Les nouveaux médias à la rescousse de votre santé mentale
Un grand mouvement de conseils et d’ouverture pour vaincre la dépression est en cours sur Twitter avec le mot-clic #HowIFightDepression, où plus de 7 000 internautes révèlent avoir un jour combattu ce grand mal du siècle.
Mal de l’Histoire, même, quand on sait que la dépression sévit depuis que le monde est monde, alors qu’on parlait jadis de spleen, bile noire, mélancolie, etc. Alors aussi qu’il n’y avait que quelques écrivaines et écrivains pour écrire sur le sujet, de moins en moins tabou grâce à celles et ceux qui témoignent désormais, entre autres beaucoup de personnalités publiques qui se seraient tues, il y a dix ans à peine, de peur que ces aveux, faussement perçus comme une faiblesse, fassent ombrage à leur carrière. Pourtant, l’Organisation mondiale de la santé estime que la dépression est une affection courante dans le monde qui concerne 300 millions de personnes.
Bien sûr, #HowIFightDepression nous en donne à lire de toutes les couleurs, tout comme il y a autant de modèles de gants de boxe pour monter sur le ring et se battre. À nous de choisir l’armure qui nous sied le mieux entre nature, musique, exercices, méditation, zoothérapie, antidépresseurs, thérapies, chocolat, voyages, lectures inspirantes, etc. Tout le monde y va de son récit personnel sans crainte d’être jugé, en toute honnêteté, et c’est là toute la beauté de cette affaire.
Si les communautés en ligne isolent, paradoxalement, dans de tels mouvements, elles consolent donc, et rassemblent aussi. Et si, en ligne, les représentations de soi à outrance sont narcissiques au point de tomber sur les nerfs, dans ces mouvements, elles semblent plus généreuses, peuvent faire des différences, aussi petites soient-elles dans l’esprit d’une âme souffrante qui trouve refuge derrière l’écran.
Bien avant l’avènement de l’ordinateur, dans son magnifique roman Les vagues, Virginia Woolf – qui n’avait pas le cœur particulièrement guilleret – écrivait: «Aucun de nous n’est complet en lui seul.» Oui, on a besoin des autres et «L’enfer, ce n’est pas toujours les autres», pour citer cette fois l’existentialiste Jean-Paul Sartre, qui n’avait pas tort non plus, mais pas dans ce contexte contemporain de partage en ligne.
Balado, quand tu nous tiens
Les balados aussi – puissent-ils continuer d’être libres, multiples, sans carcan – donnent à écouter des perles de «remonte-moral».
À cet égard, si les personnalités publiques parlent de plus en plus de leurs épisodes de dépression, rares sont celles qui osent lever le voile sur la dépression post-partum qui, malheureusement, demeure tabou, alors qu’on pense à tort que l’arrivée d’un bébé devrait être synonyme de joie et d’allégresse.
À Devine qui vient souper?, balado animé par Sophie Durocher et Richard Martineau, qui reçoivent à manger des duos d’invités, l’humoriste Cathy Gauthier a été d’une sincérité à couper le souffle en parlant de l’état de détresse et de fragilité dans lequel elle s’est trouvée après la naissance de son nourrisson, une fillette désirée plus que tout: «Ma vie a terriblement changé du jour au lendemain, j’avais une carrière, je faisais de l’argent, ça roulait mon affaire, ça allait bien, et là, du jour au lendemain [après l’accouchement], je n’ai plus de show, ça aussi c’est une drogue; le public, c’est enivrant. Alors, je me retrouve chez nous, je ne travaille plus, j’ai tout perdu; mes cheveux, mes sourcils…; j’ai l’air de Jim Corcoran sur la cortisone, je suis grosse, je suis toujours en pyjama […] Je commence tranquillement à m’en sortir. Au début, je me disais, c’est les hormones, mais non…» À faire écouter à plein de gens. L’autre invité, le bon et pertinent Jean-Marie Lapointe, n’y va pas de main morte lui non plus dans la vérité et l’humilité en parlant de dépendance et de pauvreté.
Il n’y a rien comme l’intimité créée dans les balados, la liberté de ces médiums pour avoir accès à ce type de confessions salutaires dans une époque fausse à bien égards, et dans laquelle tout le monde se met en scène «à son meilleur» pour être sûr de briller, de laisser sa trace. Contrecarrer les apparats avec Twitter et les balados me réjouit au plus haut point, surtout quand ça passe par des êtres qui n’ont rien à gagner en se dévoilant ainsi, qui le font juste pour éclairer les autres, leur tendre une perche, leur dire qu’ils ne sont pas seuls, que même des «vedettes» sensées «tout avoir» passent par des moments moins glorieux.
Je craque pour…
Amoureux des mots, vous me remercierez mille fois de vous avoir fait découvrir le balado La compagnie des auteurs de Matthieu Garigou-Lagrange de l’émission radiophonique du même nom, présentée sur France Culture et consacrée aux grands écrivains et écrivaines du passé comme du présent. Flaubert, Barthes, Wharton, Colette, Woolf, Beauvoir, Sartre, Casanova, Breton, Easton Ellis, Verlaine, Morante, ils sont tous là, convoqués grâce aux communicateurs et spécialistes de leur vie vulgarisée sans pareil. Rien d’hermétique ou d’indigeste, c’est un vrai régal.