Regardez-vous le nombre d’étoiles avant de louer un hébergement?
Faites-vous partie des gens qui se fient au nombre d’étoiles pour choisir un hébergement? Privilégiez-vous plutôt les avis des voyageurs sur des sites comme TripAdvisor? Ou alors, vous préoccupez-vous du nombre d’étoiles seulement quand vous hésitez entre deux options? Si vous avez répondu «oui» à la première et à la troisième question, vos habitudes pourraient devoir changer puisque la ministre québécoise du Tourisme, Caroline Proulx, a déposé un projet de loi le 8 juin afin d’abolir le système de classification obligatoire et le panonceau étoilé.
Pour Caroline Friedmann, les étoiles sont un indicateur parmi tant d’autres. Cette jeune retraitée, qui utilise notamment Booking, dit rechercher un minimum de confort, sans pour autant avoir besoin de luxe. «Je regarde le nombre d’étoiles, mais surtout les commentaires qui reviennent et les photos. Mon critère premier est la propreté et le confort du lit et la proximité des activités.» Ses critères fluctuent aussi selon l’objectif du séjour. «Si c’est juste pour dormir ou si je passe du temps dans l’hébergement, mes critères changent.» Elle dit également se fier aux blogues et aux commentaires sur Facebook.
«Je me fie un peu sur les étoiles dans la comparaison rapport qualité-prix», affirme pour sa part Catherine Voyer-Léger. Si elle repère un hébergement à peine plus cher que celui qu’elle a dans sa mire et qu’il compte une étoile de plus, il est possible qu’elle tranche en faveur de ce dernier. Esther Chénard admet quant à elle considérer les étoiles lors de ses recherches, mais que «les commentaires des autres clients pèsent lourd dans la balance pour le choix final».
Un programme désuet
Critiqué depuis plusieurs années, le programme obligatoire de classification instauré en 2002 et supervisé par la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ), que la ministre Caroline Proulx a qualifié de «désuet» en conférence de presse, serait remplacé par un simple enregistrement en ligne, et une déclaration annuelle de l’offre d’hébergement et des services offerts serait exigée. «Selon le modèle actuel, des agents de classification visitent et évaluent tous les deux ans les quelque 1300 établissements hôteliers de la province en fonction d’un imposant guide de 150 pages, résume Radio-Canada. Celui-ci tient compte de normes allant de l’état des murs à la présence d’une piscine en passant par le nombre de cintres ou la présence de deux lignes téléphoniques dans les chambres.»
«Ma compréhension n’est pas que le système d’étoiles va disparaître, souligne Dany Thibault, directeur régional d’Urgo Hotels & Resorts Canada. Il évolue pour se rendre plus agile et pour être plus représentatif des besoins des hôteliers.» Pour les bannières du groupe, qui compte notamment Marriott et Hilton, le système d’étoiles du Québec n’était, de toute façon, pas utilisé pour promouvoir les établissements. M. Thibault reprochait à la classification de se baser sur des critères anodins – par exemple, le nombre de savons –, alors que les clients se préoccupent surtout du service. «Quand on regarde sur TripAdvisor, à peu près 70 à 80% des commentaires sont axés sur le service», observe-t-il. Selon lui, sur le plan commercial, «les étoiles n’ont aucune valeur».
Claudine Roy, propriétaire de l’Auberge sous les arbres, en Gaspésie, abonde dans le même sens. Pour la propriétaire de cette charmante auberge trois étoiles de Gaspé, qui fait partie du 10% des meilleurs hôtels au monde selon le Travellers’ Choice de Tripadvisor, les critères du système de classification qui prévalent depuis 2002 ne permettent pas de comparer adéquatement les établissements. «Je trouve que les étoiles, ça n’a pas de sens. Je ne serai jamais un cinq étoiles parce que je n’ai pas de téléphone dans la salle de bain, pas de planche à repasser, pas d’ascenseur…» L’entretien des chambres et un accueil hors pair lui semblent plus importants.
Et les chalets?
Les chalets aussi sont évalués par Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ). «Les critères sont déterminés par la CITQ, explique Christine Pouliot, directrice du marketing et des communications d’Hôtel à la maison, une agence de location de chalets. Par exemple, l’espace dans la chambre, le nombre de places dans le salon, la proximité d’une station de ski, etc. Des points sont donnés selon ces critères. C’est ce qui détermine la classification. Mais les gens ne regardent plus vraiment cela. Ils se fient aux avis des voyageurs. Qu’est-ce que ça veut dire d’avoir cinq salles de bain?»
«Nous avons des chalets avec des designs contemporains, poursuit-elle. Par exemple, Le pin perché, dans Charlevoix, est monté comme un bateau. Les chambres sont petites. Dès que tu as un produit niché, tu sors des catégories. Il ne pourrait jamais décrocher cinq étoiles à cause de la taille des chambres.»
Les chalets d’Hôtels à la maison peuvent être loués par l’entremise du site de la compagnie, mais aussi sur Airbnb. Selon elle, malgré les avis négatifs qui se glissent parfois dans les commentaires, les consommateurs arrivent à lire entre les lignes. «Les gens ont assez de jugement pour faire une moyenne. Ils regardent les avis des voyageurs et se font leur propre idée.»
Un juste milieu?
Si la majorité des vacanciers semble déjà avoir l’habitude de baser ses décisions sur plusieurs critères, l’absence d’étoiles ferait-elle vraiment faire une différence? «Ultimement, ça va changer quoi pour les voyageurs? demande Frédéric Gonzalo, consultant marketing et médias sociaux. En surface, rien. Par contre, je pense que c’est dans les subtilités qu’il y aura une différence. Ça [les étoiles] forçait une certaine standardisation et une homogénéité.» Il donne l’exemple du service aux chambres, nécessaire pour les hôtels cinq étoiles.
Selon lui, il apparaît essentiel que les consommateurs puissent avoir des éléments de comparaison. Même s’il reconnaît que certains critères du système de classification actuel étaient archaïques et que le guide avait besoin d’être actualisé, il espère qu’une version allégée et plus en phase avec l’époque pourra être mise en place. «L’humain a besoin de comparer, avec certains standards et normes.» Parmi les critères qu’il aimerait voir être pris en considération, mentionnons le service à la clientèle par texto et sur les réseaux sociaux.
Dans La Presse, le 11 juin dernier, le journaliste Mario Girard se disait étonné que la ministre souhaite que les clients s’en remettent désormais à TripAdvisor, «une entreprise américaine présente partout sur la planète», pour prendre une décision et que l’Association Hôtellerie Québec (AHQ) soit d’accord avec cette mesure. Il craint notamment les faux commentaires.
Sur LinkedIn, Christiane Germain, coprésidente et chef de la direction des Hôtels Germain, a partagé l’article, qu’elle a qualifié de «très intéressant», ajoutant: «Je pense aussi que c’est un jeu très dangereux pour notre industrie.»
«Cette décision s’inscrit dans une mouvance qui tend à nous éloigner de plus en plus des experts, des spécialistes, des personnes qualifiées, écrit Mario Girard. On se fout de leurs connaissances et de leur expertise. On veut savoir ce qu’en pensent nos semblables. C’est plus réconfortant.»
Je ne sais pas ce qui est réellement réconfortant, mais chose certaine, le sujet provoque un certain inconfort.
Pour le moment, les panonceaux sont toujours bien visibles dans les établissements touristiques. Voyons comment le dossier évoluera. En attendant, profitons de nos vacances… avec ou sans étoiles.