La chronique Culture avec Claude Deschênes

Auteur(e)
Photo: Martine Doucet

Claude Deschênes

Claude Deschênes collabore à Avenues.ca depuis 2016. Journaliste depuis 1976, il a fait la majeure partie de sa carrière (1980-2013) à l’emploi de la Société Radio-Canada, où il a couvert la scène culturelle pour le Téléjournal et le Réseau de l’information (RDI). De 2014 à 2020, il a été le correspondant de l’émission Télématin de la chaîne de télévision publique française France 2.On lui doit également le livre Tous pour un Quartier des spectacles publié en 2018 aux Éditions La Presse.

Finalement, quand il ne faut rien attendre de plus

Vous dire combien j’ai peiné à écrire cette chronique. Je n’aime ni les coups de gueule, ni les choses qui finissent, encore moins les adieux, et pourtant c’est ce qu’il y a au menu cette semaine.



Cette chronique est ma dernière. Et pour cause, Avenues.ca cessera d’exister ce 31 mars, date du calendrier souvent associée aux fins d’exercice financier. C’est le cas ici, la FADOQ ayant décidé de fermer les livres de ce web magazine au nom rempli d’horizons, qui m’a permis de prolonger avec bonheur ma carrière de journaliste culturel pendant huit années.

Cette fin me chagrine, comme tout ce qui disparaît ces temps-ci: les sous-sols de Radio-Canada où j’ai travaillé pendant 24 ans qu’on démolit, la patinoire du Vieux-Port qu’on a fermée définitivement en février, le 1700 La Poste, un centre d’art dont j’ai souvent parlé ici pour lequel on a sonné le glas, la liquidation des magasins La Baie, etc. Ainsi va la vie, mais avant de fermer la lumière d’Avenues.ca, permettez-moi d’abord de braquer les projecteurs sur mes chers collègues alors que nos chemins se séparent. Vous les connaissez, ils ont aussi fait partie de vos vies depuis 2015.

D’abord, un immense merci à ma rédactrice en chef, Françoise Genest, de m’avoir offert cette tribune en 2016. Elle m’a permis, dans la confiance et la liberté, de découvrir la joie du journalisme écrit.

Je vais certainement continuer à écrire sur mon blogue claudedeschenes.ca, mais Julie Chaumont, ma chef de pupitre, va énormément me manquer. Je veux lui dire combien j’ai apprécié sa manière de jouer son rôle de premier public de mes textes, et sa méticulosité à les mettre en valeur, ne rechignant jamais sur le nombre de photos que je lui envoyais. Pour moi qui ai fait l’essentiel de ma carrière à la télévision, l’image demeure un complément essentiel aux mots que j’écris.

Quel luxe aussi d’avoir une réviseure. Avec Patricia Gagnon, j’ai toujours eu l’impression d’avoir un filet pour rédiger.

Quant aux collègues Anne, Claudia, Emilie, Jean-Benoît, Jessica, Marie-Julie, Marie-Lyse, Maxime et Véronique, tous aussi chevronnés les uns que les autres dans leurs spécialités, je me faisais un honneur de faire partie de la même équipe qu’eux. Comme ils sont plus jeunes que moi, vous n’avez pas fini de les lire. Leurs plumes brillent déjà dans des publications prestigieuses.

Au fil de ma carrière, j’ai toujours essayé d’utiliser l’espace public qu’on me donnait pour mettre en valeur la culture, sous toutes ses formes, un événement à la fois, en tentant d’être en phase avec le moment présent et en étant le plus respectueux possible.

Croyez-moi, devant l’abondance de l’offre culturelle qu’il y a au Québec chaque semaine, c’est toujours un dilemme de choisir UN sujet.

Je suis déjà triste à l’idée que je ne pourrai pas vous dire ici tout le bien que j’ai pensé du dernier film de Fernand Dansereau, À la lumière du soir, que j’ai vu au Festival international du film sur l’art, et qui sort en salle en mai. Je suis déçu d’avance de ne pas pouvoir partager avec vous le bonheur anticipé de revoir Alain Souchon en spectacle à Montréal en juin. Je suis aussi navré de devoir faire l’impasse sur l’Hommage à Daniel Bélanger du Cirque du Soleil à Trois-Rivières en juillet, contrit de ne pas vous parler du nouvel album surprise d’Ariane Moffatt, Airs de jeux, et du premier disque en français de Bobby Bazini, prévu pour l’automne, chagriné de réaliser que je n’aurai pas eu le temps de vous faire découvrir la jeune et si prometteuse chanteuse Jeanne Côté de Petite-Vallée.

Pour cet ultime texte, je me suis dit: «profitons du dernier espace professionnel à ma disposition pour faire un coup de chapeau à Claude Lelouch, dont le film Finalement sort en salle ce vendredi 28 mars».

En plus de son titre qui me parlait beaucoup, j’ai toujours eu un faible pour ce réalisateur qui porte le même prénom que moi. Je l’aime depuis son film Un homme et une femme que j’ai vu pour la première fois sur notre télé noir et blanc du sous-sol pas fini de notre domicile familial alors que j’avais à peine 10 ans. Voilà un souvenir impérissable, entretenu par la bande sonore de Francis Lai que je tiens, encore aujourd’hui, pour la meilleure de l’histoire du cinéma. J’ai d’ailleurs toujours en ma possession le vinyle que mon frère avait acheté à l’époque. Chabadabada!

Je comptais sur ce 51e film en carrière de Lelouch, et apparemment pas son dernier à 87 ans, même si on en parle comme de son film bilan, pour nourrir ma réflexion sur ce moment de la vie qui invite à boucler la boucle et à passer à autre chose. J’espérais que Finalement m’aide à négocier cette échéance qui se dresse sur mon chemin.

Eh bien, non. Malheureusement, ce film est naze.

Claude Lelouch a choisi de mettre en scène un fin plaideur qui plaque sa carrière d’avocat de la défense à Paris pour aller voir ce qu’il pourrait être d’autre en dehors de cette vie de beau parleur. Sur les routes de France (Béziers, Beaune, Avignon, Le Mans, Mont-Saint-Michel, tout ça est bien beau), on suit donc Lino (Kad Mérad), qui change de personnalité à chaque personne qu’il rencontre. En fait, il se fait passer pour les personnes qu’il a défendues, violeur, agresseur, tueur, et poursuit son chemin sans laisser d’adresse, ce qui rend bien difficiles les recherches de sa famille pour le retrouver.

Ça ressemble au film de trop. Le scénario et les dialogues sont lourds et tarabiscotés, le jeu quelconque, les chansons pénibles, les clins d’œil à ses films La bonne année et L’aventure c’est l’aventure ne procurent aucun plaisir. Et même si le film ne dépasse pas une heure et demie, il semble interminable.

Depuis le temps que je fais ce métier, j’aurais dû voir ça venir. Quand un distributeur renonce à faire des visionnements de presse en salle, c’est souvent parce qu’il n’a pas très confiance en son produit.

Dommage de terminer sur une telle note, mais, au moins, avec le titre de son film, Claude Lelouch m’a permis de faire l’économie d’en trouver un pour mon propre texte.

Et comment finir maintenant?

En vous disant merci d’avoir été là, car une des plus grandes satisfactions de ce métier que j’aime tant, c’est d’être lu.

Pour conclure, permettez-moi d’y aller d’une touche nostalgique, avec cette formule aujourd’hui disparue, et surtout connue des journalistes d’une autre époque, le fameux «point trente» qu’on dépose à la fin de la copie pour dire, en définitive, qu’il ne faut rien attendre de plus.

-30-