Élections municipales: l’heure de se faire entendre

À trois semaines du scrutin des élections municipales au Québec, les aînés doivent saisir l’occasion de se faire bien entendre auprès des candidats et futurs élus pour obtenir d’eux qu’ils rendent leur municipalité plus accueillante pour les personnes de 55 ans et plus – qui compteront pour 27% de la population québécoise d’ici six ans.



À Montréal, les deux principaux candidats à la mairie de Montréal, Valérie Plante et Denis Coderre, ont surpris tout le monde le 1er octobre en annonçant le même jour une série de mesures en faveur des aînés, allant du transport en commun gratuit à la création d’un Conseil des aînés en passant par la multiplication des bancs publics et même un congé de hausse de taxes foncières.

Ces mesures ne sortent pas d’un chapeau: elles découlent du patient travail effectué depuis 15 ans dans le cadre de la démarche Municipalités amies des aînés (MADA), un programme soutenu par le Secrétariat aux aînés et financé par le ministère des Affaires municipales, auquel adhèrent 850 municipalités québécoises. Et il y en aura encore davantage si les aînés questionnent leurs candidats et revendiquent.

Cet effort politique s’impose parce que toutes les villes ne sont pas des plus accueillantes pour les aînés. À commencer par les 250 municipalités et la moitié des MRC qui ne se sont même pas donné la peine de se joindre à la démarche MADA. Quant à celles qui l’ont fait, toutes ne participent pas avec la même conviction.

Dans des domaines comme le logement, la mobilité et la participation sociale, les progrès sont trop lents. Même du côté de Québec, la capitale nationale, les partis ne sont pas très loquaces sur les questions touchant les aînés. Tout au plus une promesse de Québec 21 qui préconise la création d’un centre récréatif de 15 millions pour les aînés. De telles initiatives ont déjà vu le jour à Laval et Saint-Jérôme. À Sherbrooke, le Parti Sherbrooke citoyen y va d’une promesse de créer un Conseil des aînés. Mais tout cela, c’est bien peu quand on pense aux besoins en matière de qualité de vie des aînés.

Certes, la réduction tarifaire en transport en commun fait du chemin partout. Mais qu'en est-il de la construction de logements sociaux pour les aînés à faible revenu, qui traine de la patte partout? La mobilité est un autre enjeu de taille. Si les candidats à la mairie de Montréal promettent des bancs publics, c’est parce qu’ils ont surtout pensé vélo. La pandémie a même amplifié certains problèmes à cause du recours systématique au web, pour les horaires d’autobus, par exemple, mais cette «webisation» des services, qui disqualifie bien des aînés, atteint désormais tous les services.

Êtes-vous MADA?

La première question à poser aux élus, c’est de savoir s’ils sont «MADA» et ce qu’ils font pour les aînés. Formulés en 2005 lors du congrès de l’Association internationale de gérontologie et de gériatrie à Rio de Janeiro, les principes du MADA se fondent sur trois idées simples: une municipalité amie des aînés doit assurer leur santé, leur participation et leur sécurité dans une logique de prévention et de vieillissement actif.

Le Québec a fortement adhéré à cette idée. Avec raison: la population québécoise vieillit à un rythme ahurissant. D’ici 2030, la population des 55 ans et plus croîtra très rapidement; dans le cas des 65 ans et plus, elle va doubler, passant de 14 à 27% – plus du quart de la population. Depuis 2015, ce groupe dépasse désormais en nombre celui des enfants de moins de 14 ans.

Dès 2007, une équipe de chercheurs de l’Université de Sherbrooke a mis en place des projets pilotes Villes amies des aînées (VADA-QC) dans des sept municipalités québécoises. La ville de Sherbrooke a même figuré parmi les 33 villes qui ont servi de modèle au Guide mondial des villes amies des aînés créé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) la même année. En 2009, le gouvernement du Québec s’est basé sur les résultats de VADA-QC pour élaborer un programme d’accompagnement financier et technique pour les municipalités amies des aînées.

Les municipalités participantes ont ainsi pu embaucher 1 200 responsables des questions familiales et des personnes aînées (RQFA). Les RQFA ont pu coordonner une foule de projets. C’est parfois aussi simple que des activités d’apprentissage ou de sensibilisation contre l’âgisme. Certaines y vont d’une réglementation pour l’habitation multigénérationnelle. D’autres installent des navettes «Or» reliant les RPA aux centres commerciaux. Les offices municipaux de santé publique vont constituer des listes de résidents à risque en cas de canicule ou d’épidémie. Les offices d’habitation créent des plaquettes signalétiques sur les portes des logements qui renseignent le personnel de soin sur les limitations physiques des résidents.

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Le logement, le nerf de la guerre

Là où le bât blesse de façon quasi universelle, c’est en matière de logement, où les lacunes demeurent abyssales. Cela touche aussi bien l’accessibilité financière que la répartition des ressources sur le territoire, la diversité de l’offre, les services offerts et la participation aux décisions. Le problème du logement – et du logement abordable – est donc criant, en particulier pour des aînés qui dépendent d’un système de retraite pas particulièrement généreux.

C’était d’ailleurs le principal constat du rapport Bien vieillir au Québec – Fiche sur le logement, produit en 2020 par l’Observatoire des inégalités. Il soulignait que ce problème était particulièrement flagrant en milieu rural, qui subit un déclin important. Depuis 2008, la moitié des petites RPA (neuf unités et moins) ont fermé. Le seul type de RPA en croissance depuis 2008 est celui composé de cent unités et plus, typique des grandes villes.

Et la santé?

Les aînés ont d’autant plus intérêt à peser sur les élections municipales que ce palier de gouvernement est non seulement le plus près d’eux, mais aussi celui qui a le plus d’impact sur leur quotidien – mis à part le ministère de la Santé et des Services sociaux.

La pression politique, si elle est efficace, pèsera nécessairement sur la prochaine élection générale au Québec, prévue à l’automne 2022. D’abord parce que les municipalités ont un énorme pouvoir d’influence sur Québec. Et ensuite parce que le gouvernement du Québec est plus sensible que jamais aux questions relatives au bien-être des aînés. Le désastre de la première vague pandémique aura au moins eu ça de bon.

Rappelons les trois principes qui sous-tendent le programme MADA: santé, participation et sécurité. Les villes sont évidemment très bien équipées sur les deux derniers, mais le premier est une prérogative du gouvernement québécois. Or, depuis 20 ans, celui-ci a résolument orienté les 3 S – la santé et les services sociaux – vers le soin hospitalier et gravement négligé les soins à domicile et tout ce qui s’associe au maintien dans les lieux – là où les aînés vivent et veulent vivre.

Que ce soit Québec ou les municipalités, ils comprendront mieux si les aînés se font entendre.

 

Éditorial

Auteur(e)

Jean-Benoît Nadeau

Chroniqueur au Devoir et collaborateur au magazine L’actualité, Jean-Benoît Nadeau a publié plus de 1 000 reportages et chroniques, remporté deux douzaines de prix journalistiques et littéraires, signé huit livres, vécu dans trois pays, élevé deux enfants et marié une seule femme.