Centre hospitalier de l'Université de Montréal. Photo: Adrien Williams, v2com
18 septembre 2018Auteure : Emilie Laperrière

À quand une politique québécoise de l’architecture?

Peu de chances que l'architecture ou une politique québécoise de l'architecture se retrouve au cœur du débat électoral actuel. Et on ne peut que s’en désoler, car une politique nationale sur l’architecture permettrait une bien meilleure gestion des bâtiments et infrastructures publics.


Politique québécoise de l’architecture… mais encore?

L’idée d’une politique québécoise de l’architecture n’est pas nouvelle. L’Ordre des architectes du Québec plaide en sa faveur depuis 2014. L’OAQ a également publié au printemps le Livre blanc pour une politique québécoise de l’architecture.

Une telle politique servirait à «définir les orientations du gouvernement en ce qui a trait à la planification, la conception, la construction, l’entretien et la rénovation des bâtiments, des infrastructures et des espaces publics». Elle permettrait de s’assurer, surtout, que notre architecture peut faire face aux défis du XXIe siècle, que l’on parle de changements climatiques ou du vieillissement de la population.

Dans une vidéo fort bien faite de RAD, la présidente de l’OAQ, Nathalie Dion, et le chroniqueur Marc-André Carignan expliquent pourquoi le Québec a tout à gagner à adopter une politique de l’architecture. Parce que même si la Belle Province n’a pas une culture du design, contrairement aux pays scandinaves par exemple, l’architecture nous concerne tous. Une vingtaine de pays européens, comme les Pays-Bas ou le Danemark, se sont dotés d’une telle politique. Le Québec ferait toutefois figure de précurseur en Amérique du Nord. L’initiative permettrait également de mieux définir l’identité québécoise en passant par l’architecture.

Photo: Stéphane Groleau
Bibliothèque Monique Corriveau, Québec. Photo: Stéphane Groleau

Aménagement du territoire

Le Québec est grand, mais ça ne veut pas dire qu’on peut improviser son aménagement. Malgré les politiques qui favorisent la densification des villes, une proportion de plus en plus grande de Québécois vit en banlieue, où l’automobile est reine.

Selon l’étude Still Suburban: Growth in Canadian Suburbs 2006-2016 publiée récemment, la croissance des banlieues est particulièrement forte à Montréal. La région métropolitaine compte en effet 226 000 habitants de plus à l’extérieur de l’île que sur l’île. La situation est pire qu’à Toronto ou Vancouver.

Cette réalité entraîne des conséquences néfastes. Les banlieusards sont mal servis en matière de transport en commun, ce qui les oblige dans bien des cas à utiliser leur voiture pour chaque déplacement. En plus de nuire à l’environnement, ce type de développement a un effet négatif sur la santé des citoyens, qui ne marchent plus et sont moins actifs.

Comme le soulignaient Steven Guilbeault, Karel Mayrand et Christian Savard dans une lettre ouverte publiée dans La Presse, «l’aménagement est la clé pour protéger la biodiversité et rendre nos collectivités plus résilientes et mieux adaptées aux conséquences des changements climatiques, qu’il s’agisse d’inondations, d’érosion ou de vagues de chaleur».

Le sujet est plus que pertinent en ce moment. Trois partis politiques se sont d’ailleurs montrés favorables à adopter une politique nationale d’aménagement du territoire. Si vous habitez à Saguenay, vous pouvez assister à un événement sur la question. Le 19 septembre, la journaliste et chroniqueuse Josée Boileau animera un débat politique sur l’avenir de l’aménagement du territoire, de l’urbanisme et de l’architecture. On peut retrouver tous les détails ici.

Trois partis politiques se sont montrés favorables à adopter une politique nationale d’aménagement du territoire. Photo: Pixabay
Trois partis politiques se sont montrés favorables à adopter une politique nationale d’aménagement du territoire. Photo: Pixabay

Les écoles de demain

L’éducation est un enjeu important et les écoles ont fait la manchette depuis le début de la campagne. Et fait étonnant, même leur architecture se retrouve dans les discours électoraux.

À l’image des bibliothèques du Québec, qui sont désormais ancrées dans le XXIe siècle, la CAQ promet notamment que sous sa gouverne chaque nouvelle école fera l’objet d’un concours d’architecture, mettant ainsi «la beauté et l’attractivité au cœur de (ses) priorités». Le Parti libéral du Québec avait auparavant lancé le Lab-école, pour repenser l’école de demain avec la collaboration de l’architecte Pierre Thibault. Philippe Couillard en a depuis rajouté en promettant de se débarrasser des écoles vétustes d’ici 2030.

Québec solidaire s’est aussi engagé auprès des jeunes. Le parti de gauche promet d’investir 1,6 milliard de dollars dans un plan national d’infrastructures pour la rénovation et l’entretien des établissements scolaires. Selon Manon Massé, un gouvernement de Québec solidaire mettra en place l’école publique du XXIe siècle. Le Parti québécois entend de son côté lancer un vaste chantier de construction et de rénovation d’écoles, sans toutefois préciser en quoi ce plan consiste.

Reste à voir de quoi les nouveaux lieux d’enseignement auront l’air. Peut-être que les architectes du Québec pourraient s’inspirer de leurs collègues suédois, qui ont impliqué les élèves tout au long du processus. Il ne faudrait pas non plus passer sous silence que des projets innovants ont aussi vu le jour chez nous, souvent avec trois fois rien.

L’architecture a sa place dans les débats, et pas seulement en campagne électorale. Le Québec gagnerait à en parler plus.