Éditorial

Auteur(e)

Jean-Benoît Nadeau

Chroniqueur au Devoir et collaborateur au magazine L’actualité, Jean-Benoît Nadeau a publié plus de 1 000 reportages et chroniques, remporté deux douzaines de prix journalistiques et littéraires, signé huit livres, vécu dans trois pays, élevé deux enfants et marié une seule femme.

Changements climatiques: la fin de l’hiver canadien

Il est heureux que le Canada soit sorti de son long hiver écologiste tout juste avant la conférence de Paris sur les changements climatiques, qui se déroulera jusqu’au 11 décembre.

Déjà, l’élection de Justin Trudeau a sorti le Canada du déni environnemental dans lequel il était plongé depuis dix ans. Après une première conférence intergouvernementale, Justin Trudeau débarque à Paris avec une délégation résolue, réunissant plusieurs premiers ministres et maires de grandes villes, dont Philippe Couillard et Denis Coderre. Et il annonce une enveloppe de 2,6 milliards de dollars sur cinq ans pour aider les pays en développement à réaliser la transition énergétique.

Non seulement le Canada est-il sorti d’une trop longue hibernation, mais il est redevenu exemplaire. Après tout, c’est le Canadien, Maurice Strong – décédé le 28 novembre à quatre-vingt-six ans –, qui a dirigé la première conférence des Nations Unies sur l’environnement à Stockholm en 1972 et le sommet de la Terre de Rio vingt ans plus tard.

C’est à la conférence de Stockholm que fut inventée la «diplomatie environnementale» et que s’imposa cette idée révolutionnaire: personne ne vit dans une bulle; l’humanité tout entière affecte TOUT l’environnement de la planète.

Vingt-trois ans après le sommet de Rio, qui fut le premier à cibler les gaz à effet de serre, les géologues désignent même l’ère actuelle comme l’«anthropocène», parce que l’action humaine est devenue non seulement visible de l’espace, mais elle constitue maintenant une force géologique capable de marquer le globe.

Photo: Facebook
Les chefs d'État réunis lors de la première journée de la Conférence sur les Changements Climatiques 2015. Photo: Facebook

Bien qu’elle soit très ambitieuse, la COP21 a plus de chance de réussir que celle de Copenhague, tenue en 2009 et qui fut un ratage complet. La France, qui la prépare depuis trois ans, a mis toute la force de son immense appareil diplomatique derrière cet objectif. Les Français, qui s’y connaissent en protocole, ont aussi fait en sorte que les 195 chefs d’État soient présents au jour 1. Ils annonceront ainsi, chacun leur tour, leurs intentions et leurs engagements. Ainsi, leurs équipes de négociateurs ne pourront plus se défiler puisque chaque patron aura annoncé ses couleurs.

De plus, les Français ont élargi la COP21 au secteur énergétique plutôt que de la restreindre aux seuls écologistes – à l’image de Ségolène Royal, qui est à la fois ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie.

Selon Marie-José Nadeau, la présidente du Conseil mondial de l’énergie, et ancienne vice-présidente d’Hydro-Québec, ce serait même une première. Lors des vingt précédentes conférences sur les changements climatiques, le secteur énergétique n’avait jamais été le bienvenu, alors qu’il est responsable des deux tiers des émissions de gaz à effet de serre.

Qu’on y songe: désormais, même l’industrie pétrolière réclame une taxation sur le carbone, chose impensable il y a dix ans. En ce sens, la COP21, même si elle ne parvient pas à un traité contraignant, aura déjà atteint une de ses principales cibles. Comme le laisse entendre l’ingénieur et environnementaliste Jean-Marc Jancovici, le plus grand danger qui menace les politiques environnementales, c’est le piège de la pensée magique.

Bienvenue au pragmatisme! Le pragmatisme a le mérite d’offrir des solutions applicables, mais il a le défaut de susciter bien des remises en question, car il pose la question de la responsabilité. Veut-on réellement des résultats?

En la matière, les Québécois ont encore bien des croûtes à manger. Certes, le Québec est exemplaire – superficiellement. Alors que seulement 7% du potentiel hydroélectrique mondial est développé, l’hydroélectricité québécoise produit 97% de l’électricité consommée ici. C’est une énergie non seulement sans émissions de carbone, mais surtout renouvelable.

Mais les Québécois n’ont pas de quoi se péter les bretelles, car ils demeurent l’un des peuples les plus énergivores de la planète, et les hivers rigoureux ne sont pas seuls en cause.

Le gouvernement québécois aime bien invoquer le gadget suprême de «l’électrification des transports», mais encore faudrait-il sortir les transports collectifs terrestres – bus, métro, train, autocars – de l’indigence où on les tient. Si la consommation énergétique des pays européens est bien moindre que la nôtre en proportion du PIB, c’est d’abord parce ces pays ont des politiques de transport collectif musclées.

Le pragmatisme suppose même qu’on doive se poser des questions sur certains «acquis». La nécessité du recyclage semble une évidence, mais a-t-il pour effet de nous faire consommer plus? Est-il logique de forcer le recyclage à domicile, mais pas le recyclage commercial? À quelle condition une telle politique peut-elle réussir, et le souhaitons-nous réellement?

Non, la prise de conscience environnementale n’a pas fini de forcer les remises en question.

 

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Jean-Benoît Nadeau

Chroniqueur au Devoir et collaborateur au magazine L’actualité, Jean-Benoît Nadeau a publié plus de 1 000 reportages et chroniques, remporté deux douzaines de prix journalistiques et littéraires, signé huit livres, vécu dans trois pays, élevé deux enfants et marié une seule femme.