Le peintre Jérôme Bosch revisité par Les 7 Doigts
Le festival Montréal complètement cirque a 10 ans. Je me souviens de la première édition, pleine de promesses, mais aussi périlleuse qu’un numéro de fil de fer. Ajouter un nouvel événement dans une saison déjà encombrée, ce n’était pas gagné d’avance. Avec 50 000 spectateurs, on avait alors conclu au succès. Dix ans plus tard, le festival en attire plus de 400 000, avec des propositions sans cesse renouvelées.
Cette année, c’est la compagnie Les 7 Doigts qui lance le bal de la programmation en salle avec Bosch Dreams, un spectacle créé en 2016 à Copenhague pour souligner le 500e anniversaire de la mort du peintre flamand Jérôme Bosch. Après une tournée en Europe (Pays-Bas, France, Espagne) et en Asie (Séoul, Hong Kong, Macao), c’est la première fois que cette production est présentée en Amérique. Si vous voulez vous immerger dans cet univers surréaliste, c’est maintenant ou jamais, car Montréal est l’ultime escale.
Pour être franc, à part le nom, Jérôme Bosch m’était inconnu jusqu’à hier. Grâce à Samuel Tétreault, concepteur, metteur en scène et directeur artistique du spectacle, j’en sais un peu plus sur cet artiste né à Bois-le-Duc, en Hollande, vers 1450 et mort en 1516, notamment qu’il a eu une influence importante sur le mouvement surréaliste.
Un des acrobates, qui prend les traits d’un conférencier, nous familiarise avec ce peintre énigmatique. Dans le style très caractéristique des 7 Doigts, le discours est teinté d’humour, ce qui n’empêche pas d’être aussi très didactique. Trop diront certains, mais personnellement, j’ai aimé la façon dont on nous guide dans cette époque si lointaine.
Grâce à des projections qui remplissent tout le cadre de scène, on entre littéralement dans les tableaux de Bosch, peuplés de personnages d’allure médiévale et d’animaux étranges. Le tout prend vie sous nos yeux, soit par la présence d’acrobates ou par un procédé d’animation. Le numéro d’équilibre sur cannes, par exemple, est une totale réussite. Les contorsions de l’acrobate, confinée dans une bulle, donnent l’impression qu’un des nombreux détails du célèbre tableau Le jardin des délices bouge.
Que dire du numéro inspiré de l’enfer dépeint dans ce même triptyque exposé au Prado à Madrid, sinon qu’il donne un avant-goût de la fin du monde? En le voyant, on ne peut que se remémorer le déraillement survenu à Lac-Mégantic le 6 juillet, il y a six ans.
Le spectacle est aussi traversé par des artistes qui ont été influencés par Bosch: Salvador Dali et Jim Morrison. Cela nous vaut entre autres un numéro de trapèze aérien sur Light My Fire et The Crystal Ship des Doors.
D’ailleurs, comme toujours chez les 7 Doigts, la trame sonore est très relevée. Cela va de la musique médiévale de Claire Gignac à La nef des fous, en passant par Stéphane Grappelli, Tom Waits, Chilly Gonzales et plusieurs autres.
Bosch Dreams mise davantage sur la contemplation que sur la performance. Les numéros acrobatiques ne sont pas aussi spectaculaires que l’enrobage. Il y a aussi quelques longueurs dans les enchaînements. Mais disons que cette allégorie, imaginée par les 7 Doigts et la compagnie Republique du Danemark, est une formidable initiation à l’œuvre de Bosch. Il n’y a pas un musée qui peut offrir une telle expérience.
Le festival Montréal complètement cirque se déroule jusqu’au 14 juillet. Le volet gratuit, toujours aussi consistant, est offert en soirée dans le pôle Quartier latin du Quartier des spectacles. Il ne faut pas manquer le spectacle Candide présenté aux Jardins Gamelin à 19h15 et 22h15. Il s’agit d’une nouvelle création d’Anthony Venisse, concepteur des animations extérieures du festival depuis ses débuts.