent, conçue comme un jeu, a permis aux autorités de rendre les passages piétonniers plus sécuritaires pour les enfants et de promouvoir la marche.

Pour améliorer le système d’autobus, Mexico a également misé sur un jeu. Mapatón CDMX a eu lieu l’an dernier pendant deux semaines. Plus de 3500 citoyens ont participé. Les joueurs accumulaient des points en montant à bord des autobus de la ville et en partageant leur positionnement GPS. Les trajets sont maintenant plus précis et les besoins en transport collectif, plus clairs.

Les résidents de La Nouvelle-Orléans ont quant à eux pu faire part de leurs priorités à l’administration municipale. Le jeu en ligne Big Easy Budget Game permettait de devenir maire d’un jour, le temps d’équilibrer le budget de 602 millions de dollars de la ville. Une idée amusante, qui a tout de même le mérite de comparer la façon dont les citoyens veulent dépenser leur argent avec les ambitions des élus.

Même l’escalier-piano de Stockholm visait un objectif on ne peut plus sérieux: encourager les gens à prendre les marches plutôt que l’escalier roulant ou l’ascenseur.

Les projets ludiques font d’abord sourire, mais ils permettent en plus de se rapprocher des voisins, d’augmenter le sentiment de sécurité et de régler certains problèmes municipaux. Alors, on joue?