Livres de la semaine
Sur ta tombe, Florence Meney
Nous avons invité Richard Migneault, passionné de polars et auteur du blogue Polar noir et blanc, à signer cette chronique sur le dernier roman de Florence Meney, Sur ta tombe.
Maman! Ce mot provoque un déferlement d’émotions vives, d’amour inconditionnel et de tendresse inépuisable. Maman, dans la réalité d’aujourd’hui ou dans les souvenirs d’hier, c’est une chape de chaleur qui nous entoure pour nous sentir aimés, protégés, câlinés.
Maman! Non, pas pour tous! Pas pour Laure, personnage central du dernier roman de Florence Meney, Sur ta tombe. Un seul regard sur la magnifique page couverture du roman et déjà, nous sommes submergés par les souvenirs douloureux: deux roses fanées, un titre lugubre et une grisaille envahissante.
«Plus jamais. Il n’était pas sûr de combien de temps durait "jamais", mais c’était sûrement trop long.» (page 25)
Laure, psychologue à l’Institut en santé mentale de Montréal, partage sa vie avec Danny, un amoureux extraordinaire. Passionnée par son métier, elle explore, telle une spéléologue, les méandres de l’esprit humain. Serait-ce pour éviter de le faire dans ses propres pensées?
Un jour, elle reçoit un appel de son oncle Émile, qui lui annonce la mort de sa mère. Immédiatement, elle ressent une douleur terrible. Est-ce la peine d’apprendre cette nouvelle ou la douleur d’un passé qu’elle aurait voulu complètement occulter?
Rapidement, Laure s’envole vers la France et son village natal.
La maison est restée la même sauf cette dépouille, dans la chambre. Pour la veillée funèbre, le corps de sa mère fait ressurgir des moments avec des arrière-goûts d’amertume. Cette bouche, toujours aussi silencieuse. Ces paupières qui, enfin, couvrent la haine qui transperçait les yeux de celle qui l’avait mise au monde. La maison lui parle, lui raconte les longs silences de cette femme qui a avili son enfance. Les murs reflètent les longs moments de solitude et de violence psychologique.
De sa famille, il ne reste plus que ses deux oncles, frères de sa mère. Émile, le gentil, qui lui aussi a fui le village pour s’établir à Paris. Et Hubert, complice avec sa sœur de la haine et du dégoût, à peine contenus, lui-même envahi par les réminiscences obscures qui lui écorchent la peau du cœur à vif.
Pendant quelques mois, Laure revivra son enfance, scrutera les profondeurs de sa mémoire pour essayer de comprendre la genèse de cette haine maternelle. Et peu à peu, la lumière se fera pour éclairer l’obscur passé ou pire, le rendre plus dense, plus terrible.
Florence Meney nous présente ici son roman le plus achevé. Dans ses romans précédents, l’auteure voguait entre le polar et le roman psychologique. Avec Sur ta tombe, elle prend résolument le chemin du thriller psychologique et cela lui va très bien. Son écriture tout en nuances et son style métaphorique donnent à ce roman noir une couleur bien particulière. L’intrigue est bien menée, l’intensité monte graduellement et la finale explose... à la dernière phrase. Nous restons bouche bée, sans mot et satisfaits.
Que dire de plus? Allons-y d’une simple épitaphe...
Sur ta tombe, 2018
À lire absolument!
Sur ta tombe, Florence Meney. Éditions Druide. 2018. 233 pages
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Pour ceux et celles qui sont friands de nouvelles, vous pourrez découvrir une Florence Meney très à l’aise dans l’écriture de courtes histoires noires, un peu glaçantes mais toujours passionnantes, dans le recueil La mort est ma maison aux Éditions Libre Expression.