Amazon bannit Apple et Google
L’un des géants de l’Internet s’est attaqué de front à ses concurrents la semaine dernière. Amazon a en effet décidé de bannir les ventes d’adaptateurs Apple TV et Google Chromecast de son magasin en ligne afin de promouvoir les ventes de son propre Fire TV. Une décision le plus souvent jugée puérile et risquée par les experts qui se sont prononcés sur le sujet.
Les faits
Les marchands qui vendent leurs produits sur Amazon ont reçu une lettre jeudi dernier, les invitant à cesser de vendre les Apple TV et Chromecast à compter du 29 octobre, deux appareils qui permettent de donner des fonctionnalités intelligentes à un téléviseur, comme la possibilité de regarder du contenu à partir d’un appareil mobile ou à l’aide d’un service en ligne comme Netflix.
Les deux appareils entrent en concurrence directe avec les Fire TV et Fire TV Stick, deux produits d’Amazon qui datent de 2014 et qui ressemblent beaucoup aux Apple TV et Google Chromecast.
Selon Amazon, la manœuvre aurait pour but d’éviter la confusion par rapport à son service de vidéo en ligne Amazon Prime Video, une sorte de concurrent à Netflix, qui n’est pas offert sur Apple TV ni avec une tablette Amazon et une Google Chromecast, selon ce que rapporte le New York Times.
Il est bon de noter que Google vient tout juste de lancer une nouvelle Chromecast, alors qu’Apple devrait lancer sa nouvelle Apple TV, qui permettra finalement l’installation de jeux et d’applications, d’ici la fin du mois. Ce sont deux appareils qui pourraient connaître beaucoup de succès pour le temps des fêtes.
La semaine dernière, le Google Chromecast était d’ailleurs en sixième position des appareils électroniques les plus vendus sur Amazon, alors que l’Apple TV était pour sa part en quatorzième position.
Les raisons
Est-ce que la confusion des consommateurs par rapport à Amazon Prime Video est vraiment la raison qui a motivé la décision d’Amazon? La plupart des observateurs en doutent.
Pour le site spécialisé The Verge, la «guerre froide multiplateforme» que se livrent les grands groupes Internet est plutôt à blâmer.
Selon le journaliste Tim Carmody, en prenant en compte cette guerre et en considérant la propension d’Amazon à jouer dur avec ses partenaires et adversaires (la compagnie n’a pas hésité à retirer l’année dernière tous les livres de l’éditeur Hachette de sa boutique, à la suite d’une dispute sur le prix des ouvrages), il est en fait étonnant qu’Amazon ait même choisi à la base de vendre les appareils de ses concurrents.
Le magazine Variety propose quant à lui plusieurs autres raisons pour expliquer la décision d’Amazon.
Selon le journaliste Janko Roettgers, Amazon pourrait en fait réagir aux décisions passées de ses adversaires, notamment Apple, qui exige 30% des revenus des achats effectués via les applications mobiles sur iOS, ce qui pourrait expliquer pourquoi Amazon Prime Video n’est pas offert sur l’Apple TV.
La décision de Google de ne pas rendre ses appareils Chromecast compatibles avec les tablettes Kindle Fire pourrait expliquer la réaction d’Amazon.
Dans tous les cas, la guerre froide à laquelle faisait référence The Verge est certainement de moins en moins froide à mesure que les semaines passent.
Le jugement
Les observateurs du milieu des technologies n’ont pas été tendres envers Amazon.
Le magazine Wired juge par exemple la décision de «dégueulasse», affirmant en plus ne pas croire à la réponse officielle d’Amazon sur le sujet.
Pour le magazine Fortune, la décision est «compréhensible, mais idiote». Selon le journaliste Mathew Ingram, l’annonce d’Amazon ne serait pas sage, surtout à long terme, puisque la compagnie s’est fait connaître en tant que «magasin pour tout», et que ce ne serait désormais plus le cas. Le problème est aussi que la décision ne risque pas vraiment d’affecter Apple et Google de toute façon, puisque leurs clients pourront acheter leurs produits à bien d’autres endroits.
L’article cite même un petit investisseur d’Amazon, qui a qualité le geste d’Amazon de «stupide et arrogant».
Si les journalistes qui couvrent les technologies utilisent généralement des mots plus doux, tous s’entendre pour dire qu’il s’agit d’une mauvaise décision de la part d’Amazon, notamment Larry Magid de Forbes, soulevant sensiblement les mêmes arguments, comme quoi Amazon pourrait se nuire à long terme, sans vraiment faire de mal à ses concurrents.
Plus grave maintenant, la décision pourrait même intéresser les autorités qui régulent les marchés, explique le site web Slate. La décision d’Amazon soulèverait en effet plusieurs questions légales, et ressemblerait drôlement à de la concurrence déloyale.