La bio de Mouffe, l’Orchestre Métropolitaine sur la montagne et le film Nadia Butterfly
Le plus beau spectacle que j’ai vu cette semaine, c’est celui des couleurs sur le mont Royal.
Chaque année, je n’en reviens pas des coloris que l’automne nous amène. Dans le grand escalier qui mène au belvédère Kondiaronk, chaque palier offrait un émerveillement différent! De retour à la maison, comblé, j’étais dans de bonnes dispositions pour faire mes devoirs. Voici ce que j’ai retenu pour vous cette semaine.
LU: Mouffe: Au cœur du showbiz de Carmel Dumas aux Éditions La Presse
On parle beaucoup en 2020 de l’année 1970. Et pour cause, c’était il y a 50 ans, excellent prétexte pour faire des bilans. Par exemple, les derniers jours ont été l’occasion de faire un nouveau bilan de la crise d’Octobre et de la Loi des mesures de guerre qui s’en est suivi, un moment dramatique, charnière de notre histoire. Cet épisode donne l’impression que 1970 a été lugubre. Eh bien, non, en tout cas, pas totalement!
Cette année-là, la culture québécoise était en ébullition et a laissé des trésors. L’auteure Carmel Dumas nous fait revivre cette effervescence en braquant les projecteurs sur Mouffe, une femme qui a été au cœur de cette fission et n’a jamais cessé d’en attiser les braises, mais dont la contribution n’a jamais été reconnue à sa juste valeur. L’ouvrage s’appelle Mouffe: Au cœur du showbiz.
Cette biographie à quatre mains (Mouffe a participé à l’écriture) embrasse toute la vie de Claudine Monfette, de son enfance bourgeoise à Outremont à sa vieillesse sereine et solidaire… à Outremont.
Mais revenons d’abord à 1970. C’est en cette année que naît Ordinaire, une des plus grandes chansons du répertoire francophone, gagnante du Grand Prix de la chanson au Festival de Sopot en Pologne. Mouffe a écrit ce texte empreint d’une grande maturité alors qu’elle n’avait que 25 ans. On lui doit aussi, la même année, Miss Pepsi et Deux femmes en or, deux textes qui réaffirment le côté piquant de sa personnalité révélée dans le retentissant Osstidcho ou le film Jusqu’au cœur de Jean-Pierre Lefebvre.
Ses contributions au répertoire de Charlebois (ajoutons Cœur en chômage, mieux connue sous le nom de Mme Bertrand, et Le mur du son), et l’instinct qu’elle déployait pour propulser son chum n’ont pas toujours été reconnus puisqu’elle vivait dans l’ombre d’un être aussi hors-norme qu’exubérant. Elle-même a beaucoup minimisé son rôle.
«Je n’ai fait que suivre son inspiration tout en essayant de bien l’encadrer, de le mettre en valeur. Je l’aimais, je voulais qu’il soit bon.»
Il y a dans cette déclaration de Mouffe tout ce qu’elle a incarné sa vie durant, une forme d’abnégation au service d’abord de Robert Charlebois et ensuite d’une multitude d’artistes, d’organismes ou d’événements au service desquels elle a mis son sens de l’organisation, sa sensibilité artistique et humaine, son savoir-faire, pour accoucher de spectacles intimes ou grandioses, pour créer des émissions de télé mémorables ou pour mettre en orbite de nouveaux talents.
Mouffe a mis en scène J’ai vu le loup, le renard, le lion avec Leclerc-Vigneault-Charlebois en ouverture de la Superfrancofête en 1974, le show de femmes Ça s’pourrait-tu? sur le mont Royal en 1975, le premier spécial Céline Dion en 1982, Magie rose de Diane Dufresne en 1984, Chaud 95 de Roch Voisine, d’innombrables galas de l’ADISQ et autant de Shows du Refuge. Elle flairera le talent de Jean Leloup à Granby, celui de Catherine Major à Petite-Vallée, épaulera quantité d’artistes de la relève dans des ateliers à Natashquan, Saint-Placide ou Vaudreuil.
Le livre de Carmel Dumas fourmille de ces exemples qui démontrent à quel point Mouffe, aussi discrète fût-elle, a façonné le showbizz québécois avec une approche respectueuse, inclusive, pleine d’ouverture.
