Notre-Dame de Paris: comment restaurer ce joyau architectural?
Après l’incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame de Paris, architectes et élus s’interrogent sur le meilleur plan à suivre pour reconstruire ce trésor du patrimoine mondial. Alors que certains préconisent une restauration à l’identique, d’autres préféreraient qu’on se tourne vers l’avenir.
Moins de 48 heures après le terrible événement, le premier ministre français, Édouard Philippe, a annoncé son intention de lancer un concours international d’architecture. Celui-ci devra «trancher la question de savoir s’il faut reconstruire une flèche à l’identique ou s’il faut se doter d’une nouvelle flèche adaptée aux techniques et enjeux de notre époque». Il n’en fallait pas plus pour ouvrir le débat.
Patrick Ponsot, l’architecte en chef des monuments historiques, croit pour sa part que l’on sous-estime la complexité de la restauration. Il indique notamment que si l’on décidait de reconstruire la même chose, une immense quantité de chênes – pas moins de 1300 arbres – serait requise, en plus d’un long délai pour sécher tout ce bois. Rappelons également que la flèche haute de 93 mètres, construite en bois et recouverte de plomb, d’Eugène Viollet-le-Duc était déjà une nouvelle version de celle disparue vers 1792.
Le directeur du programme de préservation de l’Université Columbia, Jorge Otero-Pailos, soulignait aussi en entrevue avec Curbed que même si une restauration semblable en tous points est techniquement faisable, le savoir-faire de l’époque serait perdu. «Les objets et les bâtiments du patrimoine nous permettent surtout de nous connecter avec le passé. La continuité sera brisée», disait-il.
Redonner à la cathédrale son lustre d’antan en seulement cinq ans – l’objectif fixé par le président de la République, Emmanuel Macron – représentera dans tous les cas tout un défi. La question ne se réglera pas tout de suite, mais voici quand même quelques-unes des propositions qui ont déjà été dévoilées.
Un projet contemporain
Pour la firme Godart + Roussel Architectes, basée à Dijon, l’idée de tout remettre comme avant «serait certes réconfortante, mais catastrophique d’un point de vue intellectuel». Leur projet, que l’on peut voir sur leur page Facebook, est donc résolument contemporain.
Ils ont imaginé un toit composé de panneaux vitrés et de tuiles en cuivre. À la croisée du transept, en lieu et place de l’ancienne flèche, le plancher vitré s’ouvrirait sur l’intérieur de l’église en contrebas. La toiture, elle, deviendrait accessible au public. Le nouvel étage abriterait des vestiges de l’ancien monument, des explications sur l’histoire de Notre-Dame, de même que des photos et des vidéos d’archives.
La proposition, qui de l’aveu même des architectes ne se fera certainement jamais, a été reçue avec beaucoup de scepticisme, mais également quelques commentaires enthousiastes. En entrevue avec l’Obs, l’architecte associé Pierre Roussel a expliqué que leur concept, élaboré en un après-midi, pourra être peaufiné afin d’être présenté au concours d’architecture.
Norman Foster, un des architectes britanniques les plus connus dans le monde, prône aussi un design fait de verre. Il suggère que la flèche de la nouvelle cathédrale soit «une œuvre d’art sur la lumière». Celle-ci devrait être «contemporaine, très spirituelle, et capturer l’esprit confiant du temps».
La majorité des internautes semble se dresser contre le concept. N’empêche, un ajout de verre rappelle un peu la pyramide du Louvre. La structure de verre et de métal, qui tranche nettement avec l’architecture classique qui l’entoure, est devenue indissociable du musée.
Des matériaux d’aujourd’hui
Jean-Michel Wilmotte, à qui l’on doit notamment l’église russe à Paris, penche également en faveur de la construction d’une nouvelle flèche qui ne serait pas une simple reproduction de celle érigée au 19e siècle. «Il pourrait y avoir des citations de Viollet-le-Duc», ajoute néanmoins l’architecte.
Celui-ci croit qu’il faut respecter l’ancienne volumétrie, son élancement, mais utiliser des matériaux bien de notre temps, comme le titane et le verre. «La couverture qui était à l’époque en plomb, on pourrait la substituer à une couverture de titane, qui est trois fois moins lourd que le plomb et qui aurait un aspect similaire», a-t-il suggéré à franceinfo.
Ces propositions modernes irritent Robert Adam au plus haut point. Le fondateur et directeur d’Adam Architecture milite dans le Guardian pour une reconstitution la plus fidèle possible. «Les architectes ont cette idée idiote que parce que la technologie change, l’architecture doit refléter ces changements. Mais la culture – notre façon de penser, comment nous nous identifions – ne va pas vite. En fait, elle change très, très lentement. Et confondre ces deux choses est une grave erreur. Ils devraient faire ce qu’ils ont fait à York [Minster, qui a subi un incendie similaire en 1984, NDLR] et tout remettre de manière à ce que personne ne le remarque.»
En fin de compte, il sera intéressant de voir quelle proposition sera sélectionnée. Fera-t-on hommage au passé ou, au contraire, profitera-t-on de la tragédie pour ancrer la cathédrale dans le 21e siècle? Chose certaine, Eugène Viollet-le-Duc pouvait s’estimer heureux de ne pas vivre à une époque où les médias sociaux alimentaient le débat, même si son design avait soulevé la controverse. La pression sur ses épaules était sûrement moins grande.