De la culture partout, partout
Partout, la culture, c’est le titre de la nouvelle politique culturelle du Québec dévoilée la semaine dernière par la ministre Marie Montpetit. Ça m’a rappelé le Petit catéchisme de ma jeunesse. À la question: où est Dieu? il fallait répondre par un «Dieu est partout» sans équivoque. Aujourd’hui, c’est la culture qui est partout et j’avoue que ça me plaît bien que le Gouvernement du Québec ait foi en notre culture au point de la rendre omniprésente dans nos vies.
Une politique culturelle, c’est comme une feuille de route, ça sert à affirmer des principes qu’on pourrait facilement oublier s’ils n’étaient pas écrits. Le document de 72 pages commence par un plaidoyer pour la langue française, le sésame essentiel pour avoir accès à la culture québécoise. Dans le contexte de la mondialisation et des changements démographiques liés à la diversité, on ne fera jamais trop la promotion du français. Bon point!
L’école est ensuite citée comme un lieu à privilégier pour permettre à ceux qui la fréquentent d’accéder au vaste monde de la culture. Ça peut sembler simpliste, mais de l’admettre oblige à prendre des mesures pour que ça se confirme. Cette politique annonce donc le retour des sorties culturelles dans le cursus scolaire. Bonne nouvelle, le ministère de l’Éducation est lié à cette décision et c’est tant mieux, car il est prouvé que plus l’ouverture aux arts commence jeune, plus l’effet est durable.
Parmi les autres principes qui devraient désormais teinter les actions du gouvernement, il y a la volonté que la culture concerne toutes les régions du Québec (pas seulement les grands centres), que le numérique soit une préoccupation constante, que le patrimoine continue d’être protégé et que la culture des autochtones soit valorisée plus que jamais. Bref, les auteurs de la politique culturelle se sont mis à l’heure d’aujourd’hui.
Renouveler une politique vieille de 24 ans
La première et seule politique culturelle du Québec date de 1992. On la doit à la ministre des Affaires culturelles d’alors, Liza Frulla. Le constat qu’on avait fait à l’époque, c’est que la culture avait besoin d’aide pour s’épanouir. Le Conseil des arts et des lettres (CALQ) et la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) ont été créés. Cela a eu un impact majeur sur la création artistique et la professionnalisation des industries culturelles. Mais 25 ans plus tard, les succès obtenus comme les bouleversements dans l’environnement culturel appellent un nouvel engagement du gouvernement envers un milieu qui représente désormais 3,4% du PIB du Québec et génère 176 000 emplois.
Les orientations sont donc en fonction des défis d’aujourd’hui. Il faut aider les artistes et les entreprises culturelles à occuper le territoire, à s’exporter, à se perfectionner, à évoluer avec les changements technologiques, à vivre mieux de leur art.
Un exercice citoyen
La politique culturelle est un document du gouvernement, mais il est le fruit d’une série de consultations menées en 2016 dans les 17 régions administratives du Québec. 450 mémoires ont alors été déposés, 320 intervenants ont été entendus. En 2017, un forum national s’est tenu à Montréal et plus d’une cinquantaine d’organismes nationaux se sont fait entendre parmi lesquels le Conseil du patronat, l’Union des municipalités, le Partenariat du Quartier des spectacles et Moment Factory. À cela s’ajoutent deux comités consultatifs formés d’une vingtaine d’intervenants du milieu et d’universitaires qui ont donné leurs points de vue sur le sujet. Quand on lit le document dans le détail, on ne peut qu’être admiratif du travail qui a été fait pour dresser le portrait le plus à jour possible des enjeux qui concernent le milieu de la culture.
Autre élément qui est matière à réjouissance, la politique culturelle a été élaborée par le ministère de la Culture avec la complicité de ses 13 sociétés d’État (PdA [Place des Arts], BAnQ [Bibliothèque et Archives nationales du Québec], SODEC, CALQ, etc.) et d’une trentaine de ministères et d’organismes gouvernementaux. Ça fait beaucoup de monde à ramer dans la même direction.
