Sauver Notre-Dame, l’extraordinaire récit d’une mission impossible
Le 15 avril prochain, cela fera deux ans que la cathédrale Notre-Dame de Paris a été la proie d’un incendie dévastateur. Dans les heures qui ont suivi ce drame, une équipe de France Télévisions s’est mise à l’œuvre pour raconter la course contre la montre pour sauver ce joyau d’architecture gothique considérablement fragilisé.
Je ne saurais trop vous recommander de regarder Sauver Notre-Dame, présenté dans le cadre du Festival international du film sur l’art (FIFA). C’est un document exceptionnel qui nous fait passer par toute la gamme des émotions, comme aucun film de fiction ne parviendrait à le faire. Parce que c’est une histoire vraie, avec de véritables héros.
Le film se déroule chronologiquement. Les premières images, celles de la cathédrale qui brûle, sont saisissantes. La fougue des services d’urgence qui accourent, les badauds médusés qui, le cou cassé, regardent le feu dévorer la toiture, et cette même foule impuissante qui fait entendre sa stupeur lorsque la légendaire flèche s’écroule...
Toute cette entrée en matière a fait surgir en moi le souvenir de l’effondrement des tours du World Trade Center le 11 septembre 2001 à New York. Il y a quelque chose de semblable dans le déroulement de ces deux tragédies, à la différence que Notre-Dame, bien que lourdement endommagée, pouvait être sauvée si on agissait rapidement, en prenant les bonnes décisions.
C’est là que le documentaire de Quentin Domart et Charlène Gravel devient aussi haletant que chargé de détermination et d’espoir. On nous présente des hommes (architectes, charpentiers, cordistes, tailleurs de pierre, grutiers, etc.) qui choisissent de faire du sauvetage de Notre-Dame leur mission. À leurs risques et périls, visière levée devant des caméras qui épient chaque geste qu’ils posent, chaque émotion qu’ils ressentent.
Chaque étape est une mission impossible qu’il faut réussir. Aux premiers jours, il faut couvrir le toit éventré de bâches, solidifier les pignons qui menacent de s’écouler. Ensuite, il faut s’occuper de l’échafaudage qui entourait Notre-Dame au moment de l’incendie. Cet enchevêtrement de poteaux de métal tordus par la chaleur est alors équipé de senseurs qui détecteront tout mouvement de sa structure. Au même moment, on doit construire des planchers pour permettre aux ouvriers d’accéder au toit, car il faudra éventuellement envoyer des équipes pour renforcer les arcs-boutants qui n’ont plus rien pour s’arc-bouter. D’ailleurs, l’acheminement par grue des 32 attelles de bois fabriquées sur mesure procure un des grands moments de tension du film. Suivront la délicate tâche du nettoyage des voûtes couvertes de débris et de madriers calcinés et le retrait de pierres qui menacent de tomber. Comme Tom Cruise dans Mission impossible, les cordistes effectuent leur tâche suspendus dans le vide. À les voir défaire ce qui a été fait il y a 850 ans, on ne peut pas ne pas penser à ceux qui ont accompli jadis le tour de force d’ériger cette structure.
Au sol, ce sont des pelles mécaniques robotisées qui dégagent les tonnes de déchets qui encombrent le parvis, car on ne cesse de nous rappeler qu’un des plus grands ennemis des travailleurs est le plomb. La toiture contenait 400 tonnes de cette matière mortelle qui, depuis l’incendie, se trouve dans l’air et sur toutes les surfaces que touchent les secouristes de Notre-Dame.
L’autre grande menace, la hantise de tous, c’est l’instable échafaudage. Les sirènes reliées aux senseurs ne cessent de retentir. Après avoir essuyé les vents violents de la tempête Miguel, la structure a même bougé de quelques centimètres. C’en est assez, on entreprend alors de la ceinturer avec quatre gigantesques structures d’acier. Une autre opération périlleuse que les caméras de France Télévisions suivent pour nous dans ses moindres soubresauts. Je ne verrai plus jamais le travail des grutiers du même œil.
En plus des images spectaculaires, ce qui rend ce documentaire aussi poignant que captivant, c’est de voir tous ces hommes travailler ensemble, tous animés de la conviction profonde que ce joyau du patrimoine mondial mérite que leur vie et leurs efforts y soient consacrés.
Je ne révèle pas de punch en vous disant qu’à la fin du film, la cathédrale Notre-Dame de Paris est sauvée. Il reste maintenant à la reconstruire. Vaste défi.
Pour voir Sauver Notre-Dame au Festival international du film sur l’art, il faut acheter le passeport du FIFA au coût de 39$, taxes incluses.
Ce passeport vous permet de voir, d’ici le 28 mars, toute la programmation du festival, soit 249 titres. Pour amortir votre investissement, je vous ai fait des suggestions la semaine dernière, qui sont encore bonnes. Pour les retrouver, cliquez ici. Et j’en ai d’autres cette semaine.
Carte mère
Je vous ai déjà dit le bien que je pensais de Carte mère, le cinquième disque de Catherine Major. Lorsqu’elle l’a enregistré, la chanteuse avait en tête l’idée d’une version dansée de ses nouvelles chansons. Le projet s’est concrétisé et il prend la forme d’un film de 40 minutes qu’on peut voir en première mondiale au FIFA.
Neuf des dix chansons de Carte mère sont chorégraphiées et interprétées avec fougue et abandon par les danseurs Roxane Duchesne-Roy et Alexandre Carlos. Catherine Major se réserve la dernière, avec grâce.
Le tout est tourné dans un noir et blanc dramatique par Thiphaine Roustang, qui a aussi agi comme réalisatrice et monteuse. J’ai connu Thiphaine chez Livetoune, où nous faisions ensemble les entrevues de la série Raconte-moi une chanson. Je suis admiratif de ce que cette jeune camerawoman est devenue. Le film Carte mère est une réussite sur tous les plans. Vraiment à voir.
Vivaldis
Autre suggestion pour les amateurs de danse: Vivaldis du Français Philippe Decouflé.
Decouflé est un touche-à-tout. Il a chorégraphié des spectacles de danse contemporaine, orchestré les cérémonies d’ouverture et de fermeture des Jeux olympiques d’Albertville, mis en scène des spectacles au Crazy Horse et au Cirque du Soleil. Son Iris au Kodak Theater de Los Angeles en 2011 est un des plus beaux shows que j’ai vus de ma vie. Vivaldis est plus modeste.
Sur des musiques de Vivaldi, il fait danser une troupe en milieu naturel. Le fond de scène n’est rien de moins que le parc national de la Vanoise en Savoie. Il y a un côté ludique dans l’approche. Decouflé aime dire qu’il est un fan des Marx Brothers. Vivaldis dure 15 minutes, un interlude bienvenu entre deux visionnements plus longs.
VUS :
Passage de Sarah Baril Gaudet
Comment se vit en 2021 la transition de l’adolescence à l’âge adulte? La réalisatrice Sarah Baril Gaudet nous en donne une idée avec son documentaire Passage, qui prend l’affiche cette semaine.
On y suit Gabrielle et Yoan, deux jeunes de 18 ans, au cours de leur dernier été au Témiscamingue, avant leur départ pour des études en ville. Gabrielle, qui a un nouveau chum, une job dans un dépanneur et un cheval dont elle s’occupe, se demande si elle fait le bon choix. Yoan, qui est gai, très attaché à ses grands-parents, a bien hâte de pouvoir élargir ses horizons, mais il peine à savoir exactement ce qu’il va faire une fois rendu à Québec.
On est vraiment dans un mode documentaire très soft. Sarah Baril Gaudet ne procède pas par entrevue, elle ne met aucune pression pour faire parler ses personnages. Elle les suit et laisse les situations révéler leurs états d’âme. Tout cela se passe sur un rythme très lent duquel il ne faut attendre aucun coup de théâtre.
La réalisatrice, native elle aussi du Témiscamingue, assure elle-même la direction photo. Son film est ponctué d’images magnifiques de cette région méconnue qui a manifestement bénéficié d’un été exceptionnel en 2019. On aurait été là qu’on n’aurait pas voulu partir non plus. La très belle trame sonore signée Viviane Audet, Robin-Joël Cool et Alexis Martin complète l’atmosphère de ce film feutré empreint de nostalgie.
Passage est projeté à la Cinémathèque et au Cinéma du Musée à Montréal, et offert en ligne sur le site du Cinéma Beaubien.
Effacer l’historique de Gustave Kervern et Benoît Delépine
Vous est-il déjà arrivé d’être exaspéré par le monde d’aujourd’hui, où la livraison d’un colis devient un parcours de combattants, où parler à un humain dans un service à la clientèle relève de l’exploit, où la gestion des mots de passe est un pensum? C’est à cette vie soumise aux diktats des géants du web, les fameux GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), que les réalisateurs Gustave Kervern et Benoît Delépine s’attaquent dans Effacer l’historique, qui prend l’affiche à travers le Québec cette semaine.
Le film met en présence trois personnages un peu beaucoup largués par cette vie qui passe obligatoirement par «les internets» ou, plus justement, le far web. Il y a Marie (Blanche Gardin), qui veut faire disparaître du web des images osées d’elle, Bertrand, qui devient dépendant affectif d’une voix de l’île Maurice qui tente de lui vendre des produits par téléphone, et Christine (Corinne Masiero, l’actrice qui s’est mise à poil à la dernière cérémonie des César), accro aux séries télévisées au point d’en perdre son emploi et son mari.
Les trois voisins, qui se sont connus lors de manifestations de gilets jaunes, se liguent et partent en guerre contre les GAFAM. Comme leurs moyens sont plutôt limités (ils sont vraiment paumés), leur croisade prend des allures de rigolade où les éoliennes tiennent lieu de moulins à vent.
Il y a bien quelques scènes amusantes, mais on ne peut pas dire qu’il s’agit d’une grande comédie. Personnellement, le fait que toutes les chansons du film soient en anglais m’a beaucoup irrité. Il reste que le constat qui est fait de nos vies otages du téléphone portable, du web, de Facebook, de la vente en ligne est assez juste. C’est probablement cette critique d’une dérive inquiétante de notre société qui a plu au jury du festival de Berlin en février 2020, au point d’attribuer l’Ours d’argent à Effacer l’historique.
Le film peut être vu à Montréal, Québec, Trois-Rivières, Gatineau, Sherbrooke, Chicoutimi, Jonquière, Saint-Eustache, Lachenaie, Joliette, Saint-Hyacinthe, Sorel-Tracy, Beloeil, Drummondville, Rimouski et Caraquet.