16 mars 2018Auteure : Françoise Genest

Livres de la semaine

Mon voyage en Amérique de Kim Yaroshevskaya

Son nom russe évoquait d’étranges univers et l’entourait d'un peu de mystère, et de tous les personnages de mon enfance, c’est sa Franfreluche que je préférais. Bien sûr, Kim Yaroshevskaya était adorable en grand-mère qui racontait des histoires dans Passe-Partout, mais je me souviens que je plaignais les enfants de l’époque de ne pas avoir été invités, comme nous l’avions été, à pénétrer dans le grand livre de contes. Aujourd’hui encore, avec mes chums de fille, on peut chanter la chanson thème d’un bout à l’autre. Ces souvenirs de princesses, de sorcières, de couturiers loufoques et d’aventures plantés dans des décors, entièrement dessinés de quelques accessoires à peine, ont peuplé notre imaginaire d’enfant. Et voilà que cette fois, je découvre une autre histoire, non pas un conte, mais un récit de Kim Yaroshevskaya, Mon voyage en Amérique.

Ce récit, un vrai, c’est celui d’une petite fille quittant l’URSS et sa grand-mère tant aimée pour New York alors qu’elle a à peine 10 ans et qui finalement aboutira à Montréal, où elle s’ancrera pour la vie, pour notre plus grand bonheur. Le récit d’une fillette qui croyait que le père Noël, qu’elle découvrait tout juste, était comme Staline, puisque dans la chanson on disait aux enfants qu’il vaut mieux faire attention puisqu’il voit tout… (!)

Récit autobiographique et authentique, certes, mais n’ayez crainte, elle nous fait encore entrer dans le livre. Tout en finesse, sur la pointe des pieds, elle nous invite à tourner les pages de ce recueil, à lire des bribes de sa vie, des scènes sorties de sa mémoire qui, comme les accessoires de Fanfreluche, suffisent, malgré leur simplicité, à nous faire entrevoir tout un univers. Celui d’une grande amoureuse du théâtre, de Tchekov, de Tremblay, de l’imaginaire et des contes. Et j’oserais dire aussi des enfants.

Chapitre 6 Concert

[] Faire la narration de Pierre et le loup, faire partie de cette merveilleuse musique, de ce grand orchestre symphonique, quel bonheur!

Mais j’apprends que des enfants ont la mine triste après l’écoute de ce conte. Il y en a même qui pleurent… Pourquoi?... Après cette triomphale parade qui accompagne Petit Pierre qui a capturé le loup féroce?

Eh oui. Car la fin du conte dit:

               «Si vous écoutez attentivement, vous entendrez le canard caqueter dans le ventre du loup… Car le loup l’avait avalé vivant.»

Et on l’entend. Une pitoyable petite voix, jouée par le hautbois. Pauvre canard. Les enfants ont de la peine. Ça se comprend. Alors je pense à quelque chose. Et si j’ajoutais à la fin: «Mais dans son ventre le canard bouge, cela chatouille le loup, il rit ouvrant gra-ha-hand sa gueule… Et le canard s’envole!»

Oui. C’est ce que j’y ajouterai la prochaine fois.

Quelques photos, quelques gravures, de courts textes écrits sur le ton de la confidence, c’est plus qu’il n’en faut pour avoir encore envie d’entendre le timbre de voix unique de cette grande dame et de cette poupée audacieuse. Car Fanfreluche était une poupée déterminée, autonome, qui fonçait dans les aventures, tenait tête aux rois et pourfendait les sorcières avec l’aplomb d’une héroïne. On était bien loin des stéréotypes de l’époque. Je pense que Kim Yaroshevskaya s’est lancée dans la vie et le théâtre avec le même aplomb et la même poésie. Me lirez-vous, Madame? Peut-être pas… Mais, au cas où… je vous dis MERCI! Vous m’avez donné tant de merveilleux que mes deux nièces, Marianne et Justine, nées avec le millénaire, connaissent vos contes par cœur, car je n’aurais su les aimer sans leur offrir votre poésie.

Si, comme moi, vous avez apprécié le personnage et la comédienne, vous prendrez plaisir à feuilleter ce livre paru chez Boréal, et qui ressemble d’ailleurs un peu à un livre de contes.

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Mon voyage en Amérique, Kim Yaroshevskaya, Novembre 2017, 144 pages, 24,95$