Pour peu que je la connaisse, j’ai toujours trouvé que cette femme était l’incarnation de l’efficacité et de la bonté. Cette citation m’a conforté dans mon impression:
«Je crois que l’on obtient plus en laissant croire aux gens que ce sont eux qui ont l’initiative. Moi, je cherche l’harmonie dans la vie. Je recherche que les gens m’apportent leur part et j’apporte ma part aussi. Je n’aime pas crier. Ça me fatigue beaucoup.»
Dans Ordinaire, Mouffe écrit:
«Le jour où moi j’en pourrai pu
Y en aura d’autres plus jeunes plus fous
Pour faire danser les Boogaloos»
J’adore ce passage, et tout autant le regard que son auteure jette sur la vieillesse à la fin de sa biographie:
«Vieillir, c’est la seule justice sur la Terre. Ça arrive à tout le monde qui est vivant. Être vieux n’est pas une tare ou un défaut, c’est un passage. Si tu es en santé, c’est toi qui décides comment tu le traverses… La seule sagesse est de l’accepter.»
Mouffe: Au cœur du showbizz, c’est comme découvrir la face cachée de la lune. Un être attachant. Une lecture attractive!
L’Orchestre Métropolitain en concert sur le mont Royal
À défaut de pouvoir présenter son désormais concert annuel sur le mont Royal devant public, l’Orchestre Métropolitain a opté cette année pour une captation télé.
Le concert a été enregistré sans public, et avec toutes les règles de distanciation nécessaires, par une soirée radieuse du mois de juillet. La diffusion, à la télévision de Radio-Canada, a eu lieu le dimanche 11 octobre dernier à 22h55; appelons ça une heure indue.
Heureusement, on peut se reprendre sur le site de l’Orchestre Métropolitain, qui offre le visionnement du concert gratuitement. Au programme: La Pastorale de Beethoven, dirigée par le toujours inspiré Yannick Nézet-Séguin. En plus de la musique, l’émission produite par Parce Que Films compte des images époustouflantes du belvédère Kondiaronk, du mont Royal et de la ville de Montréal captées par drones. Après avoir vu ça, qu’on ne vienne pas me dire que Montréal n’est pas une belle ville!
VU: Le film Nadia, Butterfly de Pascal Plante
On peut de nouveau voir le film Nadia, Butterfly, sorti en salle le 18 septembre, mais stoppé dans son élan à cause du resserrement des mesures sanitaires en zones rouges. À compter du vendredi 23 octobre, il est disponible en ligne sur le site du Cinéma du Parc.
Nadia, Butterfly s’est d’abord fait remarquer au printemps lorsque Cannes l’a retenu en sélection officielle, même si le festival n’a pas eu lieu. Personnellement, ça m’a mis la barre un peu haute. Je m’attendais à plus.
Si on fait abstraction de cet honneur, ça demeure un petit film sincère sur un monde que le réalisateur connait bien: la natation. Comme son personnage principal, Pascal Plante a déjà fait de la compétition comme nageur. Il faut lui reconnaître le talent de rendre très crédibles toutes les scènes en piscine.
L’histoire du film tourne autour de Nadia, une spécialiste de la nage papillon qui participe à ses derniers jeux olympiques, ceux de Tokyo. Malgré la joie de remporter une médaille au relais, le moral de l’athlète est plombé par l’idée de prendre sa retraite… à 23 ans.
Le film se passe un peu en piscine, mais surtout dans la tête de cette jeune fille perplexe quant à son avenir, et critique par rapport à son passé. Le réalisateur a fait appel à une véritable médaillée (bronze au relais aux JO de Rio en 2016) pour le rôle-titre. Katherine Savard se tire bien d’affaire compte tenu de son absence d’expérience comme comédienne. Son corps d’athlète parle beaucoup pour elle.
Plante a aussi eu l’audace d’aller tourner une partie de son film à Tokyo. On voit cependant peu la ville, probablement comme les athlètes qui passent les jeux confinés dans le village olympique.
Nadia, Butterfly a gardé l’affiche dans les régions qui ne sont pas rouges. On peut le voir en salle à Amos, Sherbrooke et Rivière-du-Loup.