Michel Dallaire fait son entrée au Musée de la civilisation

Dallaire. Michel Dallaire. Ce nom vous dit quelque chose? Peut-être pas. Pourtant, vous le connaissez. Ou du moins vous connaissez, pour les avoir vues ou utilisées, ses créations.



Michel Dallaire est un designer industriel québécois. Parmi ses créations les plus connues: la torche officielle des Jeux olympiques de Montréal et le BIXI, système de vélos en libre-service de la Ville de Montréal.

La carrière de Michel Dallaire est fascinante. Tout comme l’homme lui-même. Et même si ce dernier affirme que «le design industriel suscite rarement l’intérêt du public», le Musée de la civilisation lui consacre une exposition. Parallèlement, les éditions du passage publient la première monographie sur ce pionnier du design industriel au Québec. De quoi susciter l’intérêt du public!

Page couverture de la monographie Michel Dallaire. De l'idée à l'objet.
Page couverture de la monographie «Michel Dallaire. De l'idée à l'objet». Les éditions du passage.

Une histoire de séduction

«Mon rôle est de créer une surprise. Sans surprise, il n’y a pas de séduction. Et sans séduction, il n’y a pas de vente.» C’est ainsi que Michel Dallaire résume le principe directeur qui l’a guidé dans la réalisation de ses nombreux projets. Son approche minimaliste, puisant dans la très grande simplicité, séduit depuis 50 ans.

Mais au-delà de l’objet, c’est Michel Dallaire même qui plait. Sympathique, drôle, généreux, attentionné, reconnaissant… autant de qualificatifs pour décrire cet homme de bon goût. Le rencontrer, c’est tomber sous le charme et avoir envie d’explorer son œuvre, son histoire et ses idées. Il n’y a pas de doute que la personnalité de cet homme sans prétention a joué un rôle dans sa popularité, dans son succès.

Un pot de yogourt est-il beau, voire même séduisant? Une bouteille d’eau de Javel ou un rasoir sont-ils des objets de design? Tout à fait! Commande prestigieuse ou humble objet du quotidien, la méthode Dallaire ne varie pas. Primauté de l'aspect pratique, sensualité des formes et facilité de manipulation, mise en marché adéquate, coûts de production réalistes. Et comme toujours avec lui, le souci de créer des objets que le consommateur aura envie d’acheter n’est jamais loin. Pot de yogourt En 2009, Aliments Ultima bouscule les codes dans le secteur de l'emballage grâce à un pot de yogourt révolutionnaire conçu par Michel Dallaire. Avec sa forme oblongue plutôt que ronde et sa meilleure emprise au niveau ergonomique, ce contenant se fait rapidement une place sur les tablettes de tous les supermarchés. Nouveauté pour l’étalage, les contenants s'alignent naturellement, sans besoin d'être orientés comme les emballages cylindriques.
Un pot de yogourt est-il beau, voire même séduisant? Tout à fait! En 2009, Aliments Ultima bouscule les codes dans le secteur de l'emballage grâce à un pot de yogourt révolutionnaire conçu par Michel Dallaire. Avec sa forme oblongue plutôt que ronde et sa meilleure emprise au niveau ergonomique, ce contenant se fait rapidement une place sur les tablettes de tous les supermarchés. Nouveauté pour l’étalage, les contenants s'alignent naturellement, sans besoin d'être orientés comme les emballages cylindriques.

Au bon moment au bon endroit

Après des études en Suède, Dallaire revient à Montréal. Il a alors 24 ans. Le Québec est en pleine effervescence de l’exposition universelle. «Je suis chanceux d’être arrivé au bon moment», dit-il, reconnaissant. Il crée, pour le pavillon thématique L’Homme et la vie, une représentation tridimensionnelle animée du cerveau humain, grossi cinquante fois. Un succès remarqué. En même temps, il conçoit le mobilier d’une suite d’Habitat 67. Bois, cuir, simplicité et fonctionnalité: le style Dallaire, inspiré du design scandinave, est déjà bien défini.

