Les archives photographiques Notman à l’UNESCO
Au mois d’août dernier, les archives photographiques Notman conservées au Musée McCord Stewart ont eu l’honneur d’être inscrites au Registre de la Mémoire du monde du Canada de l’UNESCO.
Vous avez certainement déjà vu des photos du studio de photographie Notman, que ce soit dans nos galeries historiques ou sur des cartes postales d’époque. Certaines de ces précieuses images ont peut-être même forgé l’idée que vous vous faites du XIXe siècle à Montréal et dans le reste du Canada.
La riche collection, qui comprend plus de 400 000 photographies datant de 1856 à 1935, est conservée au Musée McCord Stewart. Au mois d’août dernier, elle a accédé au prestigieux Registre de la Mémoire du monde du Canada de la Commission canadienne pour l’UNESCO, un organisme visant à sensibiliser le public à l’importance de la préservation du patrimoine documentaire en tant que mémoire de l’humanité.
Cet honneur amplement mérité reconnaît le rigoureux travail de conservation et de numérisation du Musée McCord Stewart, qui veille sur la collection depuis 1956. «L’inscription au Registre donne une visibilité incroyable à la collection, qui est déjà très accessible au public, notamment grâce aux quelque 67 000 photos numérisées sur le site Web du Musée», se réjouit Hélène Samson, conservatrice, Photographie au Musée McCord Stewart depuis treize ans.
Notman, photographe et entrepreneur visionnaire
Né à Paisley, en Écosse, William Notman s’exile à Montréal en 1856 à la suite d’une grave crise économique qui accule l’entreprise de son père à la faillite. Passionné de photographie, il lance son studio peu après son arrivée et reçoit la commande de documenter la construction du pont Victoria, qui sera inauguré en 1860 par le prince de Galles. Ce dernier repart en Angleterre avec une boîte de photographies du talentueux photographe. Cette commande aurait valu à Notman le titre de «Photographe de la reine» (même s’il n’a jamais photographié Sa Majesté).
Au cours des années suivantes, le studio Notman connait un franc succès. En 1876, l’entreprise emploie 58 personnes à Montréal et produit plus de 14 000 photos par année.
Sa réputation ne tarde pas à dépasser les frontières canadiennes, notamment aux États-Unis, où l’on compte 19 studios associés. Il est de bon ton d’immortaliser son portrait chez Notman, à l’instar de grandes personnalités telles que John A. Macdonald, Louis-Joseph Papineau, Sitting Bull et Buffalo Bill.
«William Notman avait une vision d’avant-garde et a pris de bonnes décisions. Par exemple, au lieu d’utiliser le procédé photographique daguerréotype très populaire à l’époque, il a opté pour des photos que l’on peut reproduire, pressentant l’importance de l’impression pour les journaux», nous explique Hélène Samson.
Bien avant l’ère de Photoshop, Notman retouchait une grande partie des photos du studio pour ajouter des couleurs, enlever des imperfections, blanchir les dents, rendre les yeux plus lumineux, etc.
Soucieux de la qualité graphique, il engagea plusieurs peintres reconnus tels que Cornelius Krieghoff, Henry Sandham et John Arthur Fraser pour créer des œuvres composites uniques. Il explora même l’image 3D bien avant l’heure grâce au procédé de stéréographie.
«Il avait une vision de la photographie en tant qu’art, mais aussi en tant que chronique de la vie quotidienne de son pays d’adoption», souligne la conservatrice.
Les photographes du studio ont parcouru le pays d’un océan à l’autre pour immortaliser les plus beaux paysages, les scènes de rue, les modes de vie des Premières Nations et les progrès technologiques.
Mon pays, c’est l’hiver
Symbole par excellence de la singularité canadienne, l’hiver occupe une place prépondérante dans ses œuvres. Il recréait littéralement des scènes hivernales à l’intérieur par diverses méthodes, notamment en ajoutant de la laine de mouton pour des décors de neige, du gros sel sur les vêtements, des feuilles de zinc pour la glace, ou en saupoudrant les négatifs pour créer un effet de poudrerie.
À une époque où les photos de groupe constituaient un véritable défi en raison du temps d’exposition nécessaire, le studio Notman est également reconnu pour ses montages photographiques: des photos individuelles ou en petit groupe étaient collées sur des fonds peints et photographiées à nouveau.
Très engagé au sein de la communauté artistique et l’élite montréalaise, Notman compte parmi les membres fondateurs de l’Art Association of Montreal, qui sera à l’origine du futur Musée des beaux-arts de Montréal.
À sa mort, en 1891, deux de ses fils, William McFarlane et Charles Frederick, poursuivent son œuvre jusqu’à la vente de l’entreprise à l’Associated Screen News en 1935. Les archives des studios Notman seront ensuite acquises par l’Université McGill au milieu des années 1950 et confiées au Musée McCord.
«Grâce à diverses subventions, nous poursuivons le chantier de numérisation tout en assurant la conservation de ce joyau de l’histoire selon les règles de l’art. Il y a même une boîte de bois qui n’a pas encore été ouverte parce qu’elle contient de grands négatifs qui sont stables, en attendant les infrastructures nécessaires», nous confie Hélène Samson, gardienne de ce trésor inestimable.
Beau clin d’œil à l’esprit innovateur du photographe, la résidence principale de William Notman, située sur la rue Sherbrooke, abrite aujourd’hui une pépinière d’entrepreneurs et d’investisseurs de startups montréalaises.