Souterrain de Sophie Dupuis: une histoire de bons gars dans les mines d’Abitibi
La pandémie aura mené la vie dure au cinéma québécois. Prenez Souterrain, deux ans après son tournage et deux reports de sa sortie, le film de Sophie Dupuis (Chien de garde) prend finalement l’affiche cette semaine à travers le Québec. C’est huit mois plus tard que prévu! Le film ne s’est pas déprécié avec le temps, au contraire. Il est encore meilleur que ce que la bande-annonce laissait entrevoir.
Souterrain se passe dans la ville minière de Val-d’Or. Avant d’aborder l’histoire du film, laissez-moi vous dire à quel point je trouve fabuleuse l’idée de faire un film sur ce milieu mystérieux et inaccessible. Les galeries sombres aux parois qui suintent, à plusieurs centaines de mètres sous la terre, le tintamarre de la machinerie, les mineurs avec leurs casques munis de lampes et leurs combinaisons orange, le danger immanent, il y a là matière à impressionner le spectateur.
La réalisatrice Sophie Dupuis vient de l’Abitibi, son père a été mineur, sa mère, infirmière à la mine; aussi bien dire qu’elle sait de quoi elle parle. Pour elle, il était absolument essentiel de tourner une grande partie de son film dans la mine. Il fallait cela pour nourrir le suspense qu’elle avait imaginé. Et sur ce plan, c’est une réussite autant technique que cinématographique.
Revenons à l’histoire. La réalisatrice voulait traduire à l’écran la camaraderie qui existe entre ces hommes dont l’emploi exige qu’ils s’éclipsent sous terre et partagent leurs tâches dans un milieu aussi réduit qu’inhospitalier, en se faisant confiance les uns aux autres pour accomplir leur travail en toute sécurité. Une fois cet esprit bien campé, le scénario s’intéresse à quelques personnages.
Il y a notamment Maxime, jeune mineur qui, en dépit de pouvoir tout se payer parce qu’il est bien rémunéré, est accablé par le fait que son meilleur ami soit devenu handicapé par sa faute. Il y a aussi sa vie de couple qui est troublée par la difficulté d’avoir un enfant.
Comme si ce n’était pas suffisant, avec ses camarades, Maxime vivra ce que tout mineur redoute: une explosion souterraine qui tourne mal. C’est cet événement qui nous tiendra sur le qui-vive du début à la fin.
Dans son premier grand rôle au cinéma, Joakim Robillard s’avère une véritable révélation. Il est à la fois fantasque et baveux, repentant et obligeant. Les scènes avec l’ami paralysé et aphasique sont extrêmement touchantes. Dans le rôle de Julien qui peine à se mouvoir et à parler, Théodore Pellerin est époustouflant, encore une fois.
Ce qui fait la force du film, c’est que toute la distribution est impeccable. Utilisé à contre-emploi, James Hyndman est fulgurant dans le rôle de Mario, un homme moralement démoli pour une raison que vous découvrirez dans le film. Catherine Trudeau, Guillaume Cyr, Mickaël Gouin, Jean-François Boudreau n’ont pas beaucoup de minutes à l’écran, mais la présence de chacun punche au moment opportun.
Comme vous le voyez, la distribution est surtout composée d’hommes, ce qui n’en fait pas nécessairement un film de gars. En effet, Sophie Dupuis, qui est également scénariste de son film, a réussi à aller au-delà des stéréotypes qu’on associe généralement aux milieux de travail masculins. Oui, ils peuvent être machos et vulgaires quand ils sont en gang, mais Souterrain explore plutôt une veine de la psyché masculine moins souvent exploitée au cinéma. Il est à la fois question d’amitié, de paternité, de solidarité, de vulnérabilité. Je n’ai jamais vu autant de gars brailler dans un film québécois!
On l’a attendu longtemps, Souterrain sera certainement un des beaux succès du cinéma québécois en 2021, et pourquoi pas, le film idéal pour la fête des Pères, qui s’en vient le 20 juin.