Après quelques années de vache maigre, Dallaire revient en force grâce aux Jeux olympiques de Montréal, en 1976. Nommé «Responsable du design des installations légères sur le site olympique», il s’occupe notamment de l’ameublement des résidences pour athlètes du village olympique. Lits banquettes et lits estrades disposés en L l’un sous l’autre avec rangement intégré, penderies ouvertes favorisant l’aération des vêtements et servant de cloisons… tout est soigneusement réfléchi. On est dans le style Ikea avant même l’apparition de ce géant du design. Nul doute que Dallaire aurait un succès fou s’il se mettait au design de mini-maisons!

Photo tirée du livre «Michel Dallaire. De l'idée à l'objet». Les éditions du passage. Pages 100-101
Photo tirée du livre «Michel Dallaire. De l'idée à l'objet». Les éditions du passage. Pages 100-101

La plus grande réussite personnelle

Les Jeux olympiques de Montréal donnent également la chance à Michel Dallaire de concevoir l’objet dont il est aujourd’hui le plus fier: la torche officielle des Jeux.

Comme c’est le cas pour tous ses projets, l’idée derrière l’objet semble s’imposer d’elle-même. Des souvenirs d’enfance, des œuvres d’art, des objets du quotidien… les sources d’inspiration sont grandes et guident le designer.

Pour la torche olympique, Dallaire voulait mettre l’accent sur la flamme, non sur l’objet. En analysant les huit précédentes torches, le designer cible des problématiques qu’il souhaite enrayer. Le butane utilisé comme combustible à Munich rend la flamme invisible en plein jour, sur le bleu du ciel, tandis que le kérosène et le phosphore utilisés à Mexico et Tokyo ont causé de nombreuses brûlures. Quel combustible pourrait bien être utilisé pour obtenir une flamme visible en plein soleil, sécuritaire, et qui ne s’éteint pas pendant le parcours?

C’est dans le souvenir d’un choc ressenti à l’âge de 10 ans que Dallaire puise son idée, sa solution. «Il y avait un chaudron d’huile d’olive sur le four, pour faire des frites, et j’y avais lancé des pommes de terre encore mouillées. La réaction de l’eau et de l’huile bouillante a provoqué une explosion orangé intense et brillant. C’était grandiose», raconte-t-il. De quoi sera alimentée la torche de Montréal? D’huile d’olive! Mélangée avec de l'heptane et du nitropropane, le mélange est parfait. La flamme est parfaite.

Pour le design même de l’objet, Dallaire puise encore dans ses souvenirs de jeunesse. «Quand j’étais adolescent, on trempait des quenouilles dans le réservoir de l’automobile, puis on y mettait le feu» (1). La forme épurée de la torche rappelle donc celle d’une quenouille.

La torche officielle des Jeux olympiques de Montréal, 1976. Photo: François Brunelle
La torche officielle des Jeux olympiques de Montréal. Photo: François Brunelle

De nombreux autres succès

La torche officielle des Jeux olympiques de Montréal n’est qu’un exemple de l’ingéniosité de Michel Dallaire. Les succès, autant personnels que commerciaux, ont jalonné sa carrière. On n’a qu’à penser au support à skis pour voitures SportRack (1 800 000 vendus en Amérique du Nord et en Europe), à la mallette en plastique colorée L'Attaché (vendue à plus de 15 millions d’exemplaires à travers le monde depuis 35 ans), au système de vélos en libre-service BIXI (vendu dans 25 villes à travers le monde), ou encore aux pots de yogourt que vous retrouvez aujourd’hui en épiceries.

Dallaire fait appel au talent et aux entreprises québécoises pour réaliser ses objets. Il se fait d’ailleurs une fierté de dire que tout est local et qu’il s’associe toujours aux «plus meilleurs».

Pour découvrir toute la richesse et le talent de ce designer industriel québécois, rendez-vous au Musée de la civilisation de Québec pour l’exposition Dallaire. De l’idée à l’objet, présentée jusqu’au 28 août 2018. On ne saurait trop vous recommander d’accompagner votre visite de la lecture du beau-livre Michel Dallaire. De l’idée à l’objet, un complément indispensable pour bien saisir le personnage et apprécier pleinement l’exposition qui lui est consacrée.

Mallette L'Attaché par Michel Dallaire. Photo: François Brunelle
Mallette L'Attaché par Michel Dallaire. Photo: François Brunelle

(1) Michel Dallaire. De l’idée à l’objet. Éditions du passage 2017. Page 111.