Mme Papillon dans sa robe de mariée. Pentax K50 et lentille Tamron 90 mm. Photo: Carole Sainte-Marie
12 août 2021Auteure : Carole Sainte-Marie, SPPQ

La beauté, le photographe et son œuvre

Qu’est-ce que la beauté, et comment réussir à la capturer en photo? C’est ce que vous explique la photographe Carole Sainte-Marie.


«Nous n’avons après tout que quelques années à passer dans ce mystère qu’est la vie. Autant l’éclairer par un peu de beauté, de passion, d’amusement.» - Jean d’Ormesson 

C’est une disposition à reconnaître le beau dans les formes, les couleurs et les textures qui poussera une personne à choisir la photographie en tant que passe-temps. Cette beauté, appréciée du photographe avant la prise de vue, s’offre ensuite à celui ou celle qui contemple la photographie finale. Nous pouvons donc tous partager une émotion devant une photo réussie, belle à regarder.

Les critères de beauté

L’étude de la beauté remonte à l’Antiquité et a fasciné de nombreux mathématiciens. Une savante formule géométrique la définit, mais retenez simplement qu’il s’agit des proportions qu’un sujet doit posséder. Il en va de la distance spécifique devant séparer divers points, tels les traits du visage, et englobe les réalisations architecturales, dont les pyramides.

Un tel équilibre de beauté se retrouve partout en nature. L’anatomie des fleurs en est un des meilleurs exemples. On reconnaît la beauté dans la répétition d’une forme ou d’un motif: les ailes d’un papillon, les fleurons de la marguerite, l’abondance d’un feuillage.

La magie de la beauté

Peu importe le sujet, la beauté opère en nous de façon magique: elle apaise et éblouit, d’où son importance dans nos vies. Grâce à la photographie, nous pouvons nous approprier, d’un seul déclic, les moments de grâce qui jalonnent notre existence. Une photographie nous permet de renouveler l’émotion ressentie au moment de la prise du cliché autant de fois que nous le désirons, en plus de la partager avec autrui.

Mon chien: Caméra Pentax Optio Z10 – Prise en plongée, c’est le regard de Nicky qui attire l’attention, fait entrer le spectateur dans l’image et l’invite à se demander ce qu’il peut bien regarder, voire penser. Cette photo a été choisie par l’American Humane Society pour l’un de ses calendriers. Photo: Carole Sainte-Marie  

Pour certains photographes occasionnels, une lente maturation s’opère entre l’achat d’un premier appareil et celui d’un autre, plus performant, qui permettra de s’investir davantage dans la pratique de cet art. Entre ces deux moments s’affine la reconnaissance des normes régissant la beauté, qui toujours parle de l’harmonie dégagée par les choses, les lieux, et les êtres. 

Le photographe

L’appareil ne fait pas le photographe et tout amateur, peu importe son niveau de connaissance ou ses limites financières, peut développer une façon de voir qui lui soit personnelle et choisir un style et des sujets qui lui conviennent. Ainsi, même muni d’un appareil bas de gamme ou d’un téléphone cellulaire, l’artiste dans l’âme peut réussir à créer des chefs-d’œuvre visuels en mettant à contribution un des pictogrammes des modes prédéfinis (ombragé, ensoleillé, etc.) offerts par l’appareil. Le succès dépendra cependant de l’utilisation, consciente ou non, des règles de base de cet art visuel.

La règle des tiers

En premier lieu vient le cadrage. À cet effet, il est bon de maîtriser la technique appelée «règle des tiers»; outil de prédilection des dessinateurs, des peintres et des photographes professionnels.

L’application de cette règle, offrant un canevas quasi infaillible sur le plan de l’harmonie, permet d’excellentes compositions. Pour aider le néophyte, les réglages de l’appareil photo offrent la possibilité d’inclure dans l’écran une grille qui le divise en neuf parties égales. Il suffit d’y placer le sujet entre les points forts du centre, ou sur l’intersection des lignes situées à gauche ou à droite, ou encore de le présenter sur une ligne horizontale occupant soit le tiers ou les deux tiers du cadrage. Une telle attention au détail évitera de retrouver tout objet inutile ou dérangeant dans une photo, l’œil du spectateur devant être attiré par ce qu’on veut mettre en valeur.

