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Fraudes envers les 55 ans+ …tout ce que vous devriez savoir!

Au cours des années 2010, la Sûreté du Québec et des organismes comme le Réseau FADOQ ont lancé des initiatives pour sensibiliser les aînés au sujet des fraudes et les outiller pour y faire face. Et pour cause! Selon les données du Centre antifraude du Canada, la fraude à l’égard des aînés et des personnes vulnérables est en nette augmentation au pays. En 2022, elle aurait causé chez ces victimes des pertes de quelque 9,2 millions $. Le Québec est l’une des provinces les plus touchées, avec des pertes de plus de 732 000$. Coup d’œil sur les fraudes les plus courantes et la façon de s’en protéger ou d’y réagir.



Disons-le d’emblée, si tant d’aînés tombent dans les pièges des fraudeurs, c’est que ces derniers sont nombreux et souvent difficiles à éviter. Même les plus aguerris peuvent se faire prendre. Car les fraudeurs sont très habiles. Ils parviennent à déjouer les afficheurs téléphoniques et à créer des sites internet en tous points semblables à ceux d’organisations connues. De plus, ils sont très gentils et agissent de manière très professionnelle. «Moi, j’ai entendu certains enregistrements et je pense que je me serais fait prendre», dit la sergente Stéphanie Deschênes, coordonnatrice locale en police communautaire à la Sûreté du Québec.

Et le Web est un terrain de prédilection. «Depuis la pandémie, les aînés sont de plus en plus branchés, dit Anne-Bianca Morissette, analyste à la direction de l’éducation financière de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Et les fraudeurs se sont adaptés.»

Si les fraudeurs visent particulièrement les personnes âgées, c’est qu’ils les considèrent comme étant des cibles de choix. «Ils présument qu’elles ont des sous, qu’elles sont isolées et qu’elles font facilement confiance à autrui, dit Mme Deschênes. Et le fait est que, même si les aînés sont très actifs sur internet, ils sont souvent peu informés des risques liés aux technologies.»

Les arnaques les plus courantes

Selon la Sûreté du Québec (SQ), trois fraudes font actuellement beaucoup de ravages, soit la fraude des grands-parents (appelée aussi fraude du petit-fils), la fraude du faux conseiller et la fraude amoureuse.

La fraude des grands-parents

Vous recevez un appel d’une personne qui se fait passer pour votre petit-fils (ou votre petite-fille) ou qui affirme appeler en son nom. Elle vous dit que votre petit-fils est dans une situation hasardeuse – il a eu un accident, il est détenu à l’étranger ou il doit être hospitalisé, par exemple – et que vous devez lui envoyer de l’argent. Vous devez agir vite et, surtout, n’avertir personne.

La fraude du faux conseiller

Un supposé représentant de votre institution financière vous contacte. Il y a un problème avec votre carte de débit, vous dit-il, et si vous ne l’aidez pas à rectifier la situation, vous risquez de ne plus avoir accès à votre argent. Après vous avoir demandé de dévoiler certains renseignements, dont votre numéro d’identification personnel (NIP), il envoie un messager chercher votre carte pour qu’elle puisse être réinitialisée. Dans certains cas, comme ceux dévoilés à la une de La Presse en décembre dernier, il peut aussi vous amener à faire vous-mêmes des retraits.

La fraude amoureuse

La fraude amoureuse, elle, se bâtit au fil des échanges que vous avez avec une personne que vous avez rencontrée en ligne et avec laquelle vous avez développé des affinités, voire une relation amoureuse virtuelle. Un jour, cette personne vous avoue qu’elle aimerait venir vous rencontrer, mais que cela lui est impossible, faute d’argent. Évidemment, si vous acceptiez de payer son billet d’avion, cela pourrait l’aider… Dans certains cas, elle vous demandera plutôt de l’argent pour soutenir un parent malade. Notons que, selon Julie Silveira, conseillère en programmes sociaux au Réseau FADOQ, la fraude amoureuse se classe au deuxième rang des types de fraude au Canada qui coûtent le plus cher aux victimes.

Dans le cas de ces trois arnaques, les fraudeurs jouent habilement avec les émotions de leur victime. Lorsqu’une intervention d’urgence est prétendument requise, ils la soumettent à énormément de stress, ce qui l’empêche de réfléchir. Et lors de la fraude amoureuse, ils comptent sur l’attachement et la confiance développés à leur égard. «Même si le fraudeur a des intentions malveillantes, la victime, elle, a développé des sentiments véritables», dit Mme Silveira.

La fraude marchande et la fraude à l’investissement

La Clinique de cyber-criminologie, une initiative d’étudiants et de professionnels de l’École de criminologie de l’Université de Montréal qui a vu le jour grâce au chercheur Benoît Dupont, titulaire de la Chaire de recherche du Canada en cybersécurité, pointe du doigt deux autres fraudes dont sont souvent victimes les 50 ans et plus: la fraude marchande et la fraude à l’investissement.

