La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Trois-Rivières

Stone: le nouveau spectacle euphorisant du Cirque du Soleil

C'est un trois en trois à Trois-Rivières! Après Le monde est fou avec la musique de Beau Dommage et Tout écartillé sur celle de Robert Charlebois, le Cirque du Soleil nous allume de nouveau avec Stone, spectacle hommage à Luc Plamondon présenté à l’Amphithéâtre Cogeco.



C’est encore un spectacle de cirque avec ses disciplines habituelles, comme la corde lisse, la planche coréenne ou les jeux icariens, mais les chansons de Luc Plamondon nous amènent dans un univers très différent des deux productions précédentes.

Photo: Shawn Bennet Luc Plamondon
Photo: Shawn Bennet
Luc Plamondon

Poésie et gravité au programme

On ne choisit pas Parc Belmont, Monopolis, Oxygène, Le monde est stone, Le blues du businessman, Les sans-papiers, S.O.S d’un terrien en détresse, Le monde est fou et l’Hymne à la beauté du monde sans induire une touche de gravité et de poésie.

Ajoutez à ça des interprétations extrêmement sensibles par uniquement des voix de femmes et vous avez une proposition totalement envoûtante.

Encore une fois, le son est exceptionnel. Ça nous permet d’apprécier pleinement la subtilité des interprétations. Les chanteuses qui ont été choisies pour reprendre les succès de Plamondon ont fait un travail remarquable pour se les approprier. Il y a une sorte d’apesanteur inquiète dans le S.O.S d’un terrien en détresse d’Ariane Moffatt, une immense fragilité dans Le blues du businessman de Safia Nolin, alors que le Je danse dans ma tête de Marie-Mai exhale l’opiniâtreté et que le Lili voulait danser de La Bronze transpire l’insouciance que cette chanson exige. Klô Pelgag, qui a hérité de la chanson la moins connue, Île aux mimosas, nous envoûte avec une voix qui rappelle Barbara, celle qui a mis en musique ce très beau texte de Plamondon.

Photo: Shawn Bennett
Photo: Shawn Bennett

En avant la musique

Encore une fois, Jean-Phi Goncalves a fait un travail de titan aux arrangements. Avec sa patte techno, il a donné une unité à ces chansons nées de pères différents sur une période de cinq décennies. En conférence de presse après la première, Luc Plamondon a pris soin de mentionner tous les compositeurs avec lesquels il a collaboré pour ces chansons. De François Cousineau à Michel Berger en passant par Christian Saint-Roch, Richard Cocciante, Julien Clerc, Germain Gauthier et Romano Musumarra. La paternité de ces vers d’oreille leur revient. Le parolier a aussi dit que pour lui ce spectacle était plus un cadeau qu’un hommage. On ne peut qu’être d’accord!

Et la partie cirque?

Parlons maintenant de la partie cirque, qui n’est pas en reste. Malgré un début très lent, j’ai été plus impressionné par les numéros de Stone que par ceux de Volta, la plus récente production sous chapiteau du Cirque du Soleil.

Iryna Galenchyk et Dmytro Turkeiev offrent un des plus beaux duos sur sangles qu’il m’ait été donné de voir. Un mélange de grâce, de force et d’intrépidité.

Photo: Shawn Bennett Un duo de sangles impressionnant
Photo: Shawn Bennett
Un duo de sangles impressionnant

Le duo Batbold Andryei et Munkhbat Ganbayar est éblouissant dans son numéro de jeux icariens où l’un des deux acrobates culbute dans les airs, projeté par les pieds de l’autre sur l’entraînante Tiens-toi ben, j’arrive chantée par Catherine Major. Dans une séquence, une collègue a compté plus de 40 culbutes dans les airs. On leur pardonne le cabotinage autour de leurs prouesses.

Photo: Shawn Bennett Les jeux icariens
Photo: Shawn Bennett
Les jeux icariens

Autre duo spectaculaire: Aaron Hakala et Lukas Ivanow à la planche coréenne. Leurs figures dans les airs sont originales et parfaitement exécutées, synchro avec le de-de-de-danse dans ma tête de Marie-Mai.

