Éditorial

Auteur(e)

Jean-Benoît Nadeau

Chroniqueur au Devoir et collaborateur au magazine L’actualité, Jean-Benoît Nadeau a publié plus de 1 000 reportages et chroniques, remporté deux douzaines de prix journalistiques et littéraires, signé huit livres, vécu dans trois pays, élevé deux enfants et marié une seule femme.

Dites-leur de voter

À une semaine des élections générales du Québec, alors que se termine le vote par anticipation, il est crucial que chaque Québécois passe le message à son entourage: allez voter. Dites-le à vos enfants, à vos amis, à votre parenté, à vos voisins. Il faut que tous les électeurs inscrits se déplacent au bureau de scrutin et exercent leur droit de vote. La démocratie n’est jamais autant en santé que lorsque tous les électeurs se prévalent de ce droit fondamental et déposent leur bulletin de vote, qui exprime leur position réelle.



Parce que la démocratie, ce n’est pas qu’une question de qualité du gouvernement et de la justice. La démocratie, c’est d’abord le droit de vote universel, obtenu de haute lutte. Il fut un temps où seuls pouvaient voter certains hommes: ceux qui avaient de la propriété. Ce droit a été d’abord étendu à tous les hommes, puis aux Québécoises – en 1940. Le vote des femmes à l’élection québécoise s’est exercé pour la première fois lors de l’élection de 1944. Plusieurs aînés se rappellent encore cette époque pas si lointaine.

Nous vivons actuellement une époque charnière où nos élus devront prendre des décisions importantes en matière d’environnement, de santé, d’éducation, d’économie, de programmes sociaux. Ces décisions, mais aussi celles qui ne se prendront pas, engageront le Québec pour longtemps.

C’est d’autant plus significatif que le Québec traverse une période de recomposition politique. Depuis 20 ans, la vie politique se réorganise. Cinq partis capables d’aligner 125 candidats dans 125 circonscriptions, c’est du jamais vu. D’autant que trois de ces partis étaient inexistants (ou marginaux) il y a 25 ans.

Cela montre que la société québécoise est loin d’être statique et qu’elle est capable de sortir du vieux cadre fédéraliste/souverainiste qui a dominé la politique pendant 50 ans. Manifestement, les Québécois veulent autre chose. Quoi? Dites-le dans le seul sondage qui compte: le vote! 

Les Québécois n’ont jamais eu autant de choix, qui autorisent davantage de nuances d’opinion que jamais. Si aucun des choix ne vous satisfait, votez blanc, mais allez voter! Photo: Element5 Digital, Unsplash

La vague abstentionniste

Bien des gens vont dire: «Pourquoi irais-je voter dans un système tordu qui donne une grosse majorité à un parti qui dépasse à peine le tiers du vote?» C’est parce que, justement, la CAQ, comme la plupart des gouvernements depuis 2003, surfe sur une vague abstentionniste, la plus forte en 90 ans.

La chose ressort très nettement quand on observe l’histoire du vote au Québec. Les Québécois, depuis 1931, exercent un très fort taux de participation, mais la tendance est à la baisse depuis 20 ans, et se renforce depuis quelques années.

Avant 1931, le Québec affichait des taux de participation en dents de scie. En 1919, c’était aussi peu que 27,3%. Pour remonter à 57,4% quatre ans plus tard.

Ces variations s’expliquaient par l’absence d’opposition. En 1919, année record, 45 députés étaient élus sans opposition – sur 81 circonscriptions. Cette «coutume» a cessé en 1931, année où toutes les circonscriptions avaient au moins deux candidats. Et que voit-on alors? Le taux de participation bondit de 56 à 77%.

Jusqu’en 2003, ce taux de participation restera toujours au-dessus de 75%, sauf en 1944, 1966 et 1989. En 1970, il bondit à 84,2% pour atteindre le sommet de 85,3% en 1976, mais il sera au-dessus des 80% en 1973, 1981 et 1994.

Cette performance est d’autant plus remarquable que le scrutin québécois est libre, contrairement à des pays comme la Belgique ou l’Australie, où le vote est obligatoire – les citoyens non inscrits ou qui ne se rendent pas aux urnes sont passibles d’amende.

Au Québec, une première cassure survient en 2003, alors que le taux tombe à 70,4%. Depuis, il n’est plus remonté au-dessus de 75%. En 2008, la participation s’effondre à 57,4% pour remonter ensuite à 74% en 2012. Mais depuis, c’est reparti à la baisse: 71% en 2014 et 66,5% en 2018. Ce qui nous rapproche des eaux de 1927.

Quand on se compare à l’Ontario, on se console: depuis le sommet de 85% aux élections provinciales ontariennes de 1919, le taux de participation des Ontariens est de 10 à 20% inférieur à celui des Québécois. les Ontariens votent de 10 à 20 points de pourcentage de moins aux élections provinciales que les Québécois. Depuis 15 ans, on y fracasse même des records de non-participation: un taux de participation de seulement 48% en 2011, et un désastreux 43% en 2022.

Les Québécois sont nettement plus attachés à leur gouvernement provincial, sans doute à cause de l’importance des enjeux. Le foisonnement actuel des partis en est une autre manifestation.

Les Québécois n’ont jamais eu autant de choix, qui autorisent davantage de nuances d’opinion que jamais. Si aucun des choix ne vous satisfait, votez blanc, mais allez voter!

 

Éditorial

Auteur(e)

Jean-Benoît Nadeau

Chroniqueur au Devoir et collaborateur au magazine L’actualité, Jean-Benoît Nadeau a publié plus de 1 000 reportages et chroniques, remporté deux douzaines de prix journalistiques et littéraires, signé huit livres, vécu dans trois pays, élevé deux enfants et marié une seule femme.