Élections fédérales: a-t-on oublié les 55 ans et plus?

Les citoyens de 55 ans et plus semblent être les grands oubliés de cette élection fédérale. Alors que la population canadienne vieillit, le nouveau gouvernement devra faire plus au chapitre des transferts en santé, un dossier qui touche tous les Canadiens de toutes les provinces, et les aînés au premier chef. Il doit également faire plus pour réduire leur précarité financière, laquelle a une incidence sur le bien-être et la santé.



Malheureusement, on ne trouve rien de bien satisfaisant dans les programmes des partis politiques fédéraux, comme s’ils avaient abandonné ces questions. Et pourtant, les organismes de défense des droits des aînés, dont le Réseau FADOQ, réclament depuis longtemps ces améliorations.

On ne redira jamais assez à quel point le régime de santé, administré par les provinces, souffre de la mesquinerie de l’administration fédérale, qui veut imposer ses règles tout en finançant moins. Jusqu’en 1977, le fédéral assumait 50% des frais de santé des provinces, ce qui était normal puisque c’est lui qui avait décidé que l’assurance maladie serait universelle.

Actuellement, la contribution fédérale est réduite à 21,7% – une baisse colossale – alors qu’il impose encore plus de conditions qu’il y a 50 ans.

Les réductions les plus drastiques ont eu lieu dans les années 1990, alors que le gouvernement fédéral avait réussi à équilibrer son budget en se dédisant de la plupart de ses engagements aux provinces. Arrangez-vous! Autrement, le gouvernement fédéral a surtout procédé par attrition, c’est-à-dire par la non-indexation de sa contribution, alors que les coûts montaient.

En 2004, la contribution fédérale était aussi basse que 17%. Elle est remontée à presque 22% l’an dernier. Mais si elle était remontée aussi vite qu’elle était descendue, la part fédérale dépasserait 40%.

Le vrai problème du système de santé du Québec ne tient pas qu’à la réforme Barrette. Depuis Jean Rochon en 1994, les dix titulaires du ministère de la Santé et des Services sociaux ont tous dû composer avec le sous-financement fédéral. Presque tous leurs plans ont été contrecarrés par les restrictions fédérales. Trois de ces ministres (Marois, Couillard, Legault) sont devenus premiers ministres sans parvenir à renverser la vapeur avec le fédéral, qui prélève des impôts, qui promet mers et monts, et qui ne livre pas. On ne le dira jamais assez.

La santé, ça coûte cher: 40% du budget québécois, soit actuellement 43 milliards, sur un budget provincial de 107 milliards. Sous l’effet du vieillissement de la population, les coûts de la santé ont plus que doublé en 17 ans, passant de 17 à 43 milliards. Et d’ici 20 ans, il faudra encore composer avec une hausse de 33%, pour atteindre les 58 milliards. C’est énorme.

Depuis 2004, la contribution fédérale a augmenté de 4 à 9 milliards, et en proportion de 17 à presque 22%. Compte tenu de tout ce que le gouvernement impose, elle devrait logiquement se chiffrer autour de 21 milliards, ou 50%. Ce ne sont pas les petits cadeaux budgétaires ponctuels, comme celui du dernier budget, qui vont y changer quelque chose.

La contribution fédérale au régime de santé québécois devrait être de 21 milliards, pas neuf. C’est 12 de plus que ce qu’il verse. Sur 20 ans, la différence se mesure en centaines de milliards, que les régimes provinciaux épongent tandis que le fédéral réserve l’argent.

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Tout le pays est touché

Le problème du sous-financement fédéral est généralisé à l’ensemble du pays. Les provinces réclament 28 milliards de plus, dont six pour le Québec. Mais ce n’est que la moitié de ce qu’il faudrait. Quand on sait tout ce que le gouvernement fédéral a dépensé pour un problème ponctuel comme la COVID, il est décevant qu’il s’intéresse si peu «aux vraies affaires».

Rien de ce que proposent Justin Trudeau ou Erin O’Toole sur leur plateforme électorale n’est satisfaisant. Du côté du Parti conservateur, on promet de faire passer la hausse minimale annuelle de 3 à 6%, mais cela se résume à suivre la hausse des coûts sans rattrapage possible.

Quant aux libéraux, ils promettent plus d’argent pour engager des médecins, ou améliorer les soins aux aînés ou en santé mentale, mais on est bien obligé de dire que le fédéral n’a pas à dicter des conditions après avoir saboté tout le système depuis 30 ans. Promettre 7 500 médecins, c’est bien beau, mais on n’a aucune idée d’où il peut les prendre autrement qu’en maraudant dans les systèmes de santé des autres pays.

Certes, le système de santé québécois a bien d’autres problèmes qui ne sont pas que financiers. Comme le montre le tout nouveau rapport de la commissaire à la santé et au bien-être, Joanne Castonguay, nous sommes aux prises avec une mauvaise gestion récurrente.

Mais on aura beau dire que Québec peut faire mieux, des niveaux de transferts plus réalistes d’Ottawa feraient une très grosse différence, surtout si ces transferts n’imposent pas de charges additionnelles. Quand Yves-François Blanchet, du Bloc québécois, dit «Faites le chèque, taisez-vous», il exprime la position des dix premiers ministres provinciaux.

Il faudrait également s’enlever de la tête l’idée que les provinces réclament «davantage»: le régime de santé universel comme voulu par Ottawa devait être financé à 50% par le fédéral, qui s’ingénie à se soustraire à ses obligations depuis presque deux générations. Ce qu’il devrait donner, c’est ce que ça coûte – pas «davantage».

Les 55 ans et plus auraient-ils disparu?

Et ça ne s’arrête pas là dans ce qui devrait être fait pour venir en aide aux plus de 55 ans et qui passe sous silence dans cette campagne électorale. Nous en avons déjà parlé ici, il faut des mesures pour combattre la précarité financière des aînés, mieux soutenir les proches aidants et mieux protéger les fonds de retraite. Autant d’enjeux qui touchent directement la sécurité et la qualité de vie des aînés, qui représentent plus de 40% de la population. Tous ces Canadiens seraient-ils disparus de la carte électorale fédérale?

 

Éditorial

Auteur(e)

Jean-Benoît Nadeau

Chroniqueur au Devoir et collaborateur au magazine L’actualité, Jean-Benoît Nadeau a publié plus de 1 000 reportages et chroniques, remporté deux douzaines de prix journalistiques et littéraires, signé huit livres, vécu dans trois pays, élevé deux enfants et marié une seule femme.