Rêver le Québec
Explorer le Québec cet été? Oui, dès qu’on nous autorisera à quitter nos régions et qu’on aura l’assurance que les mesures sanitaires sont bien ancrées dans les habitudes des hôtes comme des vacanciers. Mais pour aller où? Pour faire quoi?
Je n’ai jamais eu aussi hâte d’explorer la Belle Province que depuis qu’on nous demande de rester dans nos régions. En redessinant le contour des possibles, la pandémie a aussi modifié la géographie de mes désirs. Je me prends à rêver du fjord du Saguenay comme d’un amour interdit. À m’imaginer gambader librement dans le parc Forillon. À redécouvrir Tadoussac avec moins de visiteurs sur les lieux. À suivre le Saint-Laurent jusqu’à l’océan.
Contre toute attente, le camping sauvage, que j’ai toujours perçu comme une corvée (ou un supplice, si je devais enfiler huit épaisseurs de vêtements pour ne pas me transformer en glaçon), m’apparaît maintenant comme un doux gage d’environnement contrôlé. Dans ce nouveau monde où l’espace s’impose comme le luxe ultime, planter ma tente dans un endroit sans humains – et idéalement sans trop de moustiques – me fait sourire comme jadis l’idée d’une terrasse parisienne bondée.
Coup de fil à Simon Boivin, responsable des relations médias de la SÉPAQ, pour ajouter des images à mes fantasmes agrestes.
«Toi, Simon, quels parcs t’ont le plus marqué au cours des dernières années?
- Je dirais le plus récent, Opémican, au Témiscamingue. J’ai été fasciné par le volet patrimonial et historique. Sur la pointe Opémican, les bâtiments sont bien conservés. C’est notre patrimoine de draveurs et de bûcherons. En plus de l’expérience nature, on comprend mieux comment les richesses naturelles étaient exploitées à l’époque. Les tentes en formule prêt-à-camper sont installées dans un lieu entouré de grands pins blancs. C’est majestueux.
- Majestueux, hein?»
Il mentionne aussi Frontenac, à cheval sur les Cantons-de-l’Est et Chaudière-Appalaches, entre autres «pour ses marécages millénaires», Lac-Témiscouata, dans le Bas-Saint-Laurent, pour ses activités nautiques et «ses volets archéologique et historique», et les îles de Boucherville, qui réservent de belles surprises à deux pas de Montréal, mais je suis déjà en train de m’imaginer bien calée dans mon hamac portatif, entre deux pins géants, dans mon futur royaume (appelez-moi «sa majesté»).
En discutant avec Guillaume Rivest, journaliste spécialisé en environnement et fondateur d’Exode bâtisseur d’aventures, l’idée d’aller visiter le Fort Témiscamingue* a aussi ressurgi. Rien ne m’enflamme plus que remonter le temps et me faire raconter l’Histoire.
Serais-je en train de me transformer en coureuse des bois, moi la princesse au petit pois? Non. Mais comme ce n’est pas demain la veille que je pourrai observer la faune humaine depuis une terrasse bondée de l’autre côté de l’océan, je scénarise de nouveaux rêves. Après tout, c’est moi qui crierai «Action!» le moment venu. Alors, autant imaginer des aventures accessibles et mieux adaptées aux paramètres actuels.
Je dis toujours que le Québec ne devrait jamais être un plan B. Pourtant, nous sommes nombreux à l’avoir découvert seulement après avoir bourlingué aux quatre coins de la planète. C’est peut-être d’ailleurs la raison pour laquelle je suis aussi excitée en pensant au vaste terrain de jeux auquel je pourrai accéder dès qu’on nous donnera le feu vert: je sais que mon bout du monde vaut tous les autres. Qu’il a de quoi me tenir occupée pendant des siècles de pandémie. Qu’il est un plan A.
Je rêverai toujours de ces ailleurs aux parfums inédits. Mais à quelques kilomètres de chez moi, je vois aussi se profiler la promesse de merveilleuses aventures.
Et puis, je trouverai toujours le moyen de mettre un peu de ouate sur mes lits de sapin.
* À noter que les bâtiments des lieux historiques de Parcs Canada ne sont pas encore ouverts.