Sur Lili voulait danser, deux porteurs swinguent leurs partenaires d’une manière qu’on pourrait qualifier de kamikaze. On est tétanisé devant leurs prouesses.

Il y a aussi plusieurs chorégraphies et numéros aériens. Le spectacle s’achève d’ailleurs sur un numéro de bungees aériens parfaitement choisi pour accompagner Le monde est fou et Hymne à la beauté du monde, cette dernière magnifiquement interprétée par Diane Dufresne, qui donne encore plus de majesté à ce grand classique de Plamondon.

Photo: Shawn Bennett Une finale euphorisante
Photo: Shawn Bennett
Une finale euphorisante

On quitte l’amphithéâtre de Trois-Rivières euphorique à cause de ce qu’on a vu, et porté par ce magnifique message. On a déjà hâte de voir ce que le Cirque du Soleil nous réserve pour l’an prochain.

Un parlement du Canada dans le sous-sol de Montréal

L’Histoire, avec un grand H, est toujours fascinante et pleine de surprises. Le Musée Pointe-à-Callière se charge encore une fois de nous le rappeler. Depuis cette semaine, la cité d’archéologie et d’histoire de Montréal répare un bris de mémoire, corrige une amnésie, en nous remémorant un fait occulté. Oyez! oyez!, clame le musée, Montréal a déjà été la capitale du Canada. Vous voulez le voir pour le croire? D’ici à octobre, l’institution vous invite sur les lieux mêmes des vestiges du parlement de Montréal, enfouis sous la place d’Youville depuis l’incendie qui l’a ravagé le 25 avril 1849.

Pointe-à-Callière a en effet décidé de profiter des fouilles archéologiques menées cet été sur le site du Parlement du Canada-Uni pour sensibiliser la population à ce lieu historique méconnu. En cette année du 375e anniversaire de Montréal et du 150e de la Confédération canadienne, cette exposition en plein air gratuite tombe pile. On peut à la fois découvrir l’histoire de ce Parlement qui a siégé de 1844 à 1849, voir quelques artéfacts découverts lors d’une campagne de fouilles précédente et observer le travail des archéologues qui sont à l’œuvre à nos pieds.

Un lieu d’une importance capitale

Il ne faut pas beaucoup de temps pour se convaincre de l’importance du lieu. Imaginez, 200 ans après sa fondation, en 1843, Montréal ajoute à son statut de métropole celui de capitale du Canada-Uni et c’est dans le marché Sainte-Anne que le Parlement sera logé dès 1844. Cet édifice néoclassique est reconnu à l’époque pour être une réussite d’ingénierie, notamment parce que l’égout collecteur qui passe sous le bâtiment sur une centaine de mètres contribue à le rafraîchir. Ce marché fermé, une première à Montréal, est assez vaste pour accueillir l’appareil d’État. Sur ses deux étages, on répartit l’Assemblée, la législature, la bibliothèque (25 000 livres) et les bureaux des députés et fonctionnaires.

Photo: Claude Deschênes- Musée Pointe-à-Caillères Le Parlement du Canada-Uni
Photo: Claude Deschênes-
Musée Pointe-à-Caillères Le Parlement du Canada-Uni

Durant les quelques années où Montréal a été le siège du Parlement, il y a eu plusieurs avancées notables: la langue française a été reconnue comme langue officielle de l’État, la notion de gouvernement responsable a vu le jour et les premiers ministères ont été créés.

Le feu de la discorde

Pourquoi alors Montréal a-t-elle perdu son statut de capitale? À cause du fameux incendie qui a détruit le parlement.

Ce brasier a pris naissance lors d’une violente manifestation où des tories attachés à la monarchie britannique s’opposent farouchement à la décision des réformistes d’indemniser les citoyens du Bas-Canada victimes de la rébellion de 1837.

