Sénégal: Escapade dans le Sine Saloum
Alors que nous nous enfonçons dans les bolongs, ces bras de mer qui permettent de sillonner la mangrove en pirogue, je me sens bien loin de Dakar et de son chaos. Ici, en plein cœur du parc national du delta du Saloum, l’air pur et le chant des oiseaux me font oublier l’odeur des pots d’échappement et les klaxons. Classé au patrimoine de l’UNESCO, ce parc renferme l’un des écosystèmes les plus riches au monde.
Plus tôt ce jour-là, nous avons fait connaissance de Fatou, reine de Sipo, surnommée ainsi après être venue en aide à une Blanche ayant dû accoucher sur la route. Même si l’enfant est aujourd’hui adulte, la dame de 88 ans reçoit toujours régulièrement de l’argent de la part des parents, qui ont donné son prénom à leur fils.
Fatou vit dans un village rudimentaire, mais dispose d’une télévision satellite, comme plusieurs de ses voisins. Le contraste saisit particulièrement quand une soucoupe coiffe un toit de paille… Ces anachronismes me frappent chaque fois, tant dans les îles qu’en pleine brousse.
Incursion chez les guérisseurs
Notre escapade dans le Sine Saloum a débuté à Fatick, plus précisément à l’hôtel Royal Malango, établissement de 33 chambres et trois suites. À quelques pas se trouve le centre du même nom, où des guérisseurs ayant hérité du savoir de leurs ancêtres accueillent les patients. Nous y faisons la rencontre d’un vieil homme spécialisé en morsures de serpents.
Dans chacune des cases, de multiples plantes et ingrédients mystérieux sont disposés sur des nattes. On m’explique qu’une même plante peut avoir diverses propriétés selon le moment où elle est cueillie. Je découvre aussi l’univers des Saltigués, prêtres et prêtresses sérères, l’une des ethnies du Sénégal, aux dons divinatoires. Cette brève incursion dans ce monde de croyances, de traditions et de grigris me fait réaliser le pragmatisme de la culture dans laquelle j’ai grandi.
Des îles fabuleuses
J’explore la région natale de Boucar Diouf en famille, lentement. S’il est plus simple de se déplacer en recourant aux services d’un chauffeur pour aller d’un endroit à l’autre, il s’avère très facile d’organiser des excursions depuis les hôtels des principales villes, comme Toubakouta ou Sokone.
Une pirogue nous emmène à Dioron Boumak, mieux connue sous le nom d’«île aux coquillages». Un essaim d’abeilles nous empêche toutefois de voir les tumulus qui ont fait sa renommée. L’endroit reste fascinant. Nous apercevons des bouts d’ossements humains rappelant la présence d’habitants il y a environ 2000 ans (chiffre variable selon les sources). Les multiples couches de coquillages érodés par la mer témoignent des générations d’insulaires qui se sont succédé sur cette petite île.
Au coucher du soleil, nous observons des centaines d’oiseaux rentrer sur leur reposoir pour la nuit. Une scène empreinte de poésie, avec comme trame sonore, cris, chants et battements d’ailes.
Des gîtes où arrêter le temps
Nous passons la nuit au Bonobo Lodge, seul hébergement de l’île de Kathior, dans le parc du delta du Saloum. Je tombe toute de suite sous le charme de ce cadre paisible, magnifiquement aménagé par Christine Bangoura au cours des trois dernières années. Mi-Française, mi-Guinéenne, cette mère de deux jeunes adultes a vendu la maison familiale pour s’offrir ce petit coin de paradis.
Ex-restauratrice, elle propose une cuisine inspirée de la France et des Antilles, où elle a aussi vécu. Tout est concocté à partir des ingrédients disponibles. Ça tombe bien: ici, il suffit de ramasser les huîtres sur les racines des palétuviers pour s’offrir un véritable festin. Il est possible d’opter pour la pension complète, histoire de pouvoir flâner toute la journée dans les espaces de détente sans avoir à se préoccuper des repas.
Je craque particulièrement pour les balançoires et la bibliothèque en plein air. J’y repère même Le Matou d’Yves Beauchemin à travers des best-sellers et des livres de croissance personnelle.
Au petit matin, le chant des oiseaux m’envoûte. Oui, certains endroits sont plus difficiles à quitter que d’autres…
Dormir dans une maison de paille sur pilotis
Plus rudimentaire, le Gîte de Mbelane offre une expérience tout aussi exceptionnelle. Dans des maisons sur pilotis traditionnelles faites de pailles, nous passons la nuit dans des lits confortables. Même si le bloc sanitaire se trouve à quelques pas de notre logis d’une nuit, j’apprécie chaque seconde passée dans ce lieu isolé.
