La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Volta, un nouveau souffle au Cirque du Soleil

Le Cirque du Soleil a l’âge du Christ, 33 ans, et de nouveaux propriétaires aux poches profondes et ayant le goût du risque. Cette équation donne Volta, un nouveau show qui mise sur la jeunesse et la nouveauté et qu’on pourra voir au Vieux-Port de Montréal à compter du 20 avril.



L’effet nouveauté, ça commence par le tandem Bastien Alexandre/Jean Guibert, qui se partage la mise en scène et la direction de la création. Ces deux gars-là, qui ont travaillé ensemble sur le spectacle d’ouverture des 17es Jeux panaméricains à Toronto, en sont à leurs premières armes dans la fabrication d’un spectacle de tournée du Cirque du Soleil. C’est Jean-François Bouchard, digne successeur de Guy Laliberté et Gilles Ste-Croix, qui les a repérés dans l’organisation. Il leur a donné la mission de créer du nouveau, mais sans perdre l’ADN du Cirque. À première vue, le pari est en bonne voie d’être gagné.

Mardi, les journalistes étaient invités à voir trois numéros de Volta. Premier choc: la jeunesse des artistes. Moins cachés derrière des costumes qui gomment l’âge et la personnalité, les acrobates m’ont semblé extrêmement jeunes. À moins que ce ne soit moi qui vieillis!

L’autre surprise est venue des numéros. Dans ce 41e spectacle du Cirque du Soleil (18e sous chapiteau), on introduit de nouvelles disciplines comme le BMX Flatland, un sport dans lequel le «flatlandeur» défie la gravité en faisant des figures sur le vélo sans poser le pied au sol.

Photo: Patrice Lemieux
Photo: Patrice Lemieux

On a aussi eu droit à un numéro de double dutch, une autre discipline appartenant à la catégorie des sports d’action. Le double dutch consiste à sauter à la corde avec deux cordes, une invention née dans les années 70 chez les immigrants hollandais de New York et maintenant pratiquée sur une base compétitive dans de nombreux pays.

La présentation s’est terminée par un aperçu du numéro final, qui fait de nouveau appel au bicycle moto cross (BMX), mais cette fois en mode freestyle. Les bmxeurs s’élancent sur des rampes et profitent de leur élan pour effectuer des figures aériennes. Le scénographe Bruce Rodgers, l’homme derrière les scénos de Kanye West et JayZ (Watch the throne), de Madonna (Drowned) et de 11 spectacles de la mi-temps du Super Bowl, a réussi à faire entrer pas moins de six rampes sur la scène du chapiteau.

Photo: Patrice Lemieux
Photo: Patrice Lemieux

Selon Jean-François Bouchard, il était impérieux pour son organisation de se mettre au diapason de ce qui branche les jeunes, comme l’ont fait les Jeux olympiques. Si le CIO ajoute la planche à roulettes ou l’escalade à son prochain programme olympique, le Cirque pouvait bien se mettre à jour aussi. En tout cas, pour moi qui couvre le Cirque du Soleil depuis plus de 30 ans, c’est beaucoup de nouveau et tout un vocabulaire à apprendre pour en parler.

Au-delà des trois extraits qui nous ont été présentés, de quoi sera fait le reste du spectacle Volta? On nous a promis du bungee, du patin à 4 roues, du fil de fer, de la highline, de la corde lisse, des anneaux chinois et suédois, de la danse, et même, j’ai hâte de voir ça, de la suspension par les cheveux!

Photo: Patrice Lemieux
Photo: Patrice Lemieux

Tous ces numéros, portés par la musique du groupe électronique français M-83 (on est hot ou on l’est pas), seront reliés par une histoire sur la liberté de choisir et d’être soi-même. On épinglera au passage l’horrible machine à conformisme que sont la télévision et les nouvelles technologies, car le personnage central, WAZ, est un animateur, prisonnier d’une image qu’il n’aime pas. Je pense qu’il y a là tous les ingrédients pour plaire aux jeunes sans s’aliéner la clientèle traditionnelle du Cirque du Soleil.

Le vent de nouveauté qui souffle au Cirque du Soleil, on ne le ressentira pas que dans le spectacle. Avez-vous remarqué que le chapiteau a nouvelle allure? Les rayures en spirales blanches et grises reflètent l’esprit urbain de Volta, mais ce nouveau design correspond aussi à la volonté du Cirque d’être plus écologique. Il est bien connu que le toit blanc réfléchit les rayons du soleil plutôt que de les absorber, ce qui aura une incidence sur les coûts de climatisation. Aussi verrons-nous, à compter de juin, une nouvelle manière d’illuminer le chapiteau. Les mâts seront dotés du même type d’éclairage DEL que Moment Factory utilise pour l’illumination du pont Jacques-Cartier. Une coïncidence, m’a dit Jean-François Bouchard, qui promet un chapiteau bleu-blanc-rouge en cas de victoire des Canadiens en séries finales de la coupe Stanley.

Photo: Patrice Lemieux
Photo: Patrice Lemieux

Coup de cœur pour Le dernier souffle

alt="dernier-souffle"Il y a un film extrêmement important qui prend l’affiche cette semaine. Il faut voir Le dernier souffle, au cœur de l’Hôtel-Dieu de Montréal autant que n’importe laquelle des activités inscrites à la programmation des festivités du 375e anniversaire de Montréal.

Pourquoi? Parce que le documentaire d’Annabel Loyola raconte la vie et la mort de l’Hôtel-Dieu, une institution intimement liée à l’histoire de la ville. Les deux sont nées en 1642. Montréal s’est bâtie autour de cette création de Jeanne Mance qui a d’abord eu pignon sur rue près du fleuve et ensuite au pied du mont Royal à partir de 1861.

Attentive aux moindres détails de la vie quotidienne de l’hôpital, Annabel Loyola a capté les derniers moments de ce lieu condamné à disparaître dans le grand tout du CHUM. Il y a l’activité médicale, bien sûr, mais aussi tout ce qui s’y greffe: l’entretien des bâtiments et des splendides et insoupçonnés jardins, l’accompagnement des malades par les bénévoles, la présence toujours providentielle des quelques religieuses qui habitent encore sur les lieux. Tout ce qui fait que cet hôpital semble avoir une âme, une rareté en cette ère post-virage ambulatoire.

Le film est traversé de personnages qui ont chacun leur destin. Pour un patient, c’est la mort, pour une autre, souffrant de fibrose kystique, c’est une résurrection après une greffe. On fait la connaissance de deux chirurgiens qui ont passé leur vie à opérer en duo à l’Hôtel-Dieu. La dernière religieuse à avoir dirigé cette institution livre ses souvenirs pour qu’on n’oublie jamais l’immense legs des Hospitalières à la vie de Montréal. Ce sera très moderne, le CHUM, mais le film Le dernier souffle nous montre qu’avec la fermeture de l’Hôtel-Dieu, Montréal perdra un élément très important de son ADN. Allez attraper ce dernier souffle…