Blue Origin: une avancée pour le tourisme spatial
Caressez-vous le rêve d’aller un jour faire un tour dans l’espace? Le tourisme spatial a connu une avancée importante la semaine dernière, alors qu’une fusée conçue pour transporter des passagers a réussi pour la première fois à voler jusque dans l’espace, puis à revenir au sol en atterrissant à la verticale. Un exploit qui a beaucoup fait jaser, pour le meilleur et pour le pire.
New Shepard: une fusée pour les touristes
La compagnie privée derrière cet exploit est Blue Origin, une entreprise fondée il y a 15 ans par le multimilliardaire Jeff Bezos, fondateur et PDG d’Amazon.com.
Au fil des ans, l’entreprise s’est dotée d’une approche graduelle de l’exploration spatiale, une étape à la fois, où les technologies développées pour une étape peuvent être réutilisées et améliorées pour la suivante. Les ambitions de la compagnie vont beaucoup plus loin (au sens propre comme au sens figuré), mais la première véritable étape du programme spatial de Blue Origin sera le tourisme spatial, à bord de leur fusée New Shepard, celle-là même qui a atteint l’espace la semaine dernière.
La fusée contient un habitacle pour six voyageurs, doté de grandes fenêtres. Ces voyageurs, qui devront se présenter au Texas deux jours avant le décollage afin de recevoir un bref entraînement, pourront vivre une accélération de 3G pendant 150 secondes, avant que les moteurs de la fusée soient coupés et que leur habitacle glisse lentement à la frontière de l’espace. Ils pourront alors vivre en micropesanteur pour 4 minutes avant de redescendre.
Alors que l’habitacle fera son atterrissage grâce à de simples parachutes, la fusée servant à propulser l’habitacle, elle, sera ralentie par son moteur après une chute libre, jusqu’au point de pouvoir atterrir complètement.
Le fait que cette fusée pourra ensuite être réutilisée devrait considérablement réduire le coût du voyage. Malheureusement pour les intéressés, le prix du voyage spatial n’a toujours pas été dévoilé. Les premiers vols habités ne devraient de toute façon pas avoir lieu avant quelques années, selon Jeff Bezos.
Notons que Virgin Galactic, une autre entreprise qui promet d’emmener des touristes dans l’espace, compte quant à elle le faire pour 250 000$ par personne.
Les comparaisons avec SpaceX
Blue Origin n’est pas la première compagnie à faire atterrir à la verticale une fusée, mais elle est la première compagnie à l’avoir fait après un voyage dans l’espace, battant ainsi à l’arrivée SpaceX, la compagnie de l’homme d’affaires Elon Musk.
La comparaison n’est toutefois pas des plus équitables, comme l’a rappelé Elon Musk lui-même sur Twitter.
Tel que l’explique le site Business Insider, la fusée Falcon 9 de SpaceX, celle que la compagnie a tenté plusieurs fois de faire atterrir de la sorte au cours de la dernière année, est conçue non pas pour atteindre la frontière de l’espace, comme la New Shepard, mais l’orbite terrestre.
Alors que la fusée de Blue Origin a atteint les 100,5 kilomètres d’altitude (tout juste au-delà de la barre des 100 km, considérée comme la limite de l’espace), la fusée Falcon 9 de SpaceX est conçue pour aller beaucoup plus loin, que ce soit pour ravitailler la Station spatiale internationale (à une altitude d’environ 400 km), ou pour déployer des satellites à plus de 30 000 km d’altitude.
La Falcon 9 elle-même ne doit pas franchir toute cette distance, mais le premier étage de la fusée doit tout de même atteindre une vitesse d’environ Mach 30, et non Mach 3, comme celui de la New Shepard, avant d’être largué.
Bref, les deux entreprises visaient le même record, c’est vrai, mais les conditions dans lesquelles elles devaient le faire étaient loin d’être les mêmes.
Les limites du privé dans l’espace
On assiste présentement à une «guerre des milliardaires», comme le titrait la semaine dernière Le Monde, mais l’avenir de l’exploration spatiale n’est pas une question d’entreprises privées, a toutefois tenu à rappeler le vulgarisateur scientifique Neil deGrasse Tyson, dans une entrevue avec le site spécialisé The Verge.
Tyson n’a rien contre les SpaceX et compagnie, mais il serait illusoire «de croire que SpaceX mènera l’exploration spatiale», explique-t-il. Oui, livrer des satellites ou de la cargaison à la Station spatiale peut être un marché payant pour le privé, mais quand il est question d’explorer l’espace, ou même de visiter Mars, il en est tout autrement.
«Ça n’arrivera pas, affirme carrément Neil deGrasse Tyson. Ça n’arrivera pas pour trois bonnes raisons: un, c’est très cher. Deux, c’est dangereux de le faire en premier. Trois, il n’y a aucun retour sur investissement relié au fait de l’avoir fait en premier.»
Tout comme ça a été le cas avec les missions Apollo, et tout comme ça a été le cas bien avant avec les missions de Christophe Colomb, ce ne sont que les gouvernements qui peuvent financer l’exploration vers de nouveaux horizons.
Mais, en attendant, si on peut avoir un siège pour aller faire un tour dans l’espace, pourquoi pas?