Festival
INDÉMODABLE RBO À JUSTE POUR RIRE
Je dois une partie de mon enfance à Passe-Partout et un gros bout de mon adolescence à Rock et Belles Oreilles. En somme, le pleurnichage de Passe-Partout (Marie Eykel), suivi plus tard de la recette du crastillon du chef Groleau (Bruno Landry) expliquent ma propension au sentimentalisme et mon côté dédaigneux en cuisine. Cette «éducation» peu sérieuse est restée gravée dans la partie la plus molle de mon cerveau et me pourchasse depuis.
Ainsi, il m'est arrivé de dire à mon chum qu'on avait l'air de la famille Slomeau en achetant de la fondue à l'épicerie, j'imite Madame Brossard chaque fois que je passe par Brossard, Colette Provencher de TVA reste pour moi «Côtelette Provencher» et, oui, sans originalité, je chante dans ma tête «Bonjour la police» quand je vois un policier sortir d'un resto de beignes avec un café. C'est cela!... Les gars et la fille de RBO, Yves Pelletier, Guy A. Lepage, Chantal Francke, André Ducharme, Bruno Landry et Richard Z. Sirois sont entrés dans ma vie, et dans celles de pas mal de monde, dans les années 80 pour ne plus jamais en sortir.
J'avoue aussi, j'ai rarement ri d'aussi bon coeur par la suite en assistant aux performances d'autres humoristes québécois, à l'exception peut-être des Appendices à Télé-Québec, qui savent tirer sur les bonnes ficelles du rire, appuyer précisément là où la couverture retrousse pour nous mettre en pleine face nos absurdités humaines.
RBO faisait ça aussi, à sa manière. J'ai souvent souhaité que ses membres se remettent ensemble, ce qu'ils viennent d'ailleurs de faire en ce Festival Juste pour rire, les 10 et 11 juillet derniers au Centre Bell avec leur spectacle "The Tounes" qui comprend une bonne partie de leur discographie. Je n'y étais pas, à mon grand regret, mais aux lendemains, plusieurs critiques soulignaient leur énergie conservée intacte, leur sens du punch encore et toujours, leur manière de décrypter l'actualité avec ce même ton hyper baveux et efficace, ce ton irrévérencieux et acéré dont s'ennuient plusieurs de leurs fans. En cours d'existence, j'ignore d'ailleurs s'ils avaient une ligne éditoriale précise, une forme de code moral, des avenues qu'ils ne voulaient jamais emprunter ou des tabous infranchissables. Je ne pense pas qu'ils aient été irréprochables sur toute la ligne, mais je ne me souviens pas qu'ils aient été déplacés au point, par exemple, de devenir caves à mourir, machos ou misogynes, ce qui n'est pas le cas de tous...
Avec l'importance que prend année après année le Festival Juste pour rire, son nombre incalculable de shows en tous genres et nos humoristes omniprésents au Québec, je me dis que le rire doit prendre l'allure du Saint Graal pour passer à travers nos schizophréniques conditions climatiques, la sempiternelle austérité, nos politiciens, nos petits et grands scandales ou nos faits divers insensés et désespérément tristes par les temps qui courent.
Bien que rire ne fasse pas de miracle, je n'apprendrai rien à personne, la thérapie par le rire, les clubs de rire ou le yoga du rire existent bel et bien toujours, surtout basés sur des principes instaurés en 1995 par le Dr Madan Kataria et qui se prétendent concluants. Faites de jeux simples – pour ne pas dire simplets – pour provoquer le rire et le rendre contagieux, ces activités réduiraient la perception de la douleur, favoriseraient le bon fonctionnement du système immunitaire, réduiraient l'anxiété, etc. Ça me laisse perplexe. D'ailleurs, invité à l'émission radiophonique Les éclaireurs sur ICI Radio-Canada Première, le physiothérapeute Denis Fortier estimait le 11 juillet dernier que les effets bénéfiques attribués au rire auraient été exagérés, du moins en ce qui a trait à la santé physique. Tiens, tiens...
Difficile par contre de s'opposer aux propos d'un certain monsieur Freud qui affirmait déjà en son temps que l’humour permettrait à l’humain de démontrer son refus de se laisser abattre par la souffrance, d’affirmer l’invincibilité de son moi et de faire triompher le principe du plaisir, celui-là même qui est présent en philo grecque depuis l'Antiquité, donc bien avant le célèbre psychanalyste. Rien de très judéo-chrétien dans la théorie des plaisirs dont fait partie le rire, or, depuis le quatrième siècle avant J.-C., les épicuriens ont le dernier mot. Donc, qu'on s'y vautre, qu'on s'y vautre et qu'on nous laisse – un peu – pêcher encore!
Bon festival!