La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Le goût d’un pays

Noël n’est pas arrivé et déjà on a hâte au printemps. De voir la neige fondre et les érables couler. C’est ça que ça fait le film Le goût d’un pays du réalisateur Francis Legault, qui prend l’affiche le 2 décembre, 109 jours avant le printemps.

Ce réalisateur, prolifique à la radio comme à la télé, n’est jamais à court de bonnes idées. On lui doit entre autres de magnifiques documentaires sur Robert Charlebois, Barbara et Les belles-sœurs. Cette fois, c’est au cinéma qu’il nous convie pour une rencontre entre Fred Pellerin et Gilles Vigneault, qui jasent sucre et pays dans une érablière.

Le grand Gilles, établi à Saint-Placide, et son descendant artistique de Saint-Élie-de-Caxton ont tous les deux une cabane où ils font du sirop. Ils ont aussi le rêve d’un pays. Ils ont donc de quoi deviser, ce qu’ils font devant nous, assis sur un banc de neige ou les pieds sur la bavette du poêle.

Cette conversation, qui rappelle la série radiophonique L’autre midi à la table d’à côté que Francis Legault réalise à Ici Première (c’est d’ailleurs de leur rencontre à cette émission qu’est née l’idée du film), a tout pour nous émouvoir. Vous avez là deux hommes lucides, très au fait de là où l’on vient, convaincus de la nécessité de devenir maître chez soi, qui se lancent à bride abattue dans une réflexion sur le pays. Sans faux-fuyants. Leur emportement les amène à se demander pourquoi leur rêve n’advient jamais.

«Survivre c’est pas assez, conclut Vigneault, c’est vivre qu’il faut.»

«On veut peut-être pas», réplique Fred.

«On veut peut-être pas», convient Monsieur Vigneault, que j’ai rarement vu aussi sombre dans une joute verbale sur le pays.

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Un film choral 



La rencontre Vigneault-Pellerin est le point focal du documentaire, mais Le goût d’un pays distille plusieurs histoires parallèles. On ira chez les Vermette, qui entaillent 10 000 érables, à la ferme Le Petit pays, où Roméo Bouchard d’Union paysanne et son fils Géronimo recueillent l’eau de 400 entailles, ou encore chez Simon Tessier, qui conscrit sa petite famille et ses amis pour produire sa consommation annuelle de sirop. Trois facettes d’une tradition qui fait fumer encore bien des boilers du Québec.

Et pour bien tirer tout le jus de cette allégorie qui passe par les sucres pour parler du pays, Francis Legault convoque à la barre les conteurs Boucar Diouf et Fabien Cloutier, le chef Martin Picard, la critique gastronomique Lesley Chesterman de la Gazette, l’écrivaine Kim Thuy, le sociologue Gabriel Nadeau-Dubois, la psychologue Rachida Adouz et l’historien Daniel Turcotte.

Tout y passe. Comment on a découvert les vertus de l’eau d’érable. Comment cet or québécois nous singularise. La menace que les changements climatiques font peser sur cette ressource. Le rapport de cette tradition culinaire avec les nouveaux arrivants. Comme dans le cochon, tout est bon. C’est fou tout ce qu’il y a à dire sur ce court et fragile moment de l’année porteur de tant d’espérance.

Pour un gars de radio, Francis Legault sait faire parler les images. La direction photo de Frédérick Jouin et Joël Provencher magnifie le tout. C’est aussi beau que les épisodes d’À la Di Stasio en Italie, une autre de ses réalisations.

Le goût d’un pays, prix du public aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM) en novembre, ne règle pas la question nationale, mais il célèbre avec panache une tradition unique au monde, une tradition qui, immanquablement, nous rend heureux d’un printemps, la saison des possibles, des commencements et des recommencements. Qui sait, un jour, cela inspirera peut-être la suite de notre monde!

Mon coup de cœur

OVO, du Cirque du Soleil

Le spectacle OVO, que le Cirque du Soleil a créé sous chapiteau à Montréal il y a sept ans, est de retour cette semaine au Centre Bell. Et je dirais que c’est la meilleure adaptation pour aréna jamais réalisée. J’en avais gardé le souvenir d’un spectacle coloré à cause de l’univers des insectes qu’il recrée et musicalement très différent en raison du parti-pris brésilien. Tout ça est toujours bel et bien au rendez-vous, mais j’avais oublié à quel point la proposition acrobatique était forte.

Les numéros époustouflants se succèdent du début à la fin. Catherine Audy et Alexis Trudel sont tout simplement magnifiques dans leur duo de corde lisse. Le finissant 2016 de l’École nationale de cirque, l’Américain Kyle Cragle, nous éblouit dans son numéro d’équilibre sur canne. Le chinois Jianming Qiu nous bluffe sur son fil mou, et que dire du Taiwanais Wei-Liang Lin, qui est vraiment dans une catégorie à part dans le maniement du diabolo! Chacune des deux parties du spectacle compte aussi un numéro de groupe très spectaculaire, un aérien et l’autre avec trampoline et mur, exécutés essentiellement par des Russes et des Ukrainiens aussi disciplinés qu’intrépides. Ajoutons à cela des clowns diablement efficaces (mention spéciale au Madelinot François-Guillaume Leblanc), des costumes délirants de Liz Vandal et vous avez la promesse d’une soirée réussie.

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