Peter Peter, De Gaulle et La déesse des mouches à feu
Musique et cinéma ont été au programme de ma semaine.
Super comédie de Peter Peter: tant qu’à choisir sa bulle
En mai dernier, alors qu’on commençait à parler de déconfinement graduel, l’auteur-compositeur-interprète québécois Peter Peter sortait la chanson Conversation, comme un avant-goût de son prochain disque à paraître le 25 septembre. Nous y voilà, Super Comédie est maintenant en vente, et je suis de ceux qui disent hourra d’avoir onze nouveaux titres à me mettre dans les oreilles en cette rentrée plus qu’incertaine.
Super Comédie, quatrième opus de Peter Peter, est le résultat d’un travail qui s’est étiré sur plusieurs mois, et entre deux villes, Montréal et Paris, où il habite depuis 7 ans.
Quand on écoute, on ne peut que constater la méticulosité que l’artiste met à fabriquer ses chansons. La pop qu’il produit est très raffinée. Les synthétiseurs sont toujours prédominants.
Sur sa page Facebook, il affiche souvent des photos des machines qu’il utilise. La quincaillerie dont il dispose pour créer ses univers sonores est très impressionnante.
Ceci étant dit, il continue d’émailler son son électro de guitares, de percussions et de saxophone, dans la parfaite continuité de ses deux disques précédents, Une version améliorée de la tristesse et Noir Éden. Il travaille d’ailleurs essentiellement avec le même noyau de collaborateurs (Emmanuel Éthier, Pierrick Devin, Aurélien Fradagrada, Maxime Gosselin), une véritable unité de choc.
Pour ce qui est des textes, le toujours ténébreux Peter Peter est plus impressionniste que jamais. Sa poésie, qui puise à ses angoisses personnelles, est comme un miroir dans lequel chacun voit ce qu’il veut.
Par exemple, la chanson titre, Super comédie, est l’hommage à la vie d’un gars qui a aujourd’hui la mi-trentaine, mais on peut avoir le double de son âge et fredonner avec lui: «Si on m’avait dit que c’était si court. Je n’aurais pas compté les heures. Je me serais essoufflé à vous dire ce que j’ai gardé dans mes poches.»
Quiconque est en relation d’aide se reconnaîtra dans le leitmotiv d’Essayer: «Promets-moi chaque jour de vivre. Qu’une seule journée de plus. J’en serai témoin. Regarde comme c’est réciproque. Jure-moi au moins d’essayer. Jure-moi au moins d’essayer. Jure-moi au moins d’essayer.»
On ne peut pas rester insensible au questionnement de l’auteur sur la mort. Résurrection exprime la peur, quand on ne croit plus, de ne pas avoir une deuxième chance. «Je ne t’ai pas vu vieillir, que ça tire à sa fin. Je te saisis la main. Tu t’empares de la mienne. Je fredonne tout bas, tu fredonnes un peu aussi, qu’un corps ne suffit pas. Il faut quelque chose d’autre. La mort ne suffit pas.»
On peut aussi entonner avec lui des phrases qui font écho au pénible confinement que nous avons vécu («C’est une saison sans le temps qui passe» ou «Combien de jours fus-je coincé chez moi?») ou des mots («extraordinaire», «conversation») qui sont comme des mantras.
J’écris tout ça, mais au fond, tout ce que je veux dire, c’est que ce disque, qui compte onze bonnes tounes sur onze, est tout simplement une bulle qui fait du bien de bout en bout. En tout cas, pour moi, l’arrivée de Super comédie dans mon lecteur est le meilleur antidote pour combattre la sinistrose de la deuxième vague qui s’annonce.
Vu: De Gaulle de Gabriel Le Bomin
En novembre, cela fera 50 ans que le général Charles de Gaulle est mort. La sortie du film De Gaulle que le réalisateur Gabriel Le Bomin lui consacre aurait pu être une première occasion de célébrer au cinéma la contribution de cet homme à l’histoire de la France, mais ce n’est pas le cas. Même l’excellent acteur Lambert Wilson, abondamment maquillé, ne parvient pas à sauver l’entreprise du naufrage.
