Explorer la vallée du Drâa
Déjà, il y a les noms. Mhamid, Agdz, Zagora, Tamdakht... Nous venons de quitter le désert et toutes ces consonnes dont je ne sais que faire m’étourdissent. Chaque fois que je me risque à lire un nom à haute voix, j’ai l’élégance d’un touriste qui monte un dromadaire. Ça ballote dans tous les sens et je finis par crachoter quelques «h» ou «z» de trop.
La végétation de la vallée du Drâa s’agence parfaitement à la couleur du sable. Si j’avais le moindre talent en peinture, je prendrais un malin plaisir à ajouter des touches de ce vert mousse tirant sur le gris pâle aux couleurs du désert. Alors que tout semble recouvert d’une pellicule de sable, les palmiers, eux, arborent fièrement leur éclat. Les palmeraies ont quelque chose d’émouvant tant leur présence, si proche du désert, semble tenir du miracle.
Nous posons nos sacs chez Dar Qamar, maison d’hôte de charme, après trois jours coupés de la civilisation. Trois petites journées magiques où le temps s’est étiré au point de nous donner l’impression qu’au moins trois semaines se sont écoulées. Oui, revenir à la réalité – avec des routes, des voitures, des gens et du bruit – a quelque chose de déstabilisant. Dar Qamar nous permet d’atterrir en douceur, dans la ouate. Après deux nuits sous la tente dans le désert, la douche chaude s’apparente au plus délicieux des mirages. Et puis, il fait beaucoup trop froid pour profiter de la piscine en cette fin de journée de novembre.
Ce soir, la cuisine française est à l’honneur, mais nous buvons marocain. Le vin gris du Domaine de Sahari ravit notre joyeuse troupe. Est-ce à cause du nectar que l’étrange compilation de succès musicaux d’une autre époque nous paraît si enlevante?
Des dattes par centaines
Alors que nous déambulons dans la palmeraie, Saïd, notre guide, nous parle du Drâa, le plus long fleuve du Maroc, qui descend de l’Atlas, des pommiers de Sodome, dont j’oublie toujours l’autre nom (derija en arabe, tourza en berbère… merci Google!), des potirons qui poussent dans un jardin que nous traversons… En cette saison de récolte des dattes, les palmiers sont chargés de fruits et les questions, nombreuses. «Des dizaines de variétés, vraiment?» Je tombe des nues en apprenant qu’on en trouve environ 300, moi qui ai du mal à en apprécier le goût.
En marchant vers le ksar de Timidarte, je suis frappée par le sourire des villageoises. Aucune n’accepte que je lui tire le portrait, mais toutes semblent heureuses d’apercevoir notre petit groupe.
En discutant autour d’un thé à la menthe avec Hussein Achabak, propriétaire de la Kasbah Timidarte, convertie en maison d’hôte et restaurant, j’apprends que l’association de développement local implique les habitants du coin, soutenant notamment un programme d’alphabétisation et de petites entreprises. L’une concocte, par exemple, de la confiture de dattes. Au restaurant, les plats sont préparés avec des ingrédients provenant majoritairement d’un rayon de 15 km.
Rudimentaire mais chaleureuse, la casbah compte neuf chambres et peut accueillir jusqu’à 22 personnes. Depuis 2010, certains circuits de Terres d’Aventure s’y arrêtent. Des ateliers pour apprendre à faire la cuisine marocaine font partie des activités proposées. C’est l’occasion de «vivre» la culture plutôt que de rester un simple observateur.
Les retombées du tourisme durable sont palpables. «Nous souhaitons travailler sur toute la vallée afin de préserver le patrimoine naturel, la palmeraie, grâce au tourisme», insiste M. Achabak. Plus tard, depuis la superbe terrasse, sur le toit, nous apercevons le ksar et la palmeraie. Oui, j’aurais aimé peindre…
D’une casbah à l’autre
Avant de remettre le cap sur Marrakech, nous passons la nuit à la Kaskah Ellouze, à Tamdaght, non loin du très populaire ksar d’Aït Ben Haddou, inscrit sur la liste du patrimoine de l’UNESCO. Ici aussi, la terrasse donne envie de prendre tranquillement le thé en refaisant le monde. Les propriétaires, Colette et Michel Guillen, mariés depuis 40 ans, sont tombés sous le charme de la région lors de leurs premiers séjours au Maroc. Ayant toujours travaillé dans l’hôtellerie et la restauration dans le sud de la France, ils ont eu envie d’un nouveau défi dans cette contrée qu’ils ont visitée maintes fois avec leurs enfants.
Les travaux de rénovation de la casbah, ancienne résidence du Gloui, jadis le seigneur de la région d’Ouarzazate, ont été effectués par des villageois. Au fil du temps, la maison d’hôte a été agrandie, mais l’essence du lieu est restée.
Nous y dégustons l’un des plats les plus mémorables de notre séjour, un seffa aux cheveux d’ange, avec des coings. «C’est un plat berbère servi lors des grandes occasions», souligne Colette, ajoutant que Michel est aux fourneaux. Ce dernier étant toujours passionné par son métier, il a appris et adapté des recettes locales.
Je n’arrive toujours pas à prononcer correctement le nom des villes et des villages, mais une chose est sûre: mes papilles se souviendront parfaitement des saveurs de ce voyage!
Bon à savoir:
- Si l’association de Timidarte sensibilise les villageois aux différences culturelles, il en va de même auprès des touristes. Par exemple, on doit demander l’autorisation aux gens avant de les prendre en photo (cela devrait être le cas partout, remarquez).
- Terres d’Aventure propose 18 circuits accompagnés au Maroc, en plus des voyages sur mesure. Des guides francophones sont toujours du voyage.
Ce voyage a été réalisé grâce à une invitation de Terres d’Aventure et de Royal Air Maroc, qui propose des vols quotidiens vers Casablanca au départ de Montréal. Toutes les opinions émises sont 100% les miennes.