Le soir venu, le ciel étoilé me fait rêver avant même de fermer les yeux. Mais pas question d’aller au lit tout de suite: ce soir, on assiste à un match de lutte traditionnelle sérère dans l’un des villages voisins! Je retiendrai le rythme, les mouvements chorégraphiés et l’odeur abjecte des potions que se versent les lutteurs avant leurs combats. Je m’éveillerai tout en douceur au petit matin avec le clapotis de l’eau.
Sur les traces de Senghor
À Djilor Djidiack, je fais la connaissance de la charmante propriétaire de La source aux lamantins, Anne-Catherine Beye, petite-nièce de Léopold Sédar Senghor, poète et premier président du Sénégal, et nièce de l’artiste-peintre Iban Dia. Le petit hôtel, qu’elle a décidé de construire après avoir hérité d’un magnifique terrain au bord de la mer, respire le calme.
Chimiste de formation, la propriétaire a choisi de miser sur l’écotourisme et met de l’avant la culture, la gastronomie et le bien-être.
Elle-même adepte de yoga depuis une vingtaine d’années, Anne-Catherine a mis en place des stages et des ateliers de cuisine. «C’est un tourisme où l’on vient pour échanger, dit-elle. C’est l’esprit qu’il y a ici, l’esprit du poète, le donner et recevoir, la fraternité.»
En compagnie de Djibi Diouf, fantastique guide et président pour la promotion de l’écotourisme dans la région de Fatick, nous partons explorer la ville en charrette. Nous nous arrêtons pour visiter la maison où Senghor a vu le jour, avant que sa famille parte vivre à Joal. J’apprends au passage qu’ici, l’association de lutte permet de financer de nombreux projets dans la communauté, notamment une école primaire.
«C’est un village pilote», explique Djibi, qui a été prof de salsa en France pendant 17 ans et préposé au tri des ordures. Des poubelles sont d’ailleurs disposées un peu partout, chose très rare au Sénégal. Des bancs publics sont par ailleurs fabriqués à partir de pneus usagés. Un véritable esprit d’entraide règne dans ce village, où l’on croise constamment des membres de la famille Senghor.
Je repars avec un peu plus d’espoir, après des semaines à me sentir impuissante devant les paysages pollués par les déchets. Voir des gens se retrousser les manches et des communautés avancer dans la même direction a de quoi redonner le sourire. Je me fais la promesse de revenir le plus tôt possible…
Pratico-pratique:
- Si vous passez par Diakhao, arrêtez-vous à l’écomusée pour en savoir plus sur la culture sérère.
- Dans les îles du Saloum, nous avons beaucoup aimé notre guide, Mamadou Dieng, aussi propriétaire du restaurant Pam.
- Il est possible de visiter le Centre Malengo, où des touristes peuvent aussi recevoir des soins.
- Le gîte de Mbelane et La source aux lamantins font partie du réseau mis en place par Village Monde. Il est possible de réserver des nuitées par l’entremise de la plateforme VAOLO.
- Les cabanes du Bonobo Lodge peuvent accueillir autant les couples que les familles. Prix d’une nuitée en pension complète: 40 000 francs CFA (93$ CA). Le site est principalement alimenté par l’énergie solaire. On peut réserver directement ou par Booking. À noter qu’il est possible d’organiser le transport depuis et vers l’aéroport avec Christine, ainsi que des excursions.
- Si vous appréciez le confort et l’intimité, une nuit ou deux au gîte de Mbellane, qui s’apparente un peu à l’expérience du «glamping», vous suffira. Prix d’une nuitée sur VAOLO: 50$ CA pour deux, incluant le petit-déjeuner.
- Il est facile de réserver des excursions dans chacun des hébergements où nous nous sommes arrêtés. À La source aux lamantins, par exemple, on peut réserver un tour de ville avec Djibi. Les chambres y sont spacieuses et tout ce que nous avons goûté au restaurant était délicieux. Notez toutefois qu’il n’y a pas encore d’eau chaude, mais qu’on peut emprunter une bouilloire. Prix d’une nuitée sur VAOLO: 110$ CA (pour 2 ou 3 personnes, incluant le petit déjeuner).
Merci à Air France, grâce à qui ce voyage a été possible, ainsi qu’à Village Monde et à tous les gens croisés pendant ce séjour fabuleux! Nous étions les invités de la plupart des hébergements mentionnés dans cette chronique. Toutes les opinions émises sont 100% les miennes.