Texte présenté par Place des Arts
Lagrime di San Pietro : une œuvre qui traverse les siècles
On raconte que l’apôtre saint Pierre, après avoir désavoué Jésus-Christ, a été accablé de remords. Mais de toute noirceur peut jaillir la lumière et, de passage à Montréal le 30 janvier, le spectacle de chant choral Lagrime di San Pietro par le Los Angeles Master Chorale en est la preuve. Au fil des siècles, la peine de saint Pierre s’est transformée en inspiration et en performance émouvante.
Les quatre évangiles rapportent qu’après l’arrestation de Jésus, qui le mènera à la crucifixion, l’apôtre Pierre, par crainte d’être lui aussi mené à la mort, nia trois fois plutôt qu’une avoir eu une relation avec ce dernier. Mais aussitôt, on dit qu’il pleura amèrement devant sa propre trahison.
Plus de 1500 ans plus tard, la douleur et la peine de l’apôtre ont inspiré Luigi Tansillo, un poète italien qui a vécu de 1510 à 1568 et qui a composé un texte décrivant les émotions de saint Pierre à la suite de son désaveu. De son côté, en 1594, Roland de Lassus, un compositeur italien prolifique, a greffé sa musique à ces mots poignants. Ainsi, l’œuvre est constituée de 21 pièces, des madrigaux spirituels, qui décrivent les sentiments de saint Pierre. À l’époque, le compositeur était souffrant et savait que cette œuvre était sa dernière. L’imminence de sa mort a probablement contribué à charger sa composition d’émotions. Résultat : une œuvre qui a transcendé les époques, connue sous le nom de Lagrime di San Pietro, ou Les larmes de saint Pierre.
De saint Pierre jusqu’à aujourd’hui
Plus de 400 ans plus tard, c’est au tour du metteur en scène américain Peter Sellars d’être inspiré par l’œuvre. Réputé dans le monde de l’opéra, ce dernier s’amuse donc avec le Lagrime à travers un regard contemporain et propose une allégorie qui suggère qu’en acceptant nos responsabilités, il est possible de construire un avenir meilleur.
Pour interpréter ce message : le Los Angeles Master Chorale, fondé en 1964 et composé de 21 chanteurs qui bougent au rythme de leur musique et qui sont appuyés d’effets de lumière. Ainsi, dans une interprétation a capella, ils reprennent à leur façon pendant 75 minutes ce qui est considéré comme un chef-d’œuvre de la Renaissance.
Le spectacle, qui rend hommage à un art ancien et spirituel, est acclamé à travers le monde et le journal The Guardian, à Londres, a décrit la performance comme étant « immaculée ».
Aujourd’hui, grâce à des artistes contemporains et aux voix de ce chœur, des sentiments négatifs que sont la douleur, la peine et la culpabilité jaillit une lumière. « Le spectacle que nous donnons sous la direction de Peter Sellars me passionne parce qu’il réussit à sublimer un sentiment profondément laid. Explorer nos zones d’ombre et nos plus noires pulsions, ça a toujours été un rôle des grandes œuvres, et celle-ci y arrive de façon magistrale », explique Anna Schubert, soprano pour Lagrime di San Pietro.
La trahison de saint Pierre au début de notre ère, les poèmes de Luigi Tansillo et la musique de Roland de Lassus créés au 16e siècle, puis la mise en scène actuelle imaginée par Peter Sellars… Nul doute : le Lagrime di San Pietro, qui sera bientôt de passage à Montréal, est une véritable œuvre d’art créée à plusieurs mains qui a su traverser les époques. Et c’est certainement un moment d’arrêt et de recueillement hors du temps que propose grâce à ce spectacle la Maison symphonique le 30 janvier prochain.
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Lagrime de San Pietro, au milieu de sa tournée mondiale, s’arrêtera à la Maison symphonique de la Place des Arts de Montréal le 30 janvier 2020.