Aujourd’hui, ce sont ces ruines qu’on fouille et les chances sont excellentes qu’on fasse de formidables découvertes, car le terrain sur lequel se trouvait le marché Sainte-Anne n’a jamais été excavé. De 1925 à 2010, il a servi de stationnement de surface! Le sous-sol de la place d’Youville est comme une vaste capsule temporelle.

Photo: Claude Deschênes Les fouilles
Photo: Claude Deschênes
Les fouilles

Les fouilles faites de 2011 à 2013 ont déjà permis de découvrir des documents importants, des accessoires ayant appartenu à des élus et à des employés, de la vaisselle utilisée au restaurant du Parlement et des vestiges de l’époque où l’édifice était un marché public.

Il reste 75% du site à explorer, et par son exposition, Pointe-à-Callière nous invite à être témoins de ces fouilles jusqu’à la fin octobre. Des visites guidées gratuites sont offertes du mercredi au dimanche, de 12h30 à 16h30, jusqu’au 24 septembre. C’est comme participer à l’histoire qui s’écrit!

 

Promenade Fleuve-Montagne

Tiens, pendant que vous êtes à Pointe-à-Callière, pourquoi ne pas partir à la découverte de la promenade Fleuve-Montagne, un legs du 375e anniversaire inauguré cette semaine? Pointe-à-Callière est justement le point de départ de ce parcours de 3,8 km qui relie deux icônes de Montréal: le Saint-Laurent et le mont Royal. Il est toujours possible de le faire en sens inverse. L’avantage de partir de la montagne, à l’angle des rues McTavish et des Pins, c’est que vous serez en descente.

Photo: Claude Deschênes Promenade Fleuve-Montagne
Photo: Claude Deschênes
Promenade Fleuve-Montagne

À la base, la promenade Fleuve-Montagne, c’est un trajet balisé. Le parcours est indiqué de différentes manières. Il y a des triangles verts et bleus sur les poteaux qui indiquent qu’on est en direction de la montagne ou de l’eau, des bornes qui nous informent à quelle altitude on se trouve (vous allez voir ça monte), les traverses pour piéton ont un design particulier, et pour être certain qu’on ne se perde pas, il y a des écriteaux au sol.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Le tracé est divisé en quatre secteurs: Pointe-à-Callière, Vieux-Montréal–rue McGill, Centre-ville et Université McGill. Au fil de vos déambulations, vous serez interpellés par des œuvres d’art public, des édifices emblématiques, des monuments historiques. Munissez-vous du plan de la promenade Fleuve-Montagne. Ainsi, vous mettrez de l’ordre dans ce patrimoine urbain.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Des artistes ont aussi été invités à contribuer au parcours dans le cadre d’expositions temporaires. Giorgia Volpe y est allée de bannières sur le thème du métissage, le thème de l’une de ces expositions. Il y en a 19 sur les lampadaires de la rue McGill, toutes différentes, fabriquées de matières recyclées. L’artiste autochtone Maria Hupfield a créé des bancs publics ludiques au square Victoria. Et Bill Vazan, pionnier du Land Art, expose au pied de la côte du Beaver Hall trois de ses monolithes qui nous interpellent sur notre rapport au temps et aux origines.

Photo: Claude Deschênes
Photo: Claude Deschênes

Entre Viger et Sainte-Catherine, et même jusqu’à McGill College, la Promenade est plutôt noyée dans la frénésie du centre-ville. C’est sur le dernier tronçon que l’investissement important qui a été consenti, 49,7 M $, se fait le plus sentir. La rue McTavish est complètement transformée de Sherbrooke à l’avenue des Pins, mettant en valeur la richesse architecturale de l’Université McGill. La chaussée, le mobilier urbain, l’aménagement paysager font de cette artère piétonne une grande entrée vers la montagne qu’on a envie d’emprunter. Même le parc Rutherford, sur le réservoir McTavish, est devenu une splendeur.

Allez-y, il y a une belle marche à faire, et ça vous appartient!