Quand l’architecture transforme les logements sociaux
Il devrait se construire au cours des prochaines années des milliers de logements sociaux au Québec, dont 12 000 à Montréal seulement. Une architecture inspirée pourrait contribuer à faire de ces habitations des lieux de vie agréables, et non seulement abordables, comme le démontrent ces différents projets.
Miser sur les lieux communs
De plus en plus de projets de logements sociaux qui s’illustrent dans le monde misent sur l’intégration de lieux communs. La tendance fait d’ailleurs des petits au Québec.
En regardant les concepts proposés par la firme d’architecture et de design MXMA pour des habitations sociales prévues au 4570, Henri-Julien, à Montréal, on se demande d’ailleurs pratiquement si on a affaire à des logements abordables ou à un campus universitaire.
«L’organisation programmatique et spatiale des espaces communs, tant intérieurs qu’extérieurs, se retrouve à être le cœur de l’exercice d’aménagement de logements sociaux», explique la firme dans sa présentation du projet.
Certains projets proposent notamment des salles à manger communes, des jardins communautaires, des aires de détente, de travail, etc. Les lieux communs maximisent non seulement l’espace, mais améliorent aussi l’esprit de communauté des habitations.
Concevoir des espaces multigénérationnels
Certains projets sociaux réservent des logements pour les familles multigénérationnelles, avec les besoins que cela provoque (par rapport à l’espace, à l’intimité, à l’accessibilité et aux services, par exemple).
D’autres vont aussi combiner des logements pour les personnes âgées et pour les familles dans un même immeuble. Les habitations polonaises Nowe Żerniki ont d’ailleurs gagné plusieurs prix au cours de la dernière année à cause de cette approche pour un de leurs bâtiments, dont la construction s’est achevée l’année dernière, et qui intègre ainsi autant des services pour les aînés qu’une garderie.
«Leur cohabitation dans un même espace est bénéfique à bien des égards – elle enseigne le respect mutuel et prévient le sentiment d’exclusion, elle soutient l’activation des personnes âgées, donne aux résidents un sentiment de sécurité et habitue les enfants à la vie au quotidien avec les personnes âgées et les personnes handicapées», souligne sur son site la firme d’architectes Majorarchitekci.
S’intégrer au quartier environnant
Les meilleurs projets de logements sociaux savent s’intégrer à leur environnement, ce qui facilite par la suite l’intégration des résidents.
Dans la description de 10 logements sociaux sur la rue Castagnary, à Paris, la firme d’architectes Dietmar Feichtinger note par exemple plusieurs façons par lesquelles son immeuble parvient à avoir une unicité, tout en se fondant dans le quartier: «L’immeuble est couvert d’une vêture en lamelles métalliques blanches qui répond à la couleur dominante du quartier. Son écriture est contemporaine et répond à la finesse et au souci du détail de certains immeubles du quartier. Le rythme des percements reprend celui des immeubles alentour et les grandes ouvertures verticales s’inspirent des fenêtres parisiennes», explique la firme.
Maximiser l’espace
Les projets sociaux doivent souvent offrir un grand nombre de logements pour répondre aux besoins de la population, ce qui ne veut pas dire qu’il faut y entasser les résidents!
Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, les gagnants de l’édition 2021 du prix Pritzker (souvent présenté comme le Nobel de l’architecture), ont d’ailleurs été louangés pour leur capacité à offrir de grands espaces aux résidents des logements sociaux qu’ils conçoivent.
Lorsqu’ils ont été chargés de transformer 530 logements sociaux de Bordeaux il y a quelques années, ils ont ainsi fait passer la superficie totale de ces derniers de 38 400 m2 à 68 000 m2, sans toucher à la structure des immeubles pour ne pas faire exploser les coûts.
«À travers ce projet, le logement "social", patrimoine immobilier souvent décrié, montre l’exemple de transformation pertinente et économe, qui produit, à partir d’existants jugés a priori sans qualités et perçus négativement, des logements généreux, confortables, performants énergétiquement, qui renouvellent les typologies et les conditions d’habitation, de confort et de plaisir, et tirent vers le haut l’habitat urbain d’aujourd’hui», notent les architectes.
Bâtir du beau
Même s’ils l’ont souvent été par le passé (surtout lorsque le coût le plus bas possible est la seule caractéristique recherchée), les logements sociaux ne sont pas non plus obligés d’être ternes et peu inspirants.
Ils datent d’il y a quelques années déjà, mais les logements londoniens Hannibal Road Gardens de la firme d’architectes Peter Barber Architects sont un bon exemple d’habitations ayant bonne mine malgré leur vocation sociale.