Je suis fleur, et fière:  Pentax K50, lentille Tamron 90 mm  – On y voit la répétition harmonieuse d’un motif. Son centre se trouve entre les points forts de la règle des tiers. Photo: Carole Sainte-Marie

Le réglage de la lumière

La lumière pose un vrai défi et demande d’établir l’équilibre idéal entre le réglage de la sensibilité (ISO), l’ouverture du diaphragme et la vitesse de l’obturateur. En gros, il s’agit de réguler l’influx de lumière nécessaire au résultat désiré.

Bien réussir cette triangulation demande de la pratique: un ISO élevé, par exemple, permettra de compenser pour un manque de luminosité, tandis que la vitesse déterminera le temps de pénétration de la lumière dans l’appareil et que l’ouverture contrôlera le degré de lumière qui y entrera. Par manque de connaissances, plusieurs se tireront d’affaire en utilisant le mode automatique, qui règlera tous les réglages ou une partie de ceux-ci.

L’inspiration

L’inspiration se présente sous plusieurs formes. Dans notre quotidien, nous sommes envahis par des images accrocheuses ayant pour but de vendre un produit ou d’inviter un lecteur à poursuivre la lecture au-delà du titre. Les sites Pinterest ou Instagram ne sont pas en reste, offrant une manne de photos léchées qui peuvent nous tenir captifs de notre écran durant des heures. Toutes ces images influencent et affûtent le regard. Tout comme le romancier nourrit son talent en lisant les œuvres d’autres auteurs, le photographe intègre, de façon consciente ou inconsciente, les règles de composition en admirant et en étudiant le travail des autres.  

Invitation au large, Saint-Jean, île d’Orléans: Téléphone cellulaire  - Ici, l’image se veut sereine et se divise en trois lignes horizontales. Photo: Carole Sainte-Marie

La beauté est à portée de main. Une simple promenade dans votre quartier se prête à la découverte de la flore et de la faune qui s’y épanouissent, sujets par excellence si vous possédez une lentille macro (sinon, le pictogramme de la fleur, ou le zoom de votre téléphone cellulaire feront l’affaire). En vous aventurant un peu plus loin, ce sont les murales, les sculptures, l’architecture, les étals des marchés ou encore les parcs pourvus d’arbres matures et de plans d’eau qui attireront votre attention. En saison, les feux d’artifice, les festivals, les défilés et leurs costumes multicolores offriront l’occasion de capter ce qui fait vibrer. Quant aux excursions et vacances à l’extérieur de votre coin de pays, elles offrent une occasion supplémentaire de contemplation… et de prises de vue.

L’œuvre

À la pratique de la photographie et aux occasions de socialiser via les groupes dédiés à cette activité, se joint un appel intérieur, plus puissant encore, à exercer votre propre créativité dans une recherche d’esthétisme. Témoigner de la beauté demeure, à mon avis, la véritable motivation à se servir d’un appareil photo. À travers le désir de chercher le meilleur angle, de présenter l’essence même d’un sujet, de se surpasser techniquement et, de ce fait, d’y dévoiler une partie de son âme, une telle démarche ressemble à une quête dont le Graal nous reste accessible. Ses effets, magiques, se dévoilent en ouvrant le cœur, faisant surgir l’émotion, et nourrissant l’intellect.

Nain de jardin: Téléphone cellulaire. Il y a un foisonnement d’éléments dans l’image. Cependant, le visage du gnome, y compris sa barbe, se trouve entre les points forts de la règle des tiers tandis que le trou de la cabane d’oiseau est sur la jonction supérieure gauche. Photo: Carole Sainte-Marie

La beauté englobe l’équilibre des formes, l’harmonie des couleurs, une sérénité ambiante ou même une joie de vivre contagieuse. Inconsciemment, parfois même avant d’avoir empoigné votre appareil photo, l’imagination a fait apparaître le produit fini dans votre esprit, suscitant un enthousiasme qui se renouvelle à chaque occasion. La règle des tiers a probablement été appliquée, la perspective transporte ailleurs, les contrastes plaisent, les couleurs calment ou stimulent, et l’image forme un tout harmonieux. Ce que l’œil a reconnu, la beauté du sujet en tant que source d’inspiration et de plaisir, rend hommage à la vie même.

À propos de l’auteure

Durant les années 1970, Carole Sainte-Marie a suivi un cours au Cégep de Sainte-Foy, a possédé sa chambre noire et a fait partie du club des Photographes artisans de Québec. Quelques photos ont reçu une mention lors d’expositions annuelles du club. Un changement de vie suivi du vol de son équipement l’ont éloignée de cette activité durant une longue période. Son attrait pour la macrophotographie la ramène peu à peu à ses anciennes amours.

Photo: Carole Sainte-Marie