Photo: courtoisie de Federico Brunetti
10 mars 2020Auteure : Emilie Laperrière

Pritzker Prize: place aux femmes

Pour la première fois depuis sa création en 1979, le Pritzker Prize, l’équivalent du Nobel pour l’architecture, a été remis à un duo de femmes architectes. On en profite pour vous présenter quelques-uns de leurs projets phares.



Célébré par l’ensemble de la profession comme la récompense la plus prestigieuse possible pour un architecte, le Pritzker Prize demeure tout de même relativement méconnu du grand public. Le médaillon de bronze et une bourse de 100 000$ sont décernés chaque année à un ou des architectes vivants dont le travail démontre «une combinaison de talent, de vision et d’engagement» et qui ont réalisé des «contributions cohérentes et significatives à l’humanité et à l’environnement bâti à travers l’art de l’architecture».

Jusqu’à présent, le prix a surtout reconnu l’apport des hommes. Une poignée seulement de femmes se retrouvent parmi les lauréats des 41 dernières années: Zaha Hadid en 2004, Kazuyo Sejima de SANAA en 2010 et Carme Pigem de RCR Arquitectes en 2017.

Yvonne Farrell et Shelley McNamara, qui ont fondé Grafton Architects et qui ont reçu le Pritzker 2020, complètent cette (trop) courte liste.

Une des nombreuses réalisations du duo d'architectes: le campus universitaire UTEC, au Pérou. Photo: courtoisie de Iwan Baan

Grafton Architects

Les deux Irlandaises se sont rencontrées à l’University College de Dublin, alors qu’elles étudiaient l’architecture. Après avoir obtenu leur diplôme, elles ont ouvert leur agence avec trois associés en 1978 en lui donnant le nom de la rue où étaient alors situés leurs bureaux, Grafton Street.

Le jury a choisi Yvonne et Shelley notamment en raison de leur «engagement incessant envers l’excellence» et parce qu’elles sont des «pionnières dans un domaine qui a toujours été et reste encore une profession dominée par les hommes». Celui-ci a également souligné leur sensibilité face à la géographie, au climat et à la nature dans chacun de leurs projets. En 40 ans, les acolytes ont signé une quarantaine de bâtiments, principalement en Irlande, mais aussi en Italie, en France et au Pérou. En voici trois incontournables.

Yvonne Farrell et Shelley McNamara. Photo: courtoisie de Alice Clancy

Campus universitaire UTEC (Pérou, 2015)

L’université d’ingénierie et de technologie a été décrite comme un «Machu Picchu des temps modernes» par le jury qui lui a décerné le premier prix international RIBA (pour Royal Institute of British Architects) en 2016.

En entrevue avec le New York Times, les architectes ont avoué qu’elles avaient en effet été inspirées par le Machu Picchu, en particulier par ses terrasses empilées et par ses pierres qui se fondent les unes dans les autres comme des coussins. La paire a aussi beaucoup réfléchi à l’intégration de la pluie et du vent dans le complexe.

Les architectes ont avoué qu’elles avaient été inspirées par le Machu Picchu dans la conception du campus universitaire UTEC, à Lima.Photo: courtoisie de Iwan Baan

«Nous trouvons des indices dans des exemples locaux, comme des détectives architecturaux», a illustré Yvonne Farrell.

Fidèles à leur penchant pour les matériaux robustes, le béton est ici à l’honneur. Le campus vertical se compose de multiples plateformes qui créent des espaces ouverts et fermés, tout en fournissant de l’ombre. Les salles de classe, les laboratoires et les bureaux s’insèrent dans la structure à l’allure d’un labyrinthe.

Fidèles à leur penchant pour les matériaux robustes, le béton est à l’honneur. Photo: courtoisie de Iwan Baan

Université Luigi Bocconi (Italie, 2008)

Quelques années plus tôt, les architectes ont imaginé une autre université qui a été saluée par la critique. L’université Luigi Bocconi a été entre autres couronnée du prix Bâtiment de l’année 2008 au World Architecture Festival.

L’université Luigi Bocconi a été entre autres couronnée du prix Bâtiment de l’année 2008 au World Architecture Festival. Photo: courtoisie de Federico Brunetti

Conçu comme un lieu d’échange, le bâtiment comprend une collection de pavillons et de cours qui occupent tout un pâté de maisons. L’école d’économie compte de gros blocs solides en pierre, illuminés par des parois en verre.

L’école d’économie de l'université compte de gros blocs solides en pierre, illuminés par des parois en verre. Photo: courtoisie de Federico Brunetti

«Il fallait des bureaux de recherche pour 1000 professeurs et des salles de conférence pour 1500 personnes. Nous avons séparé ces deux mondes et permis à la vie urbaine d’entrer dans l’univers universitaire», ont expliqué les architectes à Dezeen.

Les architectes ont voulu laisser la vie urbaine entrer dans l'univers universitaire. Photo: courtoisie de Alexandre Soria

Centre des arts Solstice (Irlande, 2006)

Le terrain en pente a poussé les associées à penser ce projet comme un affleurement rocheux artificiel. Le sol du théâtre suit les contours du site, formant ce que les conceptrices appellent un «paysage intérieur». «Nous l’avons fait ainsi parce que nous sentions qu’une présence massive s’imposait pour jalonner et réinventer ce lieu, en faire un nouvel ancrage culturel», ont-elles souligné en entrevue avec Dezeen.

L’imposante dalle de mosaïque en marbre gris-noir a été choisie pour correspondre à la couleur des grands toits en ardoise des églises situées tout près. Photo: Ros Kavanagh

Une fenêtre sur le ciel et une fenêtre sur le hall d’entrée amènent un peu de lumière naturelle dans l’espace de 320 sièges. L’imposante dalle de mosaïque en marbre gris-noir a pour sa part été choisie pour correspondre à la couleur des grands toits en ardoise des églises tout près.