Quelque chose comme un peuple de magiciens
Les Québécois veulent de la magie. C’est du moins l’interprétation très libre que je fais d’une fascinante enquête que vient de rendre publique l’Observatoire de la culture et des communications du Québec sur la fréquentation des spectacles au Québec durant l’année 2017.
Si la magie et ses shows ont la cote, les comédies musicales, le cirque et l’humour (êtes-vous surpris?) font aussi partie de l’ensemble des spectacles de variétés qui ont connu une hausse de 28% du nombre de leurs spectateurs en 2016 et 2017.
«Je veux de la lumière», chante Philémon Cimon. Ça me semble clair que c’est aussi ce que veulent les gens, à découvrir ces données qui classent les spectacles par ordre de fréquentation. C’est d’ailleurs Volta du Cirque du Soleil qui arrive en tête de liste en 2017.
Pas étonnant non plus que la jeune humoriste franche, lucide et directe Mariana Mazza arrive au deuxième rang après avoir fait découvrir Femme ta gueule, one woman show drôle, certes, mais aussi assez féministe, qui rompt avec la morosité ambiante. Sans compter que la Mariana Mazza, elle, fait partie des artistes chouchous des jeunes, qui la suivent aussi sur ses réseaux sociaux comme Instagram. Mazza incarne à la fois la conviction de ses idées, la révolte, la chaleur et l’authenticité, des valeurs qui font que la jeunesse s’y retrouve.
Même son de cloche du côté des autres humoristes au palmarès, souvent des émergents comme Phil Roy, Philippe Bond ou P.-A. Méthot, qui se distinguent chacun à leur manière avec leurs thèmes respectifs.
Après Mazza-la-championne suivent Crystal, Mary Poppins, Footloose et Stone. Avec ces spectacles de cirque et de comédie musicale qui mêlent danse, éclairage puissant, chant, histoires devenues grands classiques, c’est clairement l’enfance et l’adolescence qui sont convoquées en offrant de la nostalgie aux grands et en émerveillant les plus jeunes qui découvrent…
Je crois aussi que les comédies musicales restent assez rassembleuses, qu’elles permettent à des familles entières d’assister à des représentations qui transportent complètement ailleurs et qui, oui, en l’espace d’une heure et quelques, font décrocher du quotidien. Baume pour l’âme ou nanane pour cœurs esseulés, c’est aussi ce que promet souvent ce type de spectacles. Et si au Québec on excelle dans ce secteur culturel, les arts du cirque aussi nous donnent bonne figure, tant dans leurs enseignements que dans leur pratique, où nos artistes circassiens atteignent des sommets.
Concernant les comédies musicales qui font courir les foules, elles reviennent, de supplémentaires en supplémentaires, et mises en scène par des sensibles capables de dénicher d’autres talents. Que ce soit pour Footloose ou Mary Poppins, Serge Postigo a d’ailleurs su s’entourer d’une fidèle équipe solide et trouver des perles rares qui continueront certainement de faire parler d’elles dans le futur. Dans Footloose, la jeune Éléonore Lagacé, ex-candidate de La Voix et de La cour des grands, a été ma révélation. Assurément que le charisme et la présence de ces étoiles naissantes contribuent à attirer les foules.
Le Quartier fonctionne fort
Toujours selon cette étude de l’Observatoire de la culture et des communications du Québec sur la fréquentation des spectacles au Québec durant l’année 2017, ce sont les spectacles sur l’île de Montréal qui comptaient pour 50% de l’assistance aux spectacles payants en arts de la scène, cette part étant la même que lors des années antérieures, et c’est le Quartier des spectacles qui a accueilli le plus de spectateurs en récoltant environ 40% des entrées.
Je m’en voudrais d’ailleurs de ne pas en profiter pour mentionner tout le bien que je pense du très pertinent ouvrage Tous pour un: Quartier des spectacles, paru au début octobre aux éditions La Presse et signé par mon collègue Claude Deschênes qui y raconte, photographies et témoignages à l’appui, comment ce lieu de rassemblement du centre-ville de Montréal propose la plus grande concentration et la plus importante diversité d’offres culturelles en Amérique du Nord dans 1 km2. Quand même. Oui, oui, on a de quoi être fiers.
Dommage – et un peu inquiétant? – toutefois que les spectacles de chansons francophones soient en recul de 19% par rapport à 2016. Je me console un peu en me disant que la musique classique voit pour sa part son nombre d’entrées augmenter de 6%. Voyons ce que ça signifiera à long terme. L’offre culturelle est importante et les tribunes médiatiques pour parler de ces offres disparaissent comme peau de chagrin. C’est ainsi depuis quelques années. Hâte de voir ce que les caquistes nouvellement au pouvoir entreprendront pour cet important secteur qui fait que le Québec se distingue partout dans le monde. À suivre de manière attentive.
Je craque pour…
L’album Petites mains précieuses d’Ariane Moffatt
Difficile de ne pas être attendrie quand on sait que c’est en compagnie de son bébé qui venait de naître qu’Ariane Moffatt a créé ce sixième opus doux et brillant. Georges, ce petit être qu’elle chérit, lui a insufflé l’énergie créatrice pour habiter et partager avec lui cette «chambre à soi» si souvent évoquée par la défunte écrivaine Virginia Woolf au sujet de ces espaces nécessaires à l’écriture. N’importe quel être sensible ressentira les vibrations de ce partage à l’écoute de chacune des chansons de celle qui atteint des sommets d’expérience et de maturité; des affaires qui ne s’achètent pas et avec lesquelles elle sait composer avec toute la splendeur qu’elle affiche comme mère et musicienne comblée.