De 1940, année où il entre en scène de façon spectaculaire, à sa mort en 1970, le général de Gaulle a été omniprésent dans la vie des Français. Le film s’intéresse à un moment précis de sa carrière: l’appel du 18 juin 1940. Dans ce discours, son premier diffusé de Londres sur les ondes de la BBC, le général invite les militaires, les ingénieurs et les ouvriers français se trouvant en Angleterre à le suivre dans son combat contre l’Allemagne.
«Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas», conclut-il dans ce message historique en totale contradiction avec ses supérieurs hiérarchiques et le gouvernement français alors en fonction qui avaient choisi de signer l’armistice avec l’occupant allemand.
Comment de Gaulle en est-il venu là? C’est ce que le film tente de nous démontrer en reconstituant des moments charnières, comme lorsque le général s’oppose au maréchal Pétain ou lorsqu’il tente de rallier le premier ministre anglais Winston Churchill à sa cause. Si on n’est pas très au fait de cet épisode de l’histoire de France, on se sent vite largué. Le film manque de pédagogie et les acteurs, de conviction.
Parallèlement à l’histoire avec un grand H, le réalisateur a voulu aussi nous raconter celle plus personnelle de Charles de Gaulle, l’homme de famille qui s’inquiète pour sa femme et ses enfants, dont sa petite dernière, trisomique, obligés de fuir sur les routes de France devant l’avancée de l’envahisseur. Cet aspect du film a un côté fleur bleu qui s’arrime mal à la partie plus politique du récit. Rien pour aider, Isabelle Carré, qui tient le rôle d’Yvonne de Gaulle, est terne dans son jeu, et les effets spéciaux créés pour rappeler l’horreur de la guerre sont particulièrement ratés.
Franchement, le grand Charles aurait mérité mieux.
VU: La déesse des mouches à feu d’Anaïs Barbeau-Lavalette
Je n’ai pas été beaucoup plus emballé par le film La déesse des mouches à feu, adapté du roman à succès de Geneviève Pettersen, que je n’ai jamais lu en passant.
La déesse des mouches à feu, c’est l’histoire de Catherine, une adolescente du Saguenay qui vit entre deux parents qui l’aiment et la gâtent, mais qui se chicanent au-dessus de sa tête. Lorsqu’ils se séparent avec fracas, elle choisit son clan, c’est-à-dire sa gang d’amis, des jeunes qui vivent à fond leur adolescence dans une époque trash qu’on a qualifiée de grunge. Ceux qui ont été ados dans les années 1990, la génération X, vont se reconnaître dans ces années dominées par la musique de Nirvana, par un style vestimentaire à la fois hippie et punk, et un pessimisme exacerbé.
Pour Catherine, la consommation de drogues complète le portrait. Avec ses amis, c’est la défonce. Le film m’est d’ailleurs apparu comme une suite de scènes où le personnage fait le party en sniffant d’innombrables lignes de mescaline, nous laissant un peu dans le flou sur le pourquoi de ce comportement nihiliste. Entre ces dérapes, on voit les parents réapparaître pour tenter, sans grand succès, de tirer leur fille du trou dans lequel elle s’enfonce.
Caroline Néron, qui fait un retour à l’écran, est très crédible dans le rôle de la mère exaspérée. Dans le rôle-titre, Kelly Dépeault réussit à ne pas être attachante, comme une adolescente qui a décidé de couper les ponts. Les autres jeunes comédiens de la distribution sont plutôt justes, grâce à la direction d’acteur très assurée de la réalisatrice Anaïs Barbeau-Lavalette. N’empêche, je suis demeuré totalement indifférent à ce qui se passe à l’écran. On n’a pas réussi à me faire comprendre le mystère pour moi insondable de cette époque détestable.