La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

Les auteurs ne vivent pas d’amour et d’eau fraîche

Ça n’a pas eu tellement d’échos dans l’actualité, et pourtant, le 24 avril dernier, des acteurs importants du milieu de la création, dont la direction et la présidence de l’Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ), se sont présentés devant les membres du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes à Ottawa pour être entendus lors de l’examen de la très importante Loi sur le droit d’auteur. Ils ont soulevé des points fondamentaux pour orienter cet examen et, éventuellement, participer aux travaux de refonte dans les mois à venir. Des points qui auront une influence majeure sur notre culture. Dois-je rappeler qu’un pays soucieux de sa culture est un pays plus solide financièrement, un pays qui se démarque sur l’échiquier mondial et doté d’un peuple fier?



Au-delà des mêmes créateurs (Xavier Dolan, Denis Villeneuve, Moment Factory, Le Cirque du Soleil, Céline Dion, Véronic Dicaire, etc.) dont on parle toujours pour redorer notre blason à la face du monde entier, il y a tous les autres, dont plusieurs chouchous que les Québécois lisent ou chantent sans même se douter de la menace dont est chargé leur avenir si cette fameuse Loi sur le droit d’auteur n’est pas révisée comme il se doit.

Ces satanées «exceptions»

Rappelons qu’en 2012, des modifications apportées à la Loi sur le droit d'auteur ont compromis le travail de négociation réalisé depuis des années avec succès par les sociétés de gestion collective de droits de reproduction et a déstabilisé l’industrie du livre en introduisant par exemple des exceptions très vagues, sans prévoir de rémunération pour les artistes et les écrivains.

Parmi ces «exceptions», celle qui fait le plus mal aux écrivains concerne l’utilisation dite «équitable» de leurs écrits dans le milieu éducatif . «Une part importante de la matière première du système d’éducation, une matière première dont l’ancien gouvernement conservateur de Stephen Harper voulait rendre l’accès gratuit en s’appuyant sur l’utilisation dite "équitable", au sens défini par la Cour suprême en 2004 dans l’arrêt CCH. L’absence d’obligation claire pour les établissements d’enseignement de rémunérer les auteurs pour l’utilisation de leurs œuvres a constitué un préjudice sans précédent. Cette notion floue "d’utilisation équitable" fragilise l’industrie de l’édition et ses artisans», rappelle l’UNEQ.

Notons aussi parmi «ces exceptions» celles pour le «contenu non commercial généré par l’utilisateur» et qui ont légalisé l’utilisation de contenus protégés par des usagers qui souhaitent s’en servir, voire les modifier, afin de créer une œuvre nouvelle diffusée en format numérique et «à des fins non commerciales». Selon l’UNEQ, «cette formulation floue de ces exceptions permet donc à quiconque de créer sur Internet (ou ailleurs) n’importe quelle œuvre nouvelle dérivée d’une œuvre antérieure, y compris par une traduction, une adaptation, etc., en ignorant complètement la notion de droit moral. Une telle exception annule le droit de l’auteur à préserver l’intégrité de son œuvre, ce qui est au cœur de ses droits moraux, et encourage le piratage».

Photo: Jan Kahanek, Unsplash
Photo: Jan Kahanek, Unsplash

La précarité des créateurs

Ces trop nombreuses «vagues» exceptions ont entre autres eu comme effet de réduire les revenus des écrivains et éditeurs provenant de la gestion collective de 30 millions $ depuis 2012, fragilisant ainsi un métier qui était déjà précaire. Précaire comment? Côtoyant les écrivains depuis de nombreuses années, à titre de lectrice assidue, d’animatrice et de chroniqueuse culturelle spécialisée en littérature, et surtout, comme auteure moi-même, je suis bien placée pour vous dire que financièrement, en lien avec les revenus de leur création, les auteurs canadiens, et québécois surtout, tirent le diable par la queue en titi. Je n’invente pas les chiffres de l’UNEQ qui le prouvent: selon la dernière enquête d’envergure sur les revenus des écrivains québécois, en 2008, les deux tiers des écrivains québécois ont obtenu moins de 5000$ de leur travail de création littéraire. Seulement une trentaine ont déclaré un revenu de création de 60 000$ ou plus. Le revenu médian provenant de la création littéraire n’était que de 2450$.

Ces données fournies par l’UNEQ donnent froid dans le dos. Ces auteurs – plusieurs comptent parmi nos meilleurs au pays, d’autres gagnent des prix –, au maigre revenu médian provenant de leur talent, sont pour la plupart lus, aimés, cités, étudiés. Leurs livres trônent empilés sur nos étagères de salon, sur notre table de chevet, complices de notre quotidien. Certains de ces auteurs ont même diminué leurs parutions, voire cessé de publier ces dernières années, trop occupés avec un autre métier (facteur, brancardier, barman…) qui, lui, sert à payer le loyer. Qui peut les blâmer?

Que de vivre (mieux) de sa plume soit désormais un exploit dans une société supposément instruite et ouverte comme la nôtre est un non-sens, encore plus avec un taux de diplomation québécois affolant selon les dernières statistiques. Rien pour aider, mettons. On ne dira jamais assez que lire à l’école favorise la réussite scolaire des filles et des garçons (car oui, les gars aussi lisent, et beaucoup même), en plus de tous les autres avantages qui viennent avec la lecture; sur la culture générale, l’estime de soi, l’altruisme, le rapport au monde, etc. Ce n’est donc pas en déshonorant de la sorte la profession d’écrivain qu’on démontre chez nous l’importance individuelle et collective des livres et de la lecture en général. Ce n’est pas non plus la fermeture ou l’état pitoyable de beaucoup de bibliothèques scolaires ces dernières années qui prouvent le contraire.

Pour en savoir plus:

Je craque pour… 

Le Chalet, série télé sur Netflix

Ceux qui aiment les suspenses, les histoires obsédantes dont on ne décroche pas, aimeront certainement la nouvelle série française Le Chalet, dans laquelle, à l’occasion d’un mariage, un groupe d’amis d’enfance se retrouve isolé dans un chalet dans les Alpes françaises. Alors que des souvenirs du passé semblent les rattraper, un à un, ils tombent, semant l’effroi dans leur prison douillette. Beaux frissons en perspectives… et que dire des nuits blanches…

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Frissons et nuits blanches vous attendent avec cette série française disponible sur Netflix.