La politique culturelle en argent
Combien coûte tout ça? On parle d’un budget historique de 600,9 M$ pour accompagner ce plan d’action. 50,2 M$ à la SODEC pour soutenir la création, la production, la diffusion et l’entrepreneuriat à l’ère numérique, plus 30 M$ à sa banque d’affaires qui fait des prêts aux entreprises culturelles. Le CALQ obtient 65,9 M$ pour l’aide aux artistes. 65,5 M$ sont réservés pour favoriser l’accès des enfants et des familles à la culture. 35,5 M$ pour bonifier le Fonds du patrimoine québécois. 25 M$ pour le patrimoine religieux. 14,3 M$ pour la formation des artistes. Et une mesure concrète et immédiate pour tous les Québécois: 5 M$ sur cinq ans pour offrir la gratuité dans les musées le premier dimanche de chaque mois. Certaines de ces sommes étaient déjà annoncées dans le budget Leitão de mars dernier. Ma collègue Claudia Larochelle en parlait sur Avenues.ca.
Des réactions
Comme le milieu culturel a beaucoup participé aux discussions entourant cette nouvelle politique et qu’elle est attendue depuis longtemps, les réactions n’ont pas tardé.
L’Union des artistes (UDA) s’est réjouie entre autres des augmentations de budget au CALQ et à la SODEC, de l’augmentation du financement pour les sorties culturelles des élèves et de la promesse d’une révision de la Loi sur le statut de l’artiste.
Accueil favorable aussi du côté de l’Union nationale des écrivains du Québec (UNEQ). Selon sa présidente, Suzanne Aubry, «cette politique reflète fidèlement deux années de consultation menées avec les associations représentant les artistes québécois. Elle engage également tout le gouvernement (y compris les ministères, organismes et sociétés d’État), ce qui nous apparaît comme le meilleur gage de sa réussite».
À l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ), on souligne la bouffée d’air frais offerte à la SODEC, mais la directrice générale de l’ADISQ, Solange Drouin, fait valoir que le milieu de la musique attend toujours qu’on reconnaisse son besoin criant d’une aide d’urgence.
En ce qui concerne le numérique, la politique culturelle ne semble pas répondre tout à fait aux attentes de ceux que la question intéresse.
L’accueil est mitigé du côté de l’Association des producteurs d’expériences numériques. «Xn Québec regrette de ne pas voir dans la politique et le plan d’action qui l’accompagne une affirmation plus forte de la volonté du gouvernement de considérer le numérique comme un mode d’expression en soi, une industrie à part entière.»
De son côté, le Conseil du patronat du Québec (CPQ) croit que le soutien prévu dans la politique sur le volet numérique participera très certainement à relever certains défis. Cependant, ces derniers sont nombreux et le CPQ s’interroge sur la suffisance des mesures prévues dans le contexte d’une profonde transformation technologique.
Électoraliste ou pas?
Vous allez me dire que le dépôt de la politique culturelle Partout, la culture arrive un peu tard, la session étant terminée, et comme une promesse électorale puisque le Québec ira aux urnes le 1er octobre.
Je pense que n’importe quel parti qui prendrait le pouvoir pourrait en faire son guide, car c’est une réflexion profonde, engageante et indépendante sur ce qu’il faut faire pour que le Québec continue à se forger une identité propre et dont l’expression peut intéresser le reste du monde. Je fais encore le vœu que la culture dépasse les lignes de parti. Comment être contre ce qui nous unit?
Je craque pour... le Café suspendu
Le projet pilote d’interdire la circulation de transit sur le mont Royal a engendré une belle idée. Depuis le début du mois, le belvédère Camillien-Houde accueille le Café suspendu, une terrasse café-buvette qui permet de prendre un café ou un cocktail ou de déguster une glace en ayant Montréal à ses pieds. La structure de bois comporte des balançoires et des bancs et est protégée du soleil. Les jours de fin de semaine et fériés, il y a de l’animation culturelle et familiale. Ça donne envie de s’attarder au belvédère et permet de s’approprier encore plus la montagne.