L’art de la sélection
Je ne comprendrai jamais cette propension d’une majorité à porter aux nues «nos» «veudettes».
Pas celles qui font des opérations à cœur ouvert, pas celles qui partent à la conquête de l’espace, pas celles qui s’occupent de nos enfants (ce que nous avons de plus précieux au monde quand même) tous les jours à des salaires honteux, pas celles qui s’occupent de nos parents dans les CHSLD dans des conditions de m…; non, non, nos belles «veudettes» de la télévision qui font la une des journaux et magazines, qui sont invitées, toujours les 45 mêmes privilégiées, dans les talk-shows de fins de soirée pour parler de leur palpitante vie (mais qu’est-ce qu’on s’en…), qui reçoivent plein de gratuités tout le temps, des verres dans les bars aux vêtements dernier cri, en passant par des vacances toutes dépenses payées en échange de quelques photos retouchées sur Instagram… Ces êtres-là ont toujours des free rides jusqu’à ce que…
Quand ces dieux-là tombent, parce qu’au fond, ils sont humains, avec leurs vices et vertus, on en parle plus que des réelles préoccupations sociales qu’on devrait avoir au même moment. Au-delà de la pure nouvelle, on y va de propos malins sur les réseaux sociaux, on se réjouit de leur descente aux enfers, on est donc soulagés de voir que leur succès ne tenait à rien et qu’eux aussi connaissent des déboires. Et oui, coucou!, eux aussi vont au petit coin.
On les cloue ensuite au pilori et on retourne aduler les nouvelles vedettes de l’heure; celle-là qui est donc drôle (parce qu’on aime ça rire au Québec…), l’autre qui est simple, simple, simple (parce qu’on n’aime pas quand le propos est trop élevé) et le gentil personnage, propre et lisse (parce que celles et ceux qui disent ce qu’ils pensent bousculent et dérangent, c’est connu).
Du vrai plus que du «vra»
Ce serait vraiment super qu’on soit plus sélectifs dans nos déifications.
Depuis quelques années, j’écoute l’émission radiophonique Pas banale, la vie! animée par la pertinente Isabelle Craig à la première chaîne de Radio-Canada. Vous savez pourquoi j’adore cette émission? Parce qu’elle donne la parole à des personnes qui font de véritables différences dans la vie, chacune à sa manière, des êtres qu’on voit nulle part, qui ne sont connus que chez eux à l’heure des repas.
Elle ne les reçoit pas pour faire en sorte, de manière appuyée, que son émission soit «donc près des gensses» ou pour créer une sorte de dîner de cons dans lequel on peut rire du bon «vra» monde.
La journaliste, une vraie journaliste, qui n’est elle-même pas une star de magazine, les reçoit avec un sincère respect et intérêt pour ce qu’ils sont et où ils vont.
Ses questions ne sont pas formulées dans l’unique but de briller elle-même; c’est eux qu’elle veut faire rayonner. Ils sont la plupart du temps passionnants, drôles, s’expriment mieux que beaucoup à qui on déroule le tapis rouge dans les médias, et, surtout, ils sont sincères et authentiques. Ils ne nous embobinent pas derrière des écrans de fumée, ils n’ont rien à cacher, rien à prouver et ne cherchent pas à bien paraître.
Dans un autre registre, à travers des entrevues empreintes d’une réelle compassion, Jean-Marie Lapointe réussit aussi le tour de force de faire parler des gens au parcours pas banal dans la série documentaire sur l’itinérance intitulée Face à la rue. Ces humains-là, ceux qui posent les questions et surtout ceux qui y répondent, j’aimerais les voir plus souvent dans nos médias.
N’ayons pas peur d’aller au cœur des choses, voire d’élever aussi le discours au contact d’invités profondément différents ou intelligents, comme aussi ces penseurs, philosophes ou intellos qu’on semble craindre en ondes, au cas où ils ne seraient pas compris par le bon peuple. Je pense qu’au contraire, le bon peuple est capable d’en prendre, qu’il commence à s’apercevoir que sous les couvertures en apparence lisses, remplies de paillettes, qui sentent bon et dont on se draperait jour et nuit, bien souvent, des bestioles grouillent.
Je craque pour…
Les 80 lits pour itinérants offerts depuis le 15 janvier à l’ancien hôpital Royal-Victoria à Montréal
Bien sûr qu’en ce froid sibérien, ces lits sont plus que nécessaires pour les sans-abris (hommes, femmes, trans, handicapés, etc.). Pour ceux et celles qui ont des animaux de compagnie, il y a aussi des accommodements. À ce sujet, Élise Desaulniers, directrice générale de la SPCA de Montréal, explique sur son compte Facebook que l’organisme a été consulté: «Nous avons pu fournir des protocoles, de la formation et du matériel pour qu’humains et animaux soient confortables et en sécurité. Les agents de sécurité ont des gâteries dans leurs poches. Petit miracle: l’humain et son animal sont considérés comme une seule entité et peuvent dormir un à côté de l’autre.» J’adore.