Les arts, qu’ossa donne?
Catherine Durand, Mara Tremblay, Ariane Moffat sont, elles et d’autres, des psys qui s’ignorent. Ou pas. Parce qu’on a dû leur confier un jour, via Facebook ou en vrai, après un ou deux p’tits drinks pour le courage, que les paroles de leurs chansons avaient fait une différence au cœur d’une «Irma» de l’âme, de celles qui font qu’on enverrait tout valser.
Soudain, il y a eu leurs mots: «C’est peine perdue, peine perdue de pleurer encore encore… Une averse avant l’éclaircie…», entendus et chantonnés comme un grand mantra. Puis, ça a apaisé un peu, le temps que l’orage se calme. Pour d’autres, l’effet calmant est peut-être apparu au sortir d’une pièce de théâtre, d’un film, en voyant une toile dans une expo ou au musée, de celles qui ensorcellent comme s’il s’agissait du messie et qui remettent sur les rails. Bien sûr, plusieurs livres font aussi cet effet, et vous vous doutez bien qu’au-delà de la chanson, il s’agit là de mon remède par excellence. Vive Annie Ernaux, ma sauveuse à moi!
C’est d’ailleurs par le biais d’un livre que la journaliste culturelle Émilie Perreault approfondit cette question de l’art qui «répare». Dans Faire œuvre utile – Quand l’art répare des vies, elle s’est entretenue avec des créateurs et personnalités artistiques; de Biz à Marc Hervieux en passant par Marie-Mai, Margie Gillis, Denis Villeneuve ou Marc Séguin, qui lui ont raconté comment, selon ce qu’on leur avait confié, ils avaient fait une différence dans une vie humaine grâce à leur création.
Alors, pour ceux qui pensent que les artistes ne sont que des téteux de subventions qui passent leur temps à se lamenter sur leur sort, qui se demandent l’art «qu’ossa donne», c’est un «v’lan dans les dents» très efficace.
L’avis d’un privilégié
«La situation est devenue intenable pour un nombre d’artistes québécois qui crèvent de faim. Quand on pense qu’il y a encore des gens qui croient que les artistes sont des paresseux et qu’ils vivent aux crochets de la société, cela est absolument faux. Les artistes travaillent très fort souvent pour une bouchée de pain», exprimait en juillet dernier l’écrivain Michel Tremblay en entrevue pour le Huffington Post. «Pour lui, ce n’est pas payant d’aider la culture», avait-il renchéri au sujet du gouvernement Couillard. C’était quelques jours après l’annonce d’un surplus budgétaire record de 4,49 milliards de dollars, suivi d’une augmentation de 4 millions de dollars au budget accordé au Conseil des arts et des lettres du Québec. «Il ne peut pas se péter les bretelles en disant “on a donné 100 millions aux institutions artistiques”. Par contre, il peut se péter la bretelle en donnant beaucoup d’argent à des compagnies privées. Que c’est triste de voir que la culture est devenue si peu gratifiante pour nos politiciens!», complétait l’écrivain chouchou du Québec.
Certes, Tremblay est un privilégié qui tire très bien son épingle du jeu, il serait le premier à l’admettre. Or, on s’en doute, c’est loin d’être le lot de la majorité des créateurs, qui ont leur rôle à jouer au sein d’une société, un rôle qui est bien souvent de l’ordre de la «guérison» collective. Pour d’autres, en cette époque dépourvue de repères, de sacré et de rituels, c’est dans les arts que réside leur foi et, peut-être plus coquins que les vrais dieux, à des lunes de la canonisation, les artistes ont une aura de sainteté.
C’est souvent en temps de guerre que sont nées les plus belles œuvres. Entre l’homme-fusée de la Corée du Nord et le président américain au toupet jaune, entre les ouragans et les chaleurs incompréhensibles, il me semble que l’art s’avère plus que jamais bénéfique pour la santé intime et collective des Hommes.
Pour que l’art subsiste, ça prend une bonne dose de considération collective et gouvernementale. De l’argent, tel que mentionné ci-haut, et ensuite, des occasions comme ces Journées de la culture qui reviennent du 29 septembre au 1er octobre avec plus d’activités que jamais.-
C’est peut-être lors d’une de ces journées que vous tomberez sur une création qui changera votre vie. Je n’exagère même pas. Sortez, tombez amoureux d’une toile, d’une voix, de mots. La vie est brève et le désir sans fin. Tenez donc, ça, c’est un écrivain (Patrick Lapeyre) qui le dit.
Je craque pour…
Silya Kacel à… La Voix Junior
Je ne regarde pas La Voix, encore moins La Voix Junior. Je n’ai rien contre, je ne suis juste pas le public cible, car le soir, je materne et je lis pour le travail. Dimanche soir dernier, mon compagnon avait syntonisé le téléviseur sur cette dernière émission au moment même où Silya Kacel, 14 ans, de Laval, s’avançait lentement sur scène avec l’aide d’une Maripier Morin émue à en trembler. On comprend pourquoi en entendant l’aspirante chanteuse, qui est non-voyante de naissance, chanter (Aimer de la comédie musicale Roméo et Juliette) comme une sirène ensorcelante, attachante, émouvante… Ouf. Quelle leçon de persévérance! Les trois juges se sont retournés. Oui, l’art répare des vies. Je n’en doute plus une seule seconde.