Le père Noël d’Eliot
Si pour certains, cette année, Noël rime avec des planifications familiales et sanitaires casse-tête, l’espoir de voir arriver les commandes en ligne avant le 25 décembre et la peur de se faire piquer lesdits colis à sa porte, pour les enfants, ça change assez peu de choses puisque COVID ou pas, on me l’a confirmé de sources anonymes mais sûres, le pôle Nord, lui, fonctionne à plein régime.
Or, j’aurais aimé voir le visage du père Noël quand il a reçu la liste de cadeaux d’un certain Eliot, 10 ans, de Brossard. Oubliez les avions Playmobil, ballons de foot ou poupées aux longs cheveux. Eliot veut un P-Pod. Rien à voir avec une console de jeu vidéo. Pas mal moins cool. Le P-Pod est une sorte de coussin de confort permettant de procurer différentes possibilités de positions… Une affaire de plus de 3000$.
Eliot n’avait que trois ou quatre mois quand Karine Belleau et son conjoint ont remarqué des anomalies chez leur petit dernier. Comme elle avait eu cinq enfants avant, son instinct était affuté, mettons. Après moult investigations, un premier diagnostic tombe: paralysie cérébrale. Puis, vers deux ans, le développement du petit semble stagner. Des batteries d’examens, de prises de sang, de rencontres médicales plus tard, le portrait de la situation se corse. Ça n’a plus rien à voir avec une paralysie cérébrale, on parle alors plutôt d’une maladie dégénérative de source inconnue. Pour être plus précise – attachez votre bonnet de neige avec de la broche –, Eliot a une encéphalopathie avec dégénérescence cérébelleuse qui se traduit en quadriparésie, épilepsie, cécité corticale, scoliose et luxation des hanches. Il doit aussi être alimenté par gavage et rester sous oxygène lorsqu’il dort (B-Pap la nuit et lors des siestes). Il reçoit aussi une lourde médication contre la douleur.
Mon soupir fait sourire Karine. Il faisait beau quand on s’est parlé. C’était avant la bordée de neige et la sortie des manteaux d’hiver. Elle profitait alors des derniers rayons de soleil. Elle a l’habitude d’entendre les gens réagir avec cette émotion; un mélange d’empathie sincère et de découragement. Ça doit faire mille fois qu’elle raconte son histoire.
«On a très peu de ressources. Même dix ans plus tard. Quand on reçoit ce genre de diagnostic là, on n’est pas outillés. Tu n’as même pas le temps de réfléchir, de faire le deuil d’un enfant dit "normal", que tu es déjà à organiser des rendez-vous en ergo, physio, avec des spécialistes de ceci et de cela, des tests pour ci et pour ça…», explique la maman.
Même si elle reçoit un soutien gouvernemental pour avoir accès à l’appareillage essentiel au «bon» fonctionnement d’Eliot – fauteuil roulant, station debout, marchette, accompagnement du CLSC, etc. –, ça ne suffit pas. Pas avec un salaire annuel net de 38 297$. Il s’agit des revenus du père, un gérant de boucherie. Il va sans dire que Karine ne peut pas travailler ou être active professionnellement. Qui pourrait l’être? Eliot l’occupe à temps complet, même la nuit, quand il fait de l’insomnie à 2 heures du matin.
Je suis nulle en calcul, mais suffisamment lucide pour comprendre que ce n’est juste pas possible d’y arriver financièrement à la fin du mois.
C’est pour ça que le père Noël d’Eliot arrive dans le portrait. Pas le père Noël classique qui ne saurait que faire d’un coussin P-Pod… Pour Eliot, 10 ans, de Brossard, le vrai père Noël, c’est Guy Noël. Celui-là même qui organisait chaque printemps un tournoi de billard avec ses amis pour son anniversaire. Il profitait de cette occasion pour remettre l’argent amassé à une cause de bienfaisance. D’une année à l’autre, le tournoi prenait de l’ampleur et les sommes récoltées devenaient plus importantes. C’est alors qu’il a eu l’idée de créer une fondation pouvant aider des familles aux prises avec des difficultés financières à la suite de la maladie d’un enfant. C’est en assumant des frais relatifs à des traitements médicaux, équipements spécialisés ou toutes autres dépenses jugées utiles et qui ne sont pas couvertes par le gouvernement, qu’allait agir cette fondation baptisée Noël au printemps.
Depuis 2005, plus d’un million de dollars en dons ont été remis aux familles grâce à cette initiative. En plus de ce fameux coussin adapté qu’Eliot recevra sous peu des États-Unis, dans le passé, il a aussi reçu de la Fondation plus de 7 000$ pour payer des frais d’ateliers de stimulation, une remorque à vélo adaptée, etc.
J’ignorais l’existence de ce père Noël là. Ça m’a réjouie de l’apprendre. J’ai voulu transmettre la bonne nouvelle. Ce n’est pas comme s’il en neigeait.
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