Leur couple, leur désamour, notre viande à chien
Ben oui. Brad et Angelina… c’est finiiiiiiiiiiiiii! À l’heure actuelle, à peu près toute la planète le sait — et ne pourrait malheureusement pas vous dire qu’il y a eu un xième attentat en Syrie.
Avant Brangelina, c’étaient Johnny et Vanessa ou Monica et Vincent. Ici, il y a eu Mariloup et Guillaume, puis Julie et John - Pier Karl Péla - doe.
Tout le monde s’entend pour dire qu’il s’agit de tristes nouvelles, ce n’est jamais beau beau une séparation, surtout quand il y a des enfants en jeu, et c’est encore plus laid dans l’espace public depuis que le commun des mortels peut s’exprimer sur ses réseaux, se plaisant à y aller de ses commentaires vitrioliques, de petites phrases assassines mal orthographiées ou anonymes, parfois violentes même, qui témoignent de leurs allégeances ou de leur petite joie de voir que la vie des gens riches et célèbres est comme la leur: teintée d’échecs cuisants, de larmes, d’avocasseries et de gestions de crises sentimentales. Sans compter tout le potinage parallèle avec ses ramifications impliquant d’autres personnalités publiques qui ont, elles aussi, leur fan club, et ainsi de suite dans le grand labyrinthe infini de l’infospectacle.
Malheureusement, trop souvent, le Soap Opera se passe désormais dans les médias d’information dits «sérieux», plutôt qu’au petit écran où, à une certaine époque, nous n’avions que Dallas et Dynastie sur lesquelles se rabattre pour se comparer et se consoler.
La culture avec un c minuscule
Oui, il y a peut-être quelque chose de rassurant en constatant que, comme nous, les stars sont des humains susceptibles de vivre les affres d’une rupture. Comme nous, ils s’écroulent, se relèvent un jour, repartent vers d’autres jardins plus verts, aiment à nouveau, se reproduisent peut-être même, etc.
Juste là, avec Brangelina, nous en entendons parler dans les bulletins de nouvelles (ça ira bien pour eux, ils s’en sortiront, n’ayons pas trop de craintes pour leurs finances et leur repositionnement sentimental futur…). Des espaces culturels qui pourraient être consacrés à une pièce à l’affiche, à un auteur québécois qui tente de faire sa place avec un roman béton, au nouvel album de madame X ou à l’expo Y d’un musée, se feront tasser au profit de l’écroulement d’un couple de stars qui se fout de nous, pires encore que ces vulgaires figurants des films dans lesquelles ils s’illustrent.
J’ai comme l’impression que certains décideurs culturels manquent d’imagination, choisissant de mettre à l’avant-plan ce qui marque d’abord l’esprit: le clinquant, la patente facile à ingérer, l’affaire qui attise les passions et qui fait jaser autour de la machine à café, le sujet qui fait tching-tching dans cette guerre des clics, de cotes d’écoutes et compagnie.
Les fils de nouvelles en ajoutent des couches au gré des développements, les «articles» fusent de partout, les analyses de premier degré avec la photo montrant la madame plus cernée qu’à l’habitude et le monsieur qui, lui, a donc bien maigri. Serait-il devenu accro à la cocaïne?
Mais elles sont facilement comestibles ces histoires-là, ça se comprend vite, c’est de la bouffe rapide à se mettre sous la dent, on en redemande, c’est confortable pour les neurones qui n’ont pas à gérer trop d’informations complexes, c’est du terrain connu, de la bonne viande qu’on se partage sur les réseaux, y allant d’une petite blagoune ici et là. On tue la une, mesdames et messieurs, il paraîtrait même que le beau Brad aurait acheté un chalâââââât par chez nous. Carole Machin de Magog s’excite, des fois qu’elle aurait une chance…
Vous êtes capables, hein?
Ça me fait penser à la phrase magique, si bien lancée, du comédien Vincent Leclerc, alias Séraphin Poudrier dans la série télé Les Pays d’en haut, en recevant le trophée du premier rôle masculin dans une série dramatique saisonnière au récent Gala des prix Gémeaux: «Je veux remercier le public d’avoir accueilli un visage inconnu dans un rôle principal. Sachez que plusieurs diffuseurs et producteurs télé vous en croient incapables…»
Ça me fait penser aux fois où on m’a fait retirer dans des articles — pour des lecteurs adultes d’un grand journal — des mots comme «téléphage» ou «cruciverbiste», jugés «incompréhensibles» par les lecteurs… Quel mal y aurait-il à donner autre chose à lire, à voir, à écouter aux gens? Parce qu’ils ne sont pas assez ouverts pour accepter autre chose, pour chercher à saisir ce qui les sort un peu de leur zone de confort? Vraiment? Dans mon livre à moi, ça ressemble un peu à du mépris et à cette fameuse loi du moindre effort. Il ne faudrait surtout pas déstabiliser les gens… Je pense qu’au contraire, le public aime quand on le transporte ailleurs, quand on lui présente de la nouveauté, quand on l’informe pertinemment sur autre chose qu’un ragot de vedettes. Les gens sont prêts, ils sont futés, mais de grâce, ne rendons pas homogènes la culture et l’information sous de faux prétextes. Ça ressemble plus à un manque de couilles qu’à un réel désir du bon peuple. Viande à chien!
JE CRAQUE POUR…
Le bonheur c’est quand c’est l’heure, le nouveau livre des Impatients, organisme qui vient en aide aux personnes ayant des problèmes de santé mentale par le biais de l’expression artistique. Écrit par des artistes, des personnalités publiques et des Impatients, cet album offre une réflexion sur les jours et les heures et leur goût du bonheur. Des feuilles de plaisirs épars retenues par une vis, inspirée d’ailleurs de la Vis amoureuse à cœur creux de Michel Dallaire, un ami des Impatients.