La fraude marchande

On annonce sur internet des produits susceptibles d’être convoités par les aînés, par exemple des produits de confort de bonne qualité qui seraient prétendument faits au Québec, comme des chaussures orthopédiques ou des vêtements chauds. «Les prétentions des fraudeurs sont, bien sûr, complètement fausses, dit Akim Laniel-Lanani, cofondateur de la Clinique de cyber-criminologie et directeur des opérations. Les produits qu’ils vendent proviennent d’Asie et sont de piètre qualité.»

La fraude à l’investissement

Une publicité ou une sollicitation affirme que les investisseurs qui optent pour un produit financier donné – généralement de la cryptomonnaie et parfois des produits négociés sur le FOREX (pour foreign exchange) – pourront obtenir des rendements impressionnants. La publicité dirige les curieux vers le site d’un faux conseiller financier où des articles journalistiques (faux, eux aussi) livrent le témoignage de personnalités connues (dont on a usurpé l’image à leur insu) qui affirment avoir bénéficié de cet investissement. Pour obtenir les rendements promis, il faut cliquer sur un lien, puis remplir un formulaire de contact.

Si vous le faites, un faux conseiller communiquera avec vous quelques jours plus tard. C’est alors que commencera une relation s’apparentant à une réelle relation conseiller-client. «Tout est mis en place pour que la personne, qui croit faire affaire avec un vrai conseiller sur une vraie plateforme de courtage, investisse de plus en plus sans se poser de questions», dit M. Laniel-Lanani. Il s’écoule généralement de deux à quatre mois avant que la victime se rende compte du stratagème. Elle a alors perdu beaucoup d’argent.

On s’en doute, les fraudes peuvent parfois prendre une allure un peu différente que celles que nous avons présentées, voire se jumeler. Ainsi, une personne rencontrée sur internet dans un but amoureux pourrait vous faire miroiter les avantages d’un investissement prometteur. Et une fraude à l’investissement pourrait être initiée par l’ami d’un ami ou par un professionnel en services financiers à l’éthique douteuse. En matière de fraude, les frontières sont floues et les possibilités sont infinies.

En matière de fraude, les frontières sont floues et les possibilités sont infinies. Photo: Depositphotos

Aîné-Avisé et autres sources d’information

Vous voulez être en mesure de reconnaître les fraudes et de les contourner? De nombreuses ressources et informations sont accessibles pour vous y aider. En voici trois qui ont attiré notre attention.

Aîné-Avisé, un programme du Réseau FADOQ

En 2010, un CIUSSS de la région de Montréal lance l’idée du programme Aîné-Avisé et le met sur pied en collaboration avec le Réseau FADOQ et la Sûreté du Québec. Le but est d’offrir aux aînés des rencontres d’information et d’échanges sur la maltraitance et les fraudes. L’idée a fait boule de neige et le Réseau FADOQ, qui assure depuis la coordination du programme, l’a étendu aux 16 régions du Québec. Près de 14 ans plus tard, le programme a toujours le vent dans les voiles et reste très pertinent, car les aînés sont de plus en plus nombreux à utiliser le Web, et les fraudeurs, de plus en plus habiles.

Depuis son lancement, Aîné-Avisé a touché plus de 70 000 personnes. Principalement présenté dans les résidences privées pour aînés (RPA), mais aussi à des organismes des communautés qui en font la demande, le programme, un peu au ralenti pendant la pandémie, a retrouvé sa vitesse de croisière et sensibilise ainsi près 5 000 aînés par année.

Les séances sont animées par une équipe formée d’un employé et/ou d’un bénévole du Réseau FADOQ accompagné d’un policier de la Sûreté du Québec ou d'un service de police municipal. «Les contenus du programme évoluent et s’adaptent aux nouvelles formes de fraude ou de technologie», explique Julie Silveira.

D’une durée de 60 minutes, la conférence aborde les principales formes de fraude et les pratiques prudentes à adopter pour les éviter, de même que les ressources disponibles. Les trois clés du programme sont: sensibiliser, prévenir et sécuriser.

On y utilise des capsules vidéo pour fournir de l’information et susciter des échanges. On y distribue également un répertoire des ressources, qu’on peut également consulter en ligne sur le site du Réseau FADOQ. Si vous souhaitez organiser une séance d’information dans votre communauté ou organisme, vous pouvez contacter Aîné-Avisé par écrit en cliquant ici.

Séances de la Sûreté du Québec

Outre sa participation au programme Aîné-Avisé, la Sûreté du Québec a mis sur pied des séances d’information intitulées «Prévenir la fraude, ça débute avec vous». Elles sont offertes depuis 2023 dans les municipalités situées sur son territoire. On y traite des trois fraudes les plus courantes et des manières de les éviter. Vous n’habitez pas sur le territoire de la SQ?  Des séances d’information sont aussi données par plusieurs services de police municipaux. Informez-vous auprès de votre poste de police local.

On peut aussi trouver des informations pertinentes sur la prévention des fraudes sur le site de la Sûreté du Québec en cliquant ici.

Des ateliers

La Clinique de cyber-criminologie offre pour sa part des ateliers d’information et de l’accompagnement. Ceux-ci sont donnés principalement dans des organismes à but non lucratif (OBNL) et dans des organismes communautaires ainsi que dans d’autres types d’organisations, comme des bibliothèques.

Faire un signalement ou aller chercher de l’aide

Que vous ayez été témoin ou victime d’une fraude, signalez la situation à votre poste de police local ou à la Sûreté du Québec, au Centre antifraude du Canada ainsi qu’à l’AMF (s’il s’agit d’une fraude financière). Votre signalement leur permettra d’avoir connaissance des fraudes qui existent et de mettre à jour leurs statistiques. Il permettra également aux décideurs de connaître l’ampleur des différentes fraudes commises et d’agir en conséquence.

Signalez aussi la situation sur la plateforme Fraude-Alerte de la Clinique de cyber-criminologie. Comme elle est bien référencée, votre geste permettra d’informer non seulement les personnes qui la consultent, mais aussi celles qui utilisent les moteurs de recherche.

Les fraudeurs sont parvenus à vous soutirer des renseignements personnels ou de l’argent? Communiquez avec votre institution financière. Selon la situation, elle saura vous indiquer les mesures à prendre. Communiquez également avec les bureaux de crédit Équifax et TransUnion afin de faire mettre une alerte sur votre dossier.

Vous avez besoin d’aide pour effectuer ces démarches ou encore de soutien? Communiquez avec la Clinique de cyber-criminologie, le Centre d’aide aux victimes d’actes criminels (CAVAC) ou l’AMF – dans le cas de fraude financière, cette dernière pourra vous aider à minimiser vos pertes.

Le fraudeur était un conseiller en service financier dûment enregistré? Si votre demande est admissible, vous pourriez bénéficier d’une compensation provenant du Fonds d’indemnisation des services financiers de l’AMF.

Mieux vaut prévenir

Pour ne pas tomber dans les pièges qui se présentent à vous, voici une liste de comportements à suivre.

  • On vous appelle? Ne vous fiez pas à votre afficheur. Même si le nom de votre institution financière y est inscrit, votre correspondant pourrait être un fraudeur.
  • Au téléphone ou en ligne, on vous demande de divulguer des renseignements personnels ou d’envoyer de l’argent? Mettez fin à la communication. Ou appelez l’entreprise pour laquelle votre interlocuteur affirme travailler pour vérifier le bien-fondé de sa demande. Ce faisant, n’utilisez pas les coordonnées qu’il vous a fournies; elles pourraient être erronées.
  • Vous recevez un texto ou un courriel d’une source que vous ne connaissez pas? Ne répondez pas. Et si on vous demande de cliquer sur un lien, ne le faites pas. Il peut s’agir d’hameçonnage, soit d’une technique qui permet au fraudeur d’obtenir des renseignements personnels à votre sujet.
  • Assurez-vous que les renseignements que vous publiez sur les réseaux sociaux ne puissent être vus que par des personnes auxquelles vous avez confiance. «Les arnaqueurs pourraient se servir des renseignements que vous y dévoilez», dit Mme Silveira.
  • Méfiez-vous des personnes qui s’intéressent à vous – sur le plan amical ou sentimental –, mais qui ne peuvent vous rencontrer que virtuellement.
  • On vous invite à investir sur une plateforme de courtage en ligne? Une personne qui affirme être un conseiller en services financiers vous fait miroiter des revenus mirobolants? Vérifiez si le nom de l’entreprise et du professionnel figure au Registre des entreprises et des individus autorisés à exercer qui se trouve sur le site de l’AMF – il s’agit d’une obligation pour avoir le droit de pratiquer au Québec – ou appelez le Centre d’information de l’AMF.
  • Vous vous questionnez sur la fiabilité d’un site internet? Utilisez l’outil scamdoc afin de connaître son score de fiabilité ainsi que certains renseignements pertinents comme l’année de création du site. «Si on vous dit que le site existe depuis deux mois alors qu’on prétend qu’il a vu le jour il y a plusieurs années, il faudra vous méfier», dit M. Laniel-Lanani.
  • Au moindre doute, communiquez avec votre poste de police local, la Sûreté du Québec et/ou l’AMF (si vous craignez une fraude financière). Et agissez rapidement. «Quelque 50% des gens qui communiquent avec nous le font alors qu’ils ont déjà un doigt dans l’engrenage», déplore Mme Morissette.