Divina Dali, une visite inédite en enfer, au purgatoire et au paradis
Jeune, on s’est fait beaucoup parler de l’enfer, du purgatoire et du paradis, trois lieux qui ont grandement alimenté notre imaginaire. Dans notre société devenue laïque, ces notions sont tombées en désuétude, mais voilà qu’une exposition exceptionnelle nous y replonge avec les mots de l’italien Dante Alighieri (La Divine Comédie) et les images de l’artiste espagnol Salvador Dali. Et savez-vous quoi? C’est tout à fait d’actualité de se faire parler d’envie, d’orgueil, de fraude, d’avarice et de manières d’élever son esprit.
L’exposition Divina Dali est présentée au Grand Quai du Vieux-Port de Montréal depuis la mi-juillet. Alors qu’il ne reste qu’un mois pour la voir, je me suis finalement décidé à aller la visiter. J’avoue que je n’étais pas tant attiré par le sujet, pas plus que par Dali, un peintre qui ne me rejoint pas. Ça aurait été une erreur que de passer à côté de cet événement majeur à Montréal.
D’abord, c’est un Dali bien différent qu’on y découvre. On est loin des toiles surréalistes grand format que l’on connaît de lui, comme La persistance de la mémoire (souvent appelée Les Montres molles). Les 101 œuvres qu’on nous présente dans cette généreuse exposition sont essentiellement des estampes. Leur format modeste (340 x 270 mm) ne les rend pas moins spectaculaires.
Chaque image est la représentation que l’artiste a faite de chaque chant du poème La Divine Comédie de Dante. Il y en a 100, soit 33 dans chacune des trois parties, plus une qui présente l’ensemble. Du grand départ à la rencontre des anges de l’empyrée en passant par l’âge d’or, Dali a mis plusieurs années à compléter cette commande que l’État italien lui avait passée en 1950.
Toujours sûr de lui, à la limite suffisant, ce maître du surréalisme a abordé cette mission avec humilité, se mettant au diapason de l’œuvre, aussi costaude qu’universelle, qu’il avait à illustrer.
Chaque tableau est unique, rempli de détails pour arriver à traduire au plus près ce pèlerinage en trois univers distincts que Dante s’est imaginé faire avec le poète Virgile, parmi les avares et les prodigues, les hérétiques, les blasphémateurs, les séducteurs, les paresseux, mais qui s’achève entouré de la muse Béatrice, de bienheureux et d’anges gardiens auréolés.
Autant les œuvres que le contexte dans lequel elles sont présentées évoluent au fil de la visite. Dans la salle de l’Enfer, les images de Dali sont dantesques. Elles témoignent de l’horreur et de la souffrance. Les rideaux noirs, les éclairages rouge orangé et une trame sonore empreinte de gravité complètent le portrait.
Le purgatoire, que Dante décrit comme un passage purificateur, est recréé dans une pièce où les lumières sont d’une teinte plus apaisante. Dans ses dessins, le trait de Dali s’adoucit aussi, offrant répit et espoir. Il en va de même pour la musique.
La salle du Paradis, elle, est lumineuse, les estampes arborent couleurs et plénitude, et la musique est à l’avenant. Un bel encouragement à espérer le paradis à la fin de nos jours.
Pour nous guider dans ce périple, des extraits de La Divine Comédie émaillent la visite. J’ai bien aimé cette citation : « Il n’est pas de plus grande douleur que de se rappeler, au sein de la misère, les temps heureux. » Et cette autre : « Avoir entendu sans retenir ne fait pas la science. »
L’exposition Divina Dali est une présentation de La Girafe en feu, une compagnie de production d’ici qui a emprunté son nom à une œuvre de Dali réalisée en 1937. Ils ont raison de se dire en feu, car la première exposition de Félix Bélanger, producteur exécutif et concepteur, et Raynald Michaud, commissaire, est parfaitement réussie. Cela tant au niveau du contenu, inédit en nos terres, que de la scénographie. Les 100 gravures, présentées dans des boîtes vitrées qui les protègent, sont magnifiquement éclairées et permettent d’apprécier toute la précision du travail de l’artiste.
La cent-unième œuvre de l’exposition, Cloud (Nuage), est une huile sur toile (613 x 886 cm) que Dali a réalisée en 1944 pour le film Spellbound (La maison du docteur Edwardes) d’Alfred Hitchcock. C’est la première fois que ce tableau est exposé publiquement. C’est la seule œuvre qu’on ne peut pas photographier.
Vous avez jusqu’au 31 octobre pour voir Divina Dali à Montréal, après quoi l’exposition prendra le chemin de Toronto. Une tournée internationale suivra.