Quitter l’enseignement à 51 ans, sans plan
À 51 ans, après avoir enseigné pendant 25 ans, Diane Leduc a quitté son poste d’enseignante pour se lancer dans le vide. Récit du parcours professionnel d’une femme déterminée et résiliente qui, à 73 ans, refuse encore la retraite.
Avenues.ca: Quelles sont les grandes lignes de votre parcours scolaire et professionnel?
Diane Leduc: J’ai étudié au couvent de la Présentation-de-Marie, à Marieville, où je demeurais. À cette époque, on finissait en 11e année. J’aurais aimé poursuivre mes études pour devenir enseignante, mais la situation financière de mes parents, à ce moment, ne le permettait pas. J’ai donc commencé à travailler dans des bureaux en tant que secrétaire. J’ai fait ce travail pendant dix ans.
Pendant que je travaillais en tant que secrétaire au Cégep Édouard-Montpetit, à Longueuil, j’ai eu l’opportunité de suivre des cours gratuitement. J’ai donc commencé un DEC en Techniques administratives, que je dus mettre de côté temporairement car j’ai commencé à enseigner au cégep de Drummondville. J’ai terminé mon DEC plus tard, mais en sciences humaines.
À 26 ans, j’ai commencé à enseigner pour le programme de secrétariat du Cégep de Drummondville qui avait été mis sur pied par le ministère de l’Éducation deux ans auparavant. Pour enseigner dans ce programme, l’expérience sur le marché du travail était la condition requise, car les formations universitaires dans ce domaine n’existaient pas. Puisque j’avais 10 ans d’expérience, j’ai été engagée. J’ai enseigné pendant 25 ans.
À l’intérieur de ces 25 ans, et durant une dizaine d’années, j’ai aussi enseigné au cégep de Saint-Hyacinthe, mais aux adultes, le soir. Toujours pour le programme de secrétariat/bureautique.
Avenues.ca: Pourquoi avez-vous quitté l’enseignement?
D.L.: Quand les ordinateurs sont arrivés dans les cégeps, en 1982, le gouvernement a complètement changé le contenu du programme de secrétariat pour le remplacer par un cours de techniques bureautiques. La venue des ordinateurs a non seulement bouleversé les contenus du programme, mais aussi nos vies. Le temps consacré à l’apprentissage de ces ordinateurs et tous ces nouveaux cours a fini par être épuisant.
En 1998, quand le gouvernement a annoncé qu’il changeait le programme une fois de plus, j’ai senti que c’était la fin pour moi, car je ne me voyais pas recommencer ce que j’avais vécu en 1982. Je suis allée voir le directeur des services pédagogiques et je lui ai annoncé que je quitterais à la fin de l’année scolaire. J’avais 51 ans.
Avenues.ca: Quels étaient vos plans?
D.L.: Pendant mes années d’études en sciences humaines au cégep, je suis tombée en amour avec la langue espagnole, que j’étudiais dans mes cours complémentaires. J’ai profité des cours offerts en supplément en Espagne durant un été. L’année suivante, j’ai appris qu’il se donnait des cours au Mexique pour les étrangers, je me les suis offerts. Au retour de ces vacances/études, j’ai décidé de m’inscrire au baccalauréat en espagnol à l’Université Concordia, à Montréal, à temps partiel. J’ai donc décidé de me chercher un emploi qui mettrait mes compétences en espagnol à profit.
Avenues.ca: Et qu’avez-vous trouvé?
D.L.: J’ai commencé à travailler pour une petite entreprise qui avait le projet de mettre sur pied une carte qui contiendrait tout ce dont un citoyen a besoin: dossier bancaire, assurance-maladie, billets d’autobus, etc. C’était un beau projet, mais il fallait que les banques acceptent de faire un prêt pour que ça se concrétise, ce qui n’a malheureusement pas été le cas. J’ai donc perdu mon emploi quelques mois plus tard.
Avenues.ca: Quelles étaient vos tâches dans cette petite entreprise et en quoi vos compétences en espagnol ont-elles été mises à profit?
D.L.: Je faisais du travail de bureau. Je recevais des appels, j’écrivais des lettres, je tenais les classeurs à jour, etc. J’utilisais mon espagnol dans différentes tâches que j’exécutais pour le président.
Avenues.ca: Qu’avez-vous fait lorsque vous avez perdu votre emploi?
D.L.: Je me suis trouvé un autre emploi, cette fois-ci pour une compagnie qui voulait faire un projet de sensibilisation en toxicomanie. Encore là, je faisais du travail de bureau. Je recevais beaucoup d’appels et j’avais beaucoup de documents à taper et à traduire. J’ai eu la chance d’aller travailler à Paris pendant une semaine avec le directeur honoraire de la Commission européenne. Malheureusement, ce projet n’a pas eu la pérennité espérée et j’ai une fois de plus perdu mon travail.
Avenues.ca: Qu’avez-vous trouvé par la suite?
D.L.: Je me suis retrouvée dans le département des communications d’une compagnie d’assurances. Ça allait bien jusqu’à ce qu’il y ait une réorganisation de l’entreprise et que le département soit modifié. Mon poste a été aboli.
Avenues.ca: Vous n’avez pas été chanceuse…!
D.L.: Non. Mais quand je travaillais pour le projet en toxicomanie, j’avais fait la connaissance d’une amie du directeur qui avait une compagnie de transcription médicale, La Dictée Magique. Quand j’ai perdu mon emploi à la compagnie d’assurances, je l’ai tout de suite appelée. Elle m’a proposé un travail… et c’est comme ça que je me suis retrouvée en transcription médicale pendant 15 ans.
Avenues.ca: Vous avez donc «appris sur le tas» pour faire ce travail?
D.L.: J’ai BEAUCOUP appris sur le tas! À part le mot «céphalée», j’étais complètement ignorante dans le domaine médical. Au début, j’écrivais mes dictées en laissant des espaces, que la présidente complétait par la suite. Après deux ans, j’étais capable de fonctionner de façon autonome.
Avenues.ca: Comment ça fonctionnait exactement?
D.L.: Grâce à un programme de transcription, les médecins enregistraient les dictées et je les recevais ensuite sur mon ordinateur. Je travaillais de chez moi et j’adorais ça. Je ne me doutais pas que je ferais ça pendant 15 ans!
Avenues.ca: Pourquoi avez-vous arrêté?
D.L.: La propriétaire a vendu sa compagnie en décembre 2019. Les nouveaux patrons n’offraient pas les mêmes avantages. Après un an, j’ai décidé d’arrêter. Mais avec le caractère que j’ai, ça ne devrait pas être long avant que je recommence!
Avenues.ca: Vous avez maintenant 73 ans, la retraite, ça ne vous tente pas?
D.L.: Non. La retraite n’est pas une option. Si je n’avais pas la santé, j’arrêterais de travailler, mais là, je suis en forme. Je ne sais pas quel travail je vais faire, mais je suis persuadée qu’il va bientôt y avoir une opportunité qui va se présenter.
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