Ngaben, une cérémonie de crémation à couper le souffle à Bali
Lors d’un séjour à Bali, plus exactement dans le village de Sukawati, nous avons assisté au Ngaben, une cérémonie de crémation très importante dans la croyance balinaise. Ce rituel coloré et bouleversant ne se produit qu’une fois tous les cinq ans dans ce canton d’Ubud. Voici des photos de cet événement à couper le souffle dont nous avons eu la chance d’être témoins.
Des corps qui brûlent
Voici l’une des photos les plus troublantes que j’ai captées ce jour-là. Deux ans plus tard, je sens toujours l’émotion me traverser lorsque je la regarde. J’avais la gorge nouée et les yeux qui piquaient en raison de la fumée. Mon mari et moi venions de réaliser que des corps brûlaient sous nos yeux.
L'importance de la spiritualité
La spiritualité tient une place importante chez les habitants de Bali. Dans cet archipel d’Indonésie, on conserve précieusement, et fièrement, ces traditions ancestrales hindouistes perpétuées au fil des ans. L’hindouisme pratiqué sur l’île des dieux est différent de celui qu’on retrouve en Inde. Ces pratiques sont cultivées selon des saveurs et des traditions balinaises, notamment les croyances animistes et l’existence d’êtres surnaturels.
Purifier et libérer l'âme des défunts
L’objectif du Ngaben, qui se traduit librement par «transformer en cendres», est de purifier et de libérer l’âme des défunts afin qu’ils puissent éventuellement se réincarner. Pour l’occasion, chaque famille du village se regroupe afin de veiller à ce que l’esprit du disparu rejoigne sereinement les dieux. Le déroulement d’une telle cérémonie peut prendre jusqu’à six heures. Le Ngaben étant un rituel crématoire onéreux, de longues années peuvent s’écouler avant que les familles puissent épargner le montant nécessaire, notamment les familles de riziculteurs.
Un rite festif
Cette journée difficile à mettre en mots est relativement festive et se passe dans la réjouissance. Les petits et les grands sont conviés à participer à la célébration, pendant qu’un orchestre s’affaire à jouer des trames musicales traditionnelles. Plus tard, on partagera un repas à base de riz et de viande pendant que les enfants s’amuseront avec des ballons et des sucreries. Le rite funéraire est une heureuse ascension de l’âme vers un repos éternel, c’est le voyage ultime dans la vie d’un Balinais.
Un rituel bien orchestré
La journée débute à l’aube, pour la première étape d’un long processus: collecter l’eau bénite qui servira notamment pour les rites purificatoires. Dans un premier temps, les ossements ou ce qui reste des corps en seront aspergés après avoir été exhumés. Pour les familles moins fortunées, le corps du disparu aura été enterré provisoirement le temps d’épargner le montant suffisant pour ce jour. Par la suite, au cours d’un rituel bien orchestré, les corps exhumés seront enroulés dans une étoffe blanche, avant d’être déposés dans un sarcophage funèbre que la famille aura fabriqué.
Une crémation communautaire
Pendant la cérémonie, notre hôte nous informait que plus de 70 personnes décédées reposaient dans l’ensemble des sarcophages lors de cette crémation communautaire. Certains des décès remontaient à cinq ans, d’autres à quelques jours à peine.
Des sarcophages personnalisés
Le mois précédant ce grand événement, les membres de chaque famille ont travaillé de concert pour accomplir une tâche minutieuse, celle tant émouvante que délicate de construire un magnifique sarcophage pour les êtres aimés. Chaque famille, selon sa tradition ou son rang social, construit un sarcophage pour ses défunts. Les détails sont finement rendus et impressionnants. La structure funèbre – et sa signification – est un signe de prestige, et est représentée par un animal, le taureau étant le plus prestigieux, mais on peut aussi y voir des têtes d’éléphants, voire des temples tout en hauteur…
Éloigner les mauvais esprits
Pendant la procession des imposantes structures vers le lieu de crémation, lorsque vient le temps de tourner le coin de la rue, les hommes qui transportent les autels tournent trois fois sur eux-même en secouant vigoureusement le sarcophage. Cette étape est importante afin de brouiller les pistes des âmes pour créer la confusion. Les familles ne souhaitent surtout pas que l’âme du disparu puisse retrouver le chemin vers la maison pour les hanter. C’est également une façon d’éloigner les mauvais esprits qui auraient pu les suivre.
Des airs de fête
Lorsque toutes les familles ont défilé dans le village, les groupes familiaux se rendent au lieu de crémation, où la cérémonie se poursuivra. Le rassemblement se fait sur un grand terrain, où kiosques de sucreries glacées, marchands ambulants de nourriture et musique sont aussi présents, et ce, durant toute la journée. Cela s’apparente un peu à une grande fête de famille.
Des offrandes pour les morts
Maintenant que tout est en place, le rituel de purification par le feu peut débuter. Chaque membre de la famille proche, hommes et femmes, arrive avec les mains emplies de paniers d’offrandes. Il peut s’agir de fleurs, d’argent ou de nourriture. Des poules pourront aussi être déposées sur le bûcher pour satisfaire les morts.
Dans l'attente...
Pour la remise des offrandes, les femmes gardent les paniers sur leur tête jusqu’au moment où le bûcher sera incendié avec les ossements et les corps à l’intérieur des sarcophages. Dans le cas de notre hôte, le coffre funèbre contenait cinq membres de sa famille décédés au cours des mois et années précédentes.
Fumée colorée
La fumée qui s’échappe du bûcher est liée à certaines croyances des Balinais. Par exemple, la couleur de la fumée détermine si l’âme est pure ou non. Comme tous les corps disposés dans les sarcophages brûlent en même temps, il est difficile de pointer du doigt les familles concernées. La fumée s’échappant des différents défunts se trouve mélangée, et comme il peut y avoir plusieurs corps dans la même sculpture, il devient alors impossible de déterminer quelle âme était blanche ou noire.
Une troublante cérémonie
Pendant les minutes qui suivent la purification par le feu, l’ambiance est bouleversante. C’est dans un nuage de fumée, sur fond musical traditionnel et de prières chantées par un brahmane, le prêtre balinais qui accompagne la troublante cérémonie, que se déroule le moment fort attendu de la crémation: des dizaines de corps s’envolent en fumée sous nos yeux.
Récupérer les ossements
Lorsque le brasier a fini par consumer et réduire en poussière les autels et les corps, les cendres sont refroidies avec de l’eau, pour que les ossements puissent être récupérés. Chaque membre des familles peut récupérer les ossements refroidis afin de les broyer à l’aide d’un mortier. Cette étape terminée, la poussière des défunts pourra ensuite être dispersée dans l’eau. C’est ce qui conclut cette journée de rituel funéraire balinais. Cette dernière étape viendra unir les cinq éléments qui composent le corps humain, selon leur croyance, soit la terre, l’air, le feu, la lumière et l’eau.
Coutumes vestimentaires
Si, un jour, vous avez l’occasion d’assister à un événement comme celui-ci, sachez que le port du sarong, l’habit traditionnel balinais, est de rigueur. Le moment venu, j’ai attaché mes cheveux selon la tradition afin de ne pas contaminer les endroits sacrés, et nous avons été accueillis et présentés à la famille. Tout ceci a été possible grâce au respect mutuel que nous nous portions. Les membres de la famille nous ont demandé de filmer et d’immortaliser cette journée. Cet événement est grandiose, et n’a lieu que tous les cinq ans. Le Ngaben est un moment important qui fait partie du cycle de la vie, afin de rendre un dernier hommage aux disparus.
À propos de Nomade Amoureux
Vicky Paquette et Pascal Giroux forment le couple derrière Nomade Amoureux. Ils ont tout quitté pour voyager. Découvrez-les ici : nomadeamoureux.com