Sous les glaces avec Mario Cyr, la nouvelle acrobatie du Cirque Éloize
Le mois de juin a commencé en lion avec une canicule carabinée. Au même moment, contraste ultime, j’ai vécu une plongée sous les glaces arctiques. Virtuelle, mais quand même vivifiante. Cette expérience immersive est la plus récente idée créative du Cirque Éloize, qui a pris au mot l’obligation de se réinventer imposée par la pandémie. Ainsi, la nouvelle acrobatie de la compagnie de cirque s’appelle Éloize Expo, et la première exposition de cette nouvelle division s’intitule Sous les glaces avec Mario Cyr. Elle est présentée jusqu’au 31 octobre aux Studios Éloize dans le Vieux-Montréal. L’incontournable de votre été.
Habitués à vivre entourés de glace plusieurs mois par année, qui d’autres que des Madelinots pour imaginer un événement célébrant les eaux glaciales du pôle Nord, ses banquises, ses icebergs, et sa faune si particulière? C’est Jeannot Painchaud, fondateur du Cirque Éloize, qui a eu l’idée de monter ce spectacle immersif à partir des images que son compatriote Mario Cyr a rapportées de ses nombreuses expéditions dans l’Arctique canadien.
Les deux hommes viennent chacun de leur extrémité des Îles: Mario Cyr, 62 ans, de Grande-Entrée, et Jeannot Painchaud, 55 ans, de Havre-Aubert. Ils ont uni leur talent, leur vision, leur crédibilité, dans une formule qui laisse place à la fois à l’information, l’émotion et le spectaculaire.
Avec les équipes qui ont créé les décors, les éclairages, la sonorisation et la mise en scène des spectacles comme Serge Fiori, Seul ensemble, Hôtel, Saloon ou Cirkopolis, Jeannot Painchaud a façonné un écrin qui met en valeur le matériel vidéo exceptionnel de Mario Cyr.
Le parcours est divisé en cinq stations. Comme il se doit, on part du camp de base. Dès lors, on réalise que ce qu’il nous sera donné de voir nous aurait été inaccessible autrement. Juste pour se rendre au camp de base, il faut faire six heures de motoneige, idéalement en été, pour profiter du soleil de minuit et du temps moins rude. Pour pallier l’absence de téléphone, d’internet et même de communications radio, il faut connaître et se fier à la nature. On découvre alors la complicité que l’explorateur entretient avec ses guides, des Inuits qui mettront leurs connaissances ancestrales à profit pour le bon déroulement de l’expédition.
Étape 2, on nous présente, en photos, les espèces vivantes qui peuplent cet environnement. Ours polaire, phoque annelé, barbu ou du Groenland, narval, épaulard, baleine boréale ou à bosse, il y en a de la vie sur la calotte polaire!
Dans la salle suivante, on voit cette vie s’activer. Il y a l’ours blanc, impérial sur sa banquise, le ciel parcouru par une infinie variété d’oiseaux et le spectacle des mammifères marins qui s’ébrouent. Moi qui étais tout excité de voir une baleine à bosse faire des cabrioles dans le fleuve l’an dernier, je dois dire que j’ai été mystifié par le spectacle qu’ils donnent quand ils sont en groupe à domicile.
Les images projetées sur deux écrans géants qui se font face sont époustouflantes. J’ai eu la chance d’avoir Mario Cyr à côté de moi à cette étape de ma visite. Je l’ai bombardé de questions. Oui, le son est celui capté sur place, non, l’ours polaire n’est pas si menaçant si on fait gaffe, oui, voir autant de cétacés s’ébrouer devant soi en même temps est un cadeau, et non, on ne peut s’imaginer à quel point ce territoire est vaste si on n’y est pas allé soi-même.
L’étape suivante du parcours consiste en trois courts documents vidéo qui permettent d’en apprendre sur les secrets du documentaire animalier: comment se fait la prise de son, comment se protéger d’espèces plus grégaires comme les morses ou le type d’équipement utilisé pour la plongée. Il y a même un bac dans lequel on peut plonger sa main pour ressentir physiquement la température de l’eau de la mer arctique.
La visite se termine dans l’apothéose. Dans une immense salle, qui nous fait oublier qu’on est dans l’ancienne gare Dalhousie dans le Vieux-Montréal, on projette, sur un écran à 360 degrés, un montage d’images captées en plongée par Mario Cyr. La vie telle qu’elle se passe sous la glace apparaît sous nos yeux, des micro-organismes les plus psychédéliques au plus souriant des bélugas. On m’avait prévenu, et je l’avoue, j’ai été submergé par l’émotion. C’est prodigieux de voir toute cette vie qu’on ne soupçonne pas sous la glace.
Inutile de dire qu’on sort de cette expérience ébahi par tant de beauté, mais aussi plus conscient que jamais de tout ce qui est en péril avec le réchauffement de la planète.
L’exposition Sous les glaces avec Mario Cyr n’est pas militante, mais la beauté qu’elle nous offre fait le travail. À juste titre, Jeannot Painchaud décrit la mission du Cirque Éloize comme du divertissement chargé de sens. C’était vrai avec le spectacle de cirque vivant, ce l’est aussi avec ce nouveau créneau d’expérience immersive.
Quel bonheur de voir une compagnie d’ici développer une nouvelle forme de divertissement avec un contenu entièrement local, et qui parle au reste de la planète! Sous les glaces avec Mario Cyr n’a pas fini de se promener à travers le monde. Une réussite autant qu’une fierté.
En terminant, rassurez-vous, le Cirque Éloize n’a pas laissé tomber ses artistes-acrobates. Pendant toute la durée de la pandémie, ils ont pu bénéficier de résidences de création pour préparer l’avenir, garder la forme et être prêts quand les tournées de spectacles reprendront.