La chronique Société et Culture avec Claudia Larochelle

Auteur(e)

Claudia Larochelle

Claudia Larochelle est auteure (Les bonnes filles plantent des fleurs au printemps, Les îles Canaries, Je veux une maison faite de sorties de secours - Réflexions sur la vie et l'oeuvre de Nelly Arcan, la série jeunesse à succès La doudou, etc.) et journaliste spécialisée en culture et société. Elle a animé pendant plus de six saisons l'émission LIRE. Elle est chroniqueuse sur ICI Radio-Canada radio et télé et signe régulièrement des textes dans Les Libraires et Elle Québec. Elle est titulaire d'un baccalauréat en journalisme et d'une maîtrise en création littéraire. On peut la suivre sur Facebook et Twitter @clolarochelle.

À lire en 2019

E l e n a  F e r r a n t e.

Bon, maintenant que j’ai votre attention, je vous annonce que celle ou celui qui garde le mystère entourant sa véritable identité revient ce mois-ci avec Frantumaglia (Gallimard), un recueil de ses textes personnels qui invite le lecteur à entrer dans son monde de création. 464 pages de plaisir pour les milliers de fans de la célèbre auteure italienne de L’amie prodigieuse, dont l’œuvre a récemment été adaptée au petit écran.

Ce recueil d'Elena Ferrante est une invitation à entrer dans son monde de création.

Maintenant que le sujet Ferrante a été abordé et que le très attendu roman Sérotonine (Flammarion) du Français Michel Houellebecq est enfin disponible en librairie, à grands coups de tambours et trompettes d’ailleurs, nous pouvons nous attarder sur les autres titres qui risquent fort de faire jaser d’eux en 2019, d’autant plus que beaucoup d’entre eux semblent vouloir disséquer les maux de notre époque.

D’ailleurs, autant le préciser tout de suite, ce n’est pas une mince affaire que de répertorier ce qui s’en vient; ça exige autant d’organisation que lorsque je rassemble mes papiers d’impôts, mais c’est mille fois plus agréable, bien sûr. J’espère donc ne rien oublier, ce qui ne serait pas étonnant sachant que selon Livres Hebdo, 493 romans, dont 336 français et 157 étrangers, paraîtront ce mois-ci et le prochain.

Ajoutons à ce nombre les livres québécois comme Blanc (Alto) de l’auteur et photojournaliste fort charismatique Deni Ellis Béchard, qui a voyagé dans plus d’une soixantaine de pays et qui passe sa vie entre les États-Unis et le Canada. À la lumière d’observations au Congo, où se déroule en partie son nouveau roman, il jette un regard critique sur certaines organisations humanitaires occidentales installées en Afrique. Ses données sont étonnantes et percutantes. Espérons qu’il sera invité dans de nombreux médias pour en parler abondamment.

Dans son dernier ouvrage, l'auteur Deni Ellis Béchard jette un regard critique sur certaines organisations humanitaires occidentales installées en Afrique. 

Écriture de combat



La militante et journaliste d’origine montréalaise Naomi Klein, auteure du célèbre No logo (2001) sur la tyrannie des marques, met elle aussi le doigt sur un sujet d’actualité avec Le choc des utopies, attendu chez Lux éditeur et dans lequel elle revient sur les effets sur les populations des désastres naturels comme les tempêtes meurtrières de 2017 à Porto Rico, où les habitants sont aux prises avec la reconstruction et avec ceux qui profitent de leur désarroi pour exacerber les déséquilibres et s’en mettre plein les poches.

Naomi Klein revient sur les effets sur les populations des désastres naturels comme les tempêtes meurtrières de 2017 à Porto Rico.

En fiction française, cette fois, le fabuleux Éric-Emmanuel Schmitt présente à ses nombreux admirateurs Félix et la source invisible (Albin Michel), l’histoire d’un jeune Français de douze ans dont la maman, magnifique Sénégalaise, est plongée dans une dépression, une malédiction dont seul un voyage dans son village natal en Afrique viendra à bout. Charmante prémisse.

Éric-Emmanuel Schmitt fera plaisir à ses nombreux admirateurs avec Félix et la source invisible.

Adieu janvier

En février, on attend La terre (Leméac), dernier titre de la tétralogie de Sylvie Drapeau, qui a prouvé depuis Le fleuve qu’elle était véritablement une écrivaine portée par un univers bien à elle et une voix capable de porter ces éléments qu’elle décrypte si bien à travers les membres de sa famille. Cette fois, c’est sa sœur décédée qui est au cœur du récit poignant.

Chez l’écrivain franco-marocain Tahar Ben Jelloun, c’est la mère qui est «à l’honneur», en ce sens qu’elle est la première à faire les frais d’un scénariste de Tanger qui découvre un jour que tuer le délivre de l’insomnie. Assoiffé de sommeil, il part donc en quête de victimes. Plus la victime est importante, plus il dort. L’auteure que je suis jalouse férocement son idée dans ce qui s’intitule sans surprise L’insomnie (Gallimard).

L’auteure que je suis jalouse férocement l'idée de ce roman.

Franco-Marocaine elle aussi, Muriel Barbery avait séduit le monde avec L’élégance du hérisson paru en 2006. L’écrivaine de 49 ans s’est depuis bâti un solide lectorat qui sera ravi de retrouver sa plume dans Un étrange pays (Gallimard), un ovni à mi-chemin entre le conte et le roman dont les explications glanées ici et là me sont complexes à saisir (désolée, je suis «dure de comprenure»), mais qui évoquent l’histoire d’une contrée particulière où se joue la destinée des vivants. À suivre.

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Au Québec, le nom de Heather O’Neill est de moins en moins inconnu des amoureux de lecture. Plusieurs ont lu son extraordinaire Hôtel Lonely Hearts (Alto), traduit en français par la non moins talentueuse Dominique Fortier. Avec pour titre Mademoiselle Samedi soir, son nouvel opus suit Noushcka et Nicolas Tremblay, des jumeaux au seuil de la vingtaine qui vivent chez leur grand-père dans un minuscule appartement du boulevard Saint-Laurent. Rien de «normal» ne leur arrivera dans le monde de cette auteure montréalaise qui risque de faire beaucoup parler d’elle au cours des prochaines années.

Rien de «normal» n'arrivera à ces jumeaux au seuil de la vingtaine qui vivent chez leur grand-père dans un minuscule appartement du boulevard Saint-Laurent.

Quatre mains réunies

Si elle n’est plus inconnue pour personne en rayonnant à la télé comme à la radio, l’animatrice et journaliste Pénélope McQuade prend aussi parfois la plume pour s’exprimer, notamment par le biais d’une correspondance entretenue avec son grand ami, l’auteur et relationniste Alain Labonté. Après Moi aussi j’aime les hommes, que Labonté a coécrit avec Simon Boulerice, c’est avec elle qu’il publie Moi aussi j’aime les femmes (Stanké), dans lequel ils s’expriment avec franchise sur des questions d’intégrité, de féminisme, d’amitié, d’apparence, de succès, d’amour, de violence, etc.

Aussi, puisqu’il n’y a pas de mois qui passe sans l’apparition de nouveaux auteurs dans notre Belle Province, cette fois, en mars, c’est le nom de Rose-Aimée Automne T. Morin, mieux connue comme chroniqueuse, qui capte mon attention avec son premier titre déjà invitant, Ton absence m’appartient (Stanké), un recueil de récits qui témoigne de l’héritage moral et affectif légué par son père, fauché par un cancer alors qu’elle n’avait que seize ans.

Ce recueil témoigne de l’héritage moral et affectif légué par le père de l'auteure, fauché par un cancer alors qu’elle n’avait que seize ans.

Loin d’être un primo-romancier, le grand Larry Tremblay nous revient, en mars lui aussi, avec L’œil soldat (La Peuplade), un récit poétique bouleversant qui présente le monde d’un jeune homme qui passe un pacte avec le Diable lui permettant par un jeu de paupières de changer de sexe, de couleur, voire d’époque. On en rêverait… Gageons que le sensible écrivain saura une fois de plus nous amener à réfléchir à notre place sur Terre, à nos visées et à l’état de nos contemporains.

Gallimard a pour sa part prévu un tirage de 100 000 exemplaires, rien de moins, du roman Deux sœurs de David Foenkinos, qui a autant de chance de plaire que de décevoir – si je me fie au bilan des derniers titres de l’écrivain français – avec cette histoire de retrouvailles entre sœurs après que l’une d’entre elles se soit fait larguer par son amoureux avant d’avoir pu fonder une famille.

C’est déjà le cœur rempli d’espoir de retrouver la chaleur que je retrouverai aussi en avril et mai des titres comme ceux de Mylène Gilbert-Dumas (Le livre de Judith, VLB), Katia Gagnon (Rang de la croix, Boréal), Corinne Larochelle (Pour cœurs appauvris, Le Cheval d’août), Abla Farhoud (Dernier des snoreaux, VLB), Patrick DeWitt (Sortie côté cour, Alto), etc.

Bonne année! Je retourne lire.

Je craque pour… 

Hope is a dangerous thing for a woman like me to have – but i have it de Lana Del Rey

Tel est le long titre du troisième et dernier extrait en date de son nouvel album prévu pour le mois de mars et qui s’intitulera Norman Fucking Rockwell, en hommage au célèbre illustrateur. Hope is a dangerous thing for a woman like me to have – but i have it, une ballade mélodramatique comme seule les réussit la grande Del Rey, se veut un clin d’œil à la poétesse américaine Sylvia Plath, qui s’est suicidée en 1963 à l’âge de 30 ans. Désenchantement, mal de vivre, douce tristesse teintent cette somptueuse perle auditive. Allez écouter ça